Le meurtrier a avoué ses motifs racistes
Les Kurdes protestent, les Parisiens et les médias s'interrogent

La journée de samedi 24 décembre a été marquée par les manifestations des Kurdes à Paris et dans le reste de la France. Trois d'entre eux sont morts vendredi sous les balles. Mais pour beaucoup de Parisiens, l'heure est à la colère et au mystère
Publié: 24.12.2022 à 18:04 heures
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Dernière mise à jour: 24.12.2022 à 20:01 heures
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Plusieurs personnalités politiques, dont le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon et l'ancien ministre socialiste de la culture Jack Lang,se sont joints samedi à la manifestation des Kurdes à Paris
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Qui était vraiment William M…? Cette question, beaucoup la posent à Paris après la fusillade de vendredi 23 décembre rue d’Enghien, où trois Kurdes, dont un artiste connu de cette communauté, ont trouvé la mort sous les balles de ce retraité de la SNCF.

Oui, qui était cet ancien conducteur de trains de 69 ans qui, au moment des faits, vivait chez ses parents dans un quartier voisin? L’homme, arrêté par des clients dans une boutique de coiffure où il était entré armé, a avoué aux policiers ses motifs racistes. Il voulait, dit-il, s’en prendre à la communauté kurde. Sa garde à vue a été prolongée. Mais il n’est toujours pas, pour l’heure, accusé d’attentat terroriste. D’où les interrogations et les colères.

Une communauté kurde politiquement très active

La colère la plus vive est évidemment celle des Kurdes, une communauté visée en permanence par le gouvernement turc, qui la considère noyautée par le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation considérée comme terroriste par la Turquie et par l’Union européenne. Samedi 24 décembre, veille de Noël, des milliers de Kurdes ont manifesté place de la République à Paris, avant qu’une partie des protestataires s’en prennent aux forces de l’ordre. Idem à Marseille, autre bastion kurde en France. Dans la capitale, le spectacle de voitures renversées par les protestataires a engendré la colère sur les réseaux sociaux.

Plusieurs personnalités politiques, dont le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, s’étaient jointes au cortège. Mais dans la population de la capitale française, l’heure est surtout aux questions. William M… présenté par ses parents comme taciturne, connu pour son goût des armes à feu, était connu des services de police.

Il avait plusieurs fois commis des agressions racistes, y compris contre un camp de migrants et avait été libéré début décembre, après un an de détention. Il était sous contrôle judiciaire. A-t-il été manipulé? Pourquoi cette haine des Kurdes en particulier? Le quotidien communiste l'Humanité affirme qu'il a été déposé par une voiture avant la tenue d'une réunion décalée au dernier moment.

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Le tueur a-t-il agi seul ?

Le fait est que ce retraité qui semble avoir agi seul n’a, a priori, pas le profil d’un tueur au service d’une organisation ou d’un réseau quelconque. Mais sa cible ne pouvait pas être plus claire. Ses coups de feu mortels ont tous été tirés contre des habitués du centre culturel kurde de la Rue d’Enghien, dans ce quartier peu touristique de Paris. Puis il a tourné son arme vers des passants, également kurdes. Alors, racisme ordinaire ou haine particulière et manipulée ?

Comment le tueur a été maîtrisé vendredi à Paris

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Autre interrogation: pourquoi les Kurdes de Paris ont, ce samedi, affronté les forces de l’ordre et renversé des voitures ? Pour dénoncer le manque de protection? Pour dénoncer le fait qu’ils demeurent ciblés par la Turquie?

Les commentaires sur les réseaux sociaux allaient tous dans le même sens: celui de la solidarité et de l’incompréhension devant ces manifestations transformées en émeutes. Turcs et Kurdes se sont affrontés en plein Paris. L’impact de ces affrontements est heureusement resté limité. Mais une évidence a de nouveau fait surface: le risque de confrontation entre communautés, dans une ville marquée par les attentats ces dernières années.

La fusillade de vendredi est intervenue quelques jours après le jugement des complices du terroriste de Nice qui, le 14 juillet 2016, avait causé la mort de 86 personnes au volant d’un camion fou sur la promenade des Anglais.

Réseau de passeurs

Un sujet peu évoqué, mais néanmoins sous-jacent, est la présence dans la communauté kurde de réseau de passeurs de migrants. Il s’agit le plus souvent de Kurdes d’origine irakienne, basés des deux côtés de la Manche. Plusieurs de ces réseaux ont été démantelés en 2022, en France et en Angleterre. Le meurtrier savait-il cela? Il avait attaqué, en 2021, un camp de migrants au sabre, motif de son arrestation puis de son emprisonnement.

L’autre théorie est celle d’un homme manipulé pour commettre une tuerie bien ciblée. La communauté kurde de Paris a plusieurs fois été endeuillée par des assassinats ciblés, comme celui de trois militantes kurdes tuées en 2013. Une réunion devait avoir lieu ce vendredi à ce sujet au centre culturel Kurde visé par le tueur. Une manifestation d’hommage à ces trois femmes avait eu lieu à paris en janvier 2022 pour réclamer justice dans cette affaire jamais jugée. Motif: le secret-défense, qui bloque l’instruction du dossier.

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