Le commentaire d'Antoine Hürlimann
Une couronne pour le roi Volkan Oezdemir

Dans l’ombre du spectacle, l’UFC est devenue un outil d’influence. Stars planétaires, les combattants servent de vitrine aux Etats en quête de prestige, comme le révèle un voyage d'Antoine Hürlimann, chef de l'Actualité à «L'illustré», aux côtés de Volkan Oezdemir.
Antoine Hürlimann a suivi Volkan Oezdemir jusqu'à Doha.
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Antoine Hürlimann
L'Illustré

Derrière la violence grand public, l’influence. Avec ses 700 millions de fans, l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus prestigieuse organisation d’arts martiaux mixtes (MMA) du monde, aiguise l’appétit des puissants. Ce qui les fait saliver? La lumière des combattants, sortes de gladiateurs des temps modernes élevés au rang de stars planétaires.

En s’affichant avec ces titans à la discipline de fer, les pouvoirs cherchent à faire d’eux leurs ambassadeurs. Cette stratégie inavouée devient particulièrement visible dans les cas où l’Etat à la manœuvre tente de redorer son blason sur la scène internationale.

Des travailleurs migrants cachés derrière le luxe

Tout est politique. Toujours. On a encore pu le vérifier en plongeant dans le luxe et le sang de Doha, aux côtés du Fribourgeois Volkan Oezdemir. Le Romand, figure majeure de la discipline, signait son grand retour dans l’octogone délimité par une cage, monté pour la première fois ce 22 novembre au Qatar.

Une richissime pétromonarchie qui restreint sur son territoire la liberté d’expression et semble n’accorder qu’une attention très relative au sort des travailleurs migrants pauvres. Ces derniers, quasi invisibles sur place, sont pourtant partout: dans les cuisines raffinées des Qataris, au volant de leurs véhicules ostentatoires, derrière les comptoirs de leurs hôtels somptueux et, surtout, au fond des entrailles de leurs chantiers pharaoniques.

Cela se sait. Cela fait tache. Mais cela sert ceux qui se gavent. Néanmoins, personne n’aime être rangé dans la catégorie des infréquentables. Pour s’attirer les sympathies, le pays gouverné par la dynastie Al Thani n’hésite pas à sortir son chéquier afin de s’adjuger l’organisation d’événements monstres: la Coupe du monde de football 2022 et, désormais, des combats de l’UFC.

«La prochaine fois, apportez des Rolex»

Tiraillés entre les manigances et les promesses de gros sous, certains athlètes baissent la garde et deviennent les pantins de despotes. Volkan Oezdemir n’en fait pas partie. Nous avons assisté à l’un de ses entretiens avec l’omnipotente structure américaine de MMA, qui prévoit d’amener ses joutes brutales à la Maison Blanche en juin prochain.

Un cadre, hilare, prend de haut le colosse, lui tendant poliment du chocolat suisse: «La prochaine fois, apportez des Rolex.» Une allusion aux capitaines d’industrie helvétiques venus couvrir d’or le seigneur Trump dans l’espoir d’adoucir les droits de douane.

Contrairement au Conseil fédéral et à ses very VIP porte-mallettes, le volcan au bord de l’éruption ne baise les mains de personne. La tête haute, le regard fier, il se contente de réaffirmer sa volonté d’obtenir un duel pour arracher la ceinture de champion. Une leçon, royale, dont la Confédération ferait bien de s’inspirer au lieu de s’aplatir au premier coup de joran.

Un article de «L'illustré» n°49

Cet article a été publié initialement dans le n°49 de «L'illustré», paru en kiosque le 4 décembre 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°49 de «L'illustré», paru en kiosque le 4 décembre 2025.

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