Les syndicats français ont promis une «journée noire» de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE. A Paris, le préfet de police s'est dit «très inquiet» de la présence de nombreux casseurs venant pour «en découdre» dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50'000 à 100'000 personnes.
Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés. Ceux-ci pourraient réunir jusqu'à 900'000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement «Bloquons tout» du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.
Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires «brutales» préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment). Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.
Lecornu promet des «ruptures de fond»
Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu – troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 – s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB). Il a néanmoins promis des «ruptures sur le fond» en matière budgétaire.
Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026. Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.
«Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !», s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre. L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est «une première victoire», qui «confirme que nous sommes en position de force», a-t-elle estimé.
La CFDT aussi de la partie
Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est «plus que jamais motivée pour aller dans la rue», a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend «des faits et des preuves» du nouveau chef de gouvernement, et notamment un «besoin d'efforts partagés». Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de «faire quelque chose» au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au coeur du débat.
«Le budget va se décider dans la rue», estime Sophie Binet, qui évoque une «démonstration de force» et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée. Côté transports, le trafic sera «perturbé» voire «très perturbé» dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.
Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève. A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.