Un attentat à la veille de Noël? À Paris ce vendredi 23 décembre, en début d'après-midi, le scénario du pire était de plus en plus évoqué alors que la préfecture de police bouclait le quartier de la rue d’Enghien, où s’est déroulée vers midi une fusillade qui a fait trois morts et plusieurs blessés graves, selon les premiers bilans.
Les coups de feu auraient été tirés à l’intérieur du centre culturel kurde Ahmet Kaya, installé dans cette artère peu touristique située derrière les grands boulevards, en contrebas de la gare de l’Est. Ce centre, géré par une association kurde de Paris, a souvent abrité des manifestations et colloques sur le Kurdistan et sur la résistance à l’État islamique dans la région du Levant. Il organise, chaque année en mai, un festival culturel et abrite les séances du Conseil démocratique kurde en France.
Selon la police, l’auteur présumé des coups de feu a été interpellé avec son arme. Il est âgé de 69 ans. Retraité de la SNCF, il s'était auparavant rendu coupable de plusieurs agressions racistes. Il avait été préalablement détenu, après s'en être pris à des réfugiés dans un campement de migrants.
Toile de fond tragique
C’est dans cette même partie de Paris, rue La Fayette, qu’avaient été tuées, dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, trois militantes kurdes: Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez, membres du Parti des travailleurs du Kurdistan. Les services secrets turcs sont soupçonnés d’avoir commandité ces meurtres. Le secret-défense a toujours empêché une enquête approfondie.
Qui dit attentat pense bien sûr, dans la capitale française, à la nuit tragique du 13 novembre 2015 qui avait vu des commandos terroristes islamistes attaquer le Stade de France, le Bataclan et plusieurs terrasses parisiennes. Bilan: 130 morts et 413 blessés. Les Kurdes, cibles possibles de la fusillade de ce vendredi 23 décembre, sont à la fois les adversaires résolus de Daech et ceux des autorités turques actuelles.
La cible apparente? La communauté kurde
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait de la cessation du soutien aux exilés kurdes une condition de son accord pour que la Suède et la Finlande puissent rejoindre l’OTAN, l’Alliance atlantique dominée par les États-Unis. Résultat: le 2 décembre dernier, les autorités suédoises ont renvoyé en Turquie un membre présumé du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation considérée comme terroriste par Ankara et par l’Union européenne (UE). La protection a aussitôt été renforcée autour de l'ambassade de Turquie à Paris. Une manifestation de soutien aux victimes est attendue demain dans la capitale française.
Cette fusillade parisienne intervient quelques mois après le procès des attentats du 13-Novembre, baptisé V13, qui s’est achevé le 12 juillet 2022. L’accusé principal, Salah Abdeslam, seul survivant des commandos, y a été condamné à la perpétuité incompressible. Il est d’ailleurs de nouveau sur le banc des accusés à Bruxelles pour le procès des attentats commis dans la capitale belge en mars 2016.
Un autre procès-fleuve du terrorisme, celui de l’attentat de Nice le 14 juillet 2016, vient pour sa part de se conclure dans la même salle spéciale du Palais de justice de Paris. Le jugement est intervenu le 13 décembre.
La mouvance d'ultra-droite a récemment été ciblée par la police, qui a procédé à plusieurs vagues d'arrestations. Les dernières en date ont eu lieu le 15 décembre, après la demi-finale du Mondial de foot remportée par la France face au Maroc. Ces sympathisants d'extrême-droite envisageaient, selon la police, de mener des actions violentes durant la soirée.