La chronique d'Ilias Panchard
La gauche doit mettre le doigt là où ça fait mal

Dans sa chronique, le conseiller communal vert lausannois Ilias Panchard défend une politique qui assume le clivage. Qu'il soit question de la police à Lausanne ou de la guerre à Gaza, l'élu appelle la gauche à dénoncer les abus et à rompre avec l'immobilisme.
Publié: 08.09.2025 à 11:19 heures
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Selon notre chroniqueur, tout le monde doit bien admettre qu’une véritable police de proximité manque cruellement à Lausanne.
Ilias Panchard
Ilias PanchardChroniqueur et Conseiller communal Vert à Lausanne et président de Sortir du Nucléaire

«Pourquoi tu t’acharnes sur ce sujet? C’est trop clivant et ça ne te rapportera rien politiquement.» En quinze ans d’engagement, j’ai (trop) souvent entendu cette phrase. Elle résume une vision de la politique frileuse, pour ne pas dire lâche.

Je crois au contraire qu’il faut mettre le doigt là où ça fait mal. Pas par goût de la polémique, mais parce que la politique ne doit jamais se limiter à ce qui est électoralement rentable. Défendre celles et ceux qui n’ont pas voix au chapitre devrait être notre priorité.

Notre rôle, à gauche et en tant qu’élu·es, est de dénoncer les abus, questionner les failles et d’ouvrir des débats. En bref, nous devons faire du bruit face aux injustices lorsque d’autres préfèrent se taire.

Des alertes plusieurs fois ignorées

Au niveau lausannois, j’en ai fait l’expérience avec mon projet-pilote pour une police de proximité sans arme à feu pour certaines missions. Adoptée par une large majorité du Conseil communal, l’idée a déclenché une avalanche de réactions caricaturales. A la manœuvre? Les syndicats de police et le PLR. 

Aujourd’hui, ces opposants ont fort à faire pour défendre les dérives et abus de la police qu’ils ont contribué à couvrir pendant tant d’années. Et subitement, tout le monde doit bien admettre qu’une véritable police de proximité manque cruellement à Lausanne.

Je pense aussi à l’affaire de ce policier lausannois qui revendait, sur son temps de travail et avec une autorisation officielle de sa hiérarchie, des insignes Thin blue line – symbole de ralliement de l’extrême droite depuis l’élection de Trump. De telles dérives auraient dû nous servir d’alerte. Hélas beaucoup ont préféré fermer les yeux face à mes dénonciations répétées.

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Certains cas m’ont marqué plus profondément encore. Ce jeune de 17 ans qui a perdu un œil après un tir de balle en caoutchouc de la police à la sortie d’un match de foot à la Tuilière. Camila et Marvin, ces mineurs morts à la suite de courses-poursuites avec la police qui n’auraient jamais dû arriver.

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Notre rôle est de soutenir les familles concernées et relayer des revendications politiques pour que de tels drames ne se répètent jamais. Nous continuerons d’agir pour que justice soit rendue.

Un tel engagement expose. Les critiques fusent et l’ampleur nous dépasse parfois. Les insultes, l’intimidation et les menaces s’ajoutent au reste.

Nous ne pouvons plus rester immobiles

Cela fait partie de notre engagement car les avancées progressistes exigent de la ténacité et du courage. Et du travail avec les collectifs engagés sur ces questions. Si on n’assume pas d’exercer un rapport de forces en politique, comment prétendre qu’on peut changer les choses?

En Suisse, la tentation est de rester lisse, de viser le consensus. Une prudence qui vire souvent à l’immobilisme. Or nous n’avons plus ce luxe: l’urgence écologique, sociale et démocratique exige de l’audace et du courage.

Je ne peux évidemment pas terminer cette chronique sans appeler l’ensemble des élues et élus à dénoncer avec force le génocide à Gaza et appeler à des sanctions fortes contre le gouvernement israélien.

J’aimerais que la gauche et les écologistes assument davantage le clivage. Qu’on dépasse la simple gestion pour dénoncer fortement les abus et proposer des changements radicaux. Cela implique de prendre des risques, d’essuyer des revers, d’encaisser les critiques. C’est le seul moyen de faire bouger les lignes et de donner envie à d’autres de s’engager en politique.

La politique n’est pas une affaire de héros. C’est une affaire de courage. De voix qui s’élèvent, même minoritaires. De nombreuses luttes ne se gagnent pas du jour au lendemain, mais elles méritent d’être menées. Simplement parce qu’elles sont justes.

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