Si vous demandez à un Suisse ce que la France lui évoque, il vous sortira probablement les réponses cliché suivantes: des grèves et du pain. Et en ce 1er Mai, les deux ne semblent pas faire bon ménage. Dans les faits, le Code du Travail français interdit à tout patron de faire travailler ses salariés lors de cette journée sacrée qu'est la Fête du Travail, sauf exception pour les métiers essentiels principalement. Mais face aux fermetures des boulangeries, certains Français fulminent, n'étant pas prêts à renoncer à leur traditionnelle baguette et à leurs viennoiseries pour leur petit-déjeuner.
Cette question qui peut paraître anecdotique au premier abord a pris une véritable dimension politique. Plusieurs boulangers ont poussé un coup de gueule ces dernières semaines et exigent une modification de la loi pour autoriser l'ouverture de leur commerce. Des élus se sont aussi immiscés dans le débat, majoritairement du côté du camp bourgeois. Marine Le Pen a réagi sur X pour exprimer son soutien aux employés boulangers qui souhaitent travailler sur la base «du volontariat». «Quand ce gouvernement va-t-il laisser les Français travailler?», questionne non sans ironie la présidente du Rassemblement national.
Eric Ciotti a, quant à lui, estimé que cette mesure était «absurde et anti-économique», les boulangeries étant indispensables au «quotidien des Français».
Des députés centristes ont alors déposé une proposition de loi pour autoriser des commerces qui sont déjà ouverts le dimanche à faire de même le 1er Mai, comme les boulangeries. Une proposition qui a irrité la gauche et les syndicats. Ceux-ci dénoncent une attaque contre les acquis sociaux, et réclament le respect du droit du travail. La cheffe du principal syndicat de France, la CGT, a déclaré sur LCI que les boulangeries ont «364 autres jours pour ouvrir».
Certains bravent l'interdit
Ceux qui décident quand même de désobéir s'exposent à de lourdes conséquences. Un boulanger parisien avait défrayé la chronique en 2021 après avoir ouvert boutique un 1er Mai. Sauf qu'il a reçu la visite d'un inspecteur du travail. Celui-ci a estimé qu'il y avait «une violation des règles relatives au 1er Mai chômé», ignorant les justifications du patron, qui assure que ses 21 employés ont travaillé sur une base volontaire. Résultat: il s'est vu infliger une amende monstre dépassant les 70'000 euros!
Ce cas a refroidi certaines boulangeries, qui restent fermées par peur de représailles. Certains récalcitrants ont toutefois décidé de braver l'interdit. Interrogé ce jeudi par BFMTV, un boulanger dit permettre à ses salariés de venir travailler «sur une base volontaire», assurant ne leur mettre «aucune pression». Il affirme par ailleurs que «ses employés se battent pour venir travailler», car cette journée permet de doubler leur salaire.
Bien qu'il estime que les Français ne vont pas «mourir de faim», le président de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française, Dominique Anract, a déclaré sur Europe 1 que «c'est quand même sympa, un jour férié, d'aller chercher une viennoiserie, une bonne baguette fraîche». «Tout le monde n'a pas les moyens d'aller au restaurant. Des Français touristes ou même des étrangers pourraient ne pas comprendre que dans le pays de la baguette Unesco, on ne puisse pas aller chercher un sandwich!» Il estime que la fermeture des boulangeries le 1er Mai engendre des pertes entre 70 à 80 millions d'euros.