Pornhub tire la prise en France
«Personne n'en parle, tout le monde regarde»

L'association We Are Lovers sensibilise les lycéens parisiens à l'addiction au porno, dans un contexte où plusieurs plateformes de X ne leur sont plus accessibles. Le but? Echanger sans tabou sur les conséquences de la consommation des contenus chauds.
Publié: 04.06.2025 à 09:47 heures
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Dernière mise à jour: 04.06.2025 à 10:11 heures
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30% des mineurs français consomme du porno chaque mois. (Image d'illustration)
Photo: Shutterstock
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AFP Agence France-Presse

«Quand la pornographie était un problème dans ma vie, je restais sur mon téléphone dans ma chambre toute la journée.» Avec des témoignages personnels, des jeunes bénévoles de l'association We Are Lovers sensibilisent des lycéens parisiens, du lycée L'Initiative à Paris, contre l'addiction qu'elle peut provoquer. «Le système de la pornographie est conçu pour qu'on devienne 'addict'», observent-ils avant de diffuser une vidéo qui en décrypte les mécanismes, la libération de dopamine, puis l'accoutumance et la recherche de sensations toujours plus fortes.

Quelque 30% des mineurs français consultent chaque mois des sites pornographiques, selon une enquête de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de 2023. Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rendent chaque mois sur ces sites. C'est le cas de deux tiers des 16-17 ans et de 21% des garçons de 10-11 ans. Or une loi de 2024 oblige les éditeurs de sites X à instaurer un système d'identification pour empêcher les mineurs d'y accéder. Au grand dam de Aylo, maison mère de Youporn, Pornhub et Redtube, qui, pour protester, a annoncé suspendre l'accès à ces sites pornographiques en France.

Parler des tabous

L'association We Are Lovers (WAL) a été créée en 2018 par de jeunes adultes qui «ont pris conscience de leur addiction et ont voulu en parler aux jeunes, comme des grands frères parlent à leur petit frère ou soeur», explique son directeur général Jean-Marc Timon-David. Elle organise, à la demande des établissements scolaires, des interventions où des étudiants et jeunes professionnels témoignent de leur expérience personnelle.

Ce jour-là, ces bénévoles évoquent devant les lycéens parisiens les conséquences d'une consommation problématique de pornographie: fatigue, difficulté de concentration, perte d'estime de soi, difficultés sexuelles, isolement, comportements sexistes...

«Je sentais que la pornographie faisait que je m'isolais. Je n'étais plus motivé à sortir. Dans la vraie vie, je commençais à avoir du mal à parler avec des filles», explique Côme, 24 ans. «Parfois notre partenaire regarde de la pornographie et pense qu'il faut reproduire. On se dit, pour être aimée, il faut que je fasse ce qu'on me demande», poursuit Marie-Pia, 29 ans, secrétaire générale de l'association. Puis ils évoquent comment s'en sortir: «En parler à quelqu'un de confiance, ça permet de comprendre qu'on n'est pas tout seul.

«
Cela concerne beaucoup de gens qui en souffrent sans le dire
Mahé, 24 ans
»

We Are Lovers propose un programme sur internet, Revival, d'aide à la sortie de l'addiction au porno. Quelque soixante bénévoles dans une dizaine de villes ont déjà sensibilisé plus de 70'000 personnes. Agés de 19 à 30 ans, ils sont «de la première génération qui a eu un libre accès au porno dès le plus jeune âge sur internet», explique Jean-Marc Timon-David.

Une intervention bienvenue

Dans le gymnase, les élèves sont attentifs à ces conseils, liés à l'hygiène de vie, aux activités ou à la consultation d'un spécialiste... Venue assister à cette session parisienne, la ministre française chargée du numérique Clara Chappaz demande aux élèves combien ont vu du porno. Beaucoup de mains se lèvent. Combien en ont vu sans l'avoir cherché? La quasi totalité lèvent le bras.

Des papiers sont distribués pour des questions. «Mon petit frère de sept ans regardait une vidéo sur YouTube et est arrivé sur un site porno, il est trauma(tisé) maintenant», écrit un élève. «Merci pour l'intervention!», écrit un autre.

«C'est très bien de l'aborder sous l'angle de l'addiction», confirme un lycéen interrogé après cette intervention. «Il faudrait en parler, comme le harcèlement», commente une jeune fille. «C'est difficile d'en sortir. C'est tabou, personne n'en parle alors que tout le monde regarde», relève un autre lycéen. L'établissement avait prévenu les parents de l'intervention de l'association. Celle-ci organise également des sessions pour les parents et éducateurs et des webinaires sur son site le dernier mercredi de chaque mois.

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