Le Pain Quotidien à Genève
Alain Coumont, le Belge qui distribue des pains

Le fondateur de la chaîne de boulangeries bobo-branchée était de passage à Genève, où de nouvelles boutiques devraient bientôt ouvrir.
Publié: 30.10.2022 à 14:25 heures
Alain Coumont lors de son passage à Genève
Photo: Nouhad Monpays
Nouhad Monpays

C'est le fondateur de la plus française des marques belges. Et il était de passage en Suisse. Voilà pour la francophonie. Le chef Alain Coumont est l'homme derrière Le Pain Quotidien, chaîne internationale de 5000 employés présente dans 15 pays.

Cette enseigne de boulangeries-restaurants adulée des bobos du monde entier promeut des pains bio et un art de vivre «à la française». La chaîne fêtera ce 26 octobre 32 années d’ouverture ininterrompues de la première boutique, à Bruxelles. Et malgré la pandémie et la crise des matières premières, qui l’ont mise en grandes difficultés, la marque a repris son développement, y compris en Suisse. Les six boutiques existant à Genève, Lausanne et Zurich seront rejointes par deux nouvelles dans la Cité de Calvin fin 2022 et début 2023.

308 pages de tartines

Alain Coumont était il y a peu présent à Genève pour la promotion de son livre de recettes «Tartine Confidential» mettant à l'honneur le pain - au levain - dans tous ses états, mais pas seulement: salades, soupes et autres quiches, inventives souvent, «healthy» toujours, sont au menu de ce recueil de 308 pages qui revient aussi sur une personnalité détonante, un parcours atypique, mais aussi sur les valeurs et l’identité d’un homme ayant créé un empire du pain. Parmi les belles recettes du livre, trois d’entre elles sont à attribuer à des collaborateurs genevois du Pain Quotidien: Fabien et sa tartine betterave mangue, Jessy qui partage la recette d’empañadas boliviens de sa grand-mère et enfin Gustavo qui dévoile celle de sa tartine villageoise chilienne.

Issu d'une famille d'épiciers, Alain Coumont dit avoir passé une partie de son enfance à contempler sa grand-mère faire du pain, perché sur sa chaise. Il se lance dans la cuisine en 1977 et travaille dans les brigades de plusieurs grands chefs tels que Michel Guérard, avec qui il a co-écrit son premier livre en 1989, Georges Blanc et Joël Robuchon. Frustré de ne trouver du pain à son goût dans son restaurant à Bruxelles, il finit par fonder sa première boutique dans la capitale belge en 1990.

Il la bâtit au croisement de la boulangerie et du restaurant à la française. Le pain y demeure la pierre angulaire, rapidement rejoint par des tartines, salades et pâtisseries. Après avoir trouvé une vieille table dans un marché aux puces bruxellois, il affine sa proposition en réunissant les clients autour d’une table commune rustique «comme à la campagne, comme dans le temps», dit-il, ce qui devient la marque de fabrique de l'entreprise.

La baguette à New York

Son ambition avouée, c'est faire redécouvrir à ses clients les parfums et les saveurs de leur enfance à travers des adresses qui rendent hommage à un art de vivre rural, plus simple: la simplicité de la slow life avant l’heure en somme. Ce côté avant-gardiste est d'ailleurs vanté sur le site de l'entreprise: «Il n’a jamais été autorisé de fumer dans nos restaurants bien avant que cela ne devienne la norme. Le premier plat végétarien de notre menu a été ajouté en 1992, nous avons banni les sodas en 2005, et en 2011 nous avons introduit notre premier plat végan», peut-on y lire.

Après un premier succès belge (il ouvre une dizaine de boutiques à Bruxelles quelques mois à peine après la première), Le Pain Quotidien accumule les dettes et Alain Coumont est contraint en 1994 de céder 60% de la franchise locale à des industriels de l’agroalimentaire. Il part alors pour les Etats-Unis, où il tente de redémarrer à zéro.

C’est par ailleurs depuis New York qu’Alain prendra le virage du tout bio avant l’heure: «Je mangeais moi-même bio pourquoi pas mes clients?», s’interroge-t-il. Et malgré l’absence de soft drink au Pain Quotidien (une aberration pour un Américain), le succès sera tout de suite au rendez-vous, soutenu par quelques articles encenseurs dont un du New York Times pour qui la grande table avait fait mouche.

On compte aujourd’hui 50 boutiques aux Etats-Unis, après un total de plus de 100 avant la pandémie qui a mis, au surplus de décisions stratégiques hasardeuses, l'entreprise en grandes difficultés (elle a été contrainte à une procédure de réorganisation judiciaire à l'été 2020). Mais c'est bien depuis les États-Unis, où se situe son siège, que Le Pain Quotidien est reparti à la conquête du monde. La France et la Suisse furent à ce titre en 1998 les premières ouvertures européennes de la marque, hors Belgique.

Des «dinosaures»

Le cuisinier de 61 ans, aujourd’hui homme d'affaires accompli, passe plus de six mois par an dans les avions. Il dit se rendre à peu près deux fois par an dans chaque boutique: «C’est important pour la cohésion des équipes, mais aussi pour faire en sorte que les designs et les recettes soient conformes à nos cahiers des charges. On ne peut pas faire le pain d’une manière différente sous prétexte que c’est plus rapide ou trop compliqué».

D’ailleurs, celles-ci sont presque toutes les mêmes d’un pays à l’autre, mais Alain Coumont précise: «Nous ajustons l’offre au pays, au Brésil par exemple, vous ne pouvez pas passer à côté du petit dej’ traditionnel». En Suisse, ce sont des birchers qui trônent en vitrine et du gruyère qu'on trouve dans les sandwiches.

Quant à l'avenir, Alain Coumont dit vouloir développer quelques nouveaux pains dont un au chanvre. «On verra si les mamies acceptent de le goûter sans grimacer» s'esclaffe-t-il. Et à plus long terme, il affirme vouloir «rester tels que nous sommes: une marque définitivement nostalgique. Notre métier est de vendre des traditions. Nous faisons déjà office de dinosaures, mais c’est ce que les gens viennent chercher chez nous.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la