La chronique de Delphine Klopfenstein-Broggini
Punir des enfants pour avoir fui?

Delphine Klopfenstein-Broggini revient sur le renvoi des enfants demandeurs d'asile. Pour la conseillère nationale verte, la Suisse ne respecte pas ses engagements envers ces enfants, créant un double standard. Elle appelle la Confédération à agir.
Publié: 12.06.2025 à 11:25 heures
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La conseillère nationale verte genevoise dénonce la politique suisse en matière d'asile.
Delphine Klopfenstein Broggini
Delphine Klopfenstein BrogginiConseillère nationale

Les enfants de l’asile n’ont pas d’enfance. Ils fuient avec leur famille la guerre, les tensions géopolitiques, la faim, et même souvent les persécutions. Mais à leur arrivée dans un des pays les plus riches, démocratiques et stables du monde, ils sont souvent sanctionnés. Pas pour ce qu’ils ont fait. Pour ce qu’ils sont.

Derrière les chiffres bien choisis du Conseil fédéral et les règlements touffus du Secrétariat d’Etat aux migrations, ce sont elles et eux qui sont les premières victimes de notre politique de l’asile. Des enfants déplacés. Déstabilisés. Enfermés. Ou privés d’école. Un quotidien fait d’attente et d’humiliation.

Dans les CFA, ces centres fédéraux où l’on regroupe les personnes à l’arrivée, il y a des fouilles, des réveils nocturnes, des mises à l’isolement. Et parfois même, ces pratiques s’appliquent à des mineur-e-s. Le personnel dans les CFA en a désormais le droit, grâce à un vote de la majorité de droite au Parlement.

Un double standard

La clause de souveraineté, censée protéger des cas humanitaires, est de moins en moins appliquée. Pourtant, elle permettrait d’éviter que des enfants malades soient renvoyés vers des pays sans structure médicale adéquate, comme ce fut le cas il y a peu vers la Croatie. Face aux situations d’urgence aiguë, des solutions ciblées et pragmatiques sont pourtant à portée de main. Ainsi, concernant les enfants gravement blessés ou menacés dans la bande de Gaza, la Suisse pourrait instaurer une procédure claire et rapide de visas humanitaires.

Il ne s’agit pas d’angélisme. Il s’agit de droits humains fondamentaux. Il s’agit de respecter ce que nous avons signé: la Convention relative aux droits de l’enfant. La Suisse l’a adoptée en 1997 et s’est engagée à la faire respecter. Et pourtant, elle ne tient pas ses engagements, comme si ce qui est essentiel pour les enfants suisses, ou pour les enfants d’origine étrangère vivant durablement en Suisse, ne devait pas s’appliquer aux enfants de l’asile. La Commission fédérale des migrations alarmait d’ailleurs l’opinion publique dernièrement en affirmant que «les conditions de vie des enfants et adolescents qui vivent à l’aide d’urgence dans le domaine de l’asile mettent en danger leur santé et leur développement. Cette situation n’est conforme ni à la Constitution fédérale ni au droit international».

C’est pour toutes ces raisons que j’ai signé l’appel «Les nommer par leur nom». Pour rappeler que derrière chaque statistique, il y a un prénom. Un enfant. Une histoire. Mais aussi une responsabilité.

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