Pas de répit pour la marque au «Grand Méchant Look»: à peine rachetée, Naf Naf vient d'être de nouveau placée en redressement judiciaire, pour la troisième fois de son histoire, une procédure inquiétant les quelque 600 employés en France.
Confrontée à «des difficultés de trésorerie», l'enseigne de prêt-à-porter féminin a été placée vendredi en redressement judiciaire, selon une décision du tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis) dont l'AFP a eu connaissance. «Si ce jugement écarte pour l'instant la liquidation immédiate de l'entreprise, il ouvre une grande période d'incertitude», s'est émue la CFDT dans un communiqué transmis à l'AFP.
Difficultés de trésorerie
Il s'agit de la troisième procédure de la sorte pour l'entreprise française qui avait été rachetée en juin dernier, mais sa direction turque a déclaré vouloir «continuer à faire exister la marque et présenter un plan de redressement», selon la décision. L'entreprise emploie en France 588 salariés – 650 dans les 6 derniers mois, note le tribunal.
En cessation de paiement, la société «est confrontée à des difficultés de trésorerie qu'elle n'est pas en mesure de surmonter» et «est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible».
En effet, son passif s'élève à 44 millions d'euros quand son chiffre d'affaires en 2024 a atteint 47 millions d'euros. Mais la justice a estimé que «sur les déclarations du débiteur et la présentation de son prévisionnel d'activité ainsi que du montant de la trésorerie disponible, il existe des perspectives de redressement».
Naf Naf bénéficie donc d'une période d'observation de six mois et sa situation sera rééxaminée lors d'une audience fixée au 23 juillet.
Les magasins approvisionnés
En juin 2024, le repreneur turc Migiboy Tekstil s'était engagé à sauver 90% des emplois et conserver une centaine de boutiques en propre. A l'époque, la société avait offert plus de 1,5 million d'euros pour reprendre l'enseigne française.
Ce faisant, l'entreprise turque avait sauvé 521 emplois sur 586 et une centaine de boutiques en France, et repris les filiales en Espagne, en Italie et en Belgique.
«La direction et l'actionnaire devront prouver que Naf Naf peut continuer à fonctionner au moins temporairement, ce qui suppose d'approvisionner les magasins (...) et de trouver une nouvelle organisation logistique, le tout avec des marges de manœuvre financière très contraintes», s'est inquiétée la CFDT. Les magasins «vont être approvisionnés car il y a 800'000 articles en stock et la société écoule 140'000 articles par mois», a argumenté devant le tribunal la direction.
Des déboires à la chaîne
Mais même si ce plan de redressement aboutit, «une réorganisation drastique avec des fermetures de magasins et une nouvelle réduction du siège sont très probables», a jugé la CFDT. Sans compter le scénario catastrophe : «A l'inverse, si ces conditions ne sont pas remplies, se profilera une liquidation avec vente au plus offrant des magasins, des stocks et de la marque, avec un impact social désastreux».
La marque iconique des années 1990 enchaîne les déboires depuis plusieurs années, avec une troisième demande de redressement judiciaire en cinq ans. Lancée en 1973 par deux frères, Gérard et Patrick Pariente, Naf Naf – en hommage au «petit cochon le plus fort et le plus malin des trois» – acquiert une certaine notoriété en 1983. Sa combinaison en toile de coton déclinée en plusieurs couleurs se vend alors à plus de 3 millions d'exemplaires, rappelle le site de la marque.
Un succès commercial qui prend de l'ampleur dans les années 1990 lorsque la marque lance des campagnes publicitaires très remarquées, avec pour slogan «Le Grand Méchant Look». Mais en mai 2020, en pleine épidémie de Covid, la marque est placée en redressement judiciaire.
L'entreprise est alors reprise par le groupe franco-turc SY International, qui emploie plus de 1000 personnes dans le monde, et avait déjà acquis l'enseigne Sinéquanone en 2019. La marque, qui s'est endettée durant la pandémie, notamment en raison de loyers impayés, est de nouveau placée en redressement judiciaire en septembre 2023, avant d'être rachetée par Migiboy Tekstil.