Il y a bien plus simple
Du vin rouge avec le fromage? Vous avez tout faux!

Nombreux sont ceux qui pensent qu’il faut servir du vin rouge avec un plateau de fromages. Erreur! Pour des accords parfaits, c’est avec le blanc qu’il faut le marier. Et c’est le meilleur sommelier de Suisse qui le dit.
Publié: 26.11.2022 à 17:57 heures
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Dernière mise à jour: 28.11.2022 à 09:42 heures
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Photo: shutterstock
Elodie Maître-Arnaud

Les habitudes sont tenaces, et nombre d’entre nous sont persuadés que le rouge est la couleur qui sied le mieux au fromage. Il est même souvent d’usage de réserver la «meilleure» bouteille ou le vin «le plus puissant» pour ce moment du repas. C’est raté. Car même si on a longtemps prétendu le contraire, c’est pourtant le vin blanc qui permet les meilleurs accords. On s’est penché plus en détails sur la question avec Fabien Mene, meilleur sommelier de Suisse en titre et chef sommelier exécutif du groupe hôtelier m3 Hospitality.

«C’est une idée reçue de prétendre qu’il faut boire du vin rouge avec le fromage», confirme-t-il. Mais pourquoi cette obstination? Parce que, historiquement, on produisait surtout du rouge? Pour terminer la bouteille de rouge entamée lors du repas? Pour impressionner ses convives en débouchant de façon quasi cérémoniale un rouge grandiose pour accompagner le plateau de fromages? Par goût, tout simplement? Peu importe. L’expérience confirme que le fromage s’accorde mal avec la plupart des vins rouge. En cause, l’astringence du vin, la salinité et le gras des fromages.

Acidité 1, tannins 0

«La plupart du temps, l’astringence des tanins du vin rouge ne matche en effet pas avec le fromage», relève le sommelier. La faute à la tyramine, un acide aminé de la caséine (une protéine du lait présente dans les fromages) qui augmente la formation de salive. Or les tanins présents dans le vin rouge assèchent eux aussi la bouche. Bref, assèchement + assèchement = une sensation pas très agréable. «Souvent, le côté lactique du fromage donne aussi un goût métallique avec le vin rouge», ajoute-t-il. Cette fois, c’est la salinité du fromage qui n’est pas vraiment copine avec l’amertume des tannins du rouge et qui provoque cette perception sensorielle désagréable.

Autre caractéristique qui plaide en faveur du blanc: sa légère acidité permettant de «rincer» la sensation salée laissée par le fromage et de rafraîchir le palais. «On apporte ainsi de la légèreté et du peps avant d’attaquer le dessert.» Sans oublier que le fromage est très riche en matières grasses: «L’acidité du vin blanc vient également contrebalancer agréablement le côté lourd et pâteux du gras.»

Le blanc semble donc avoir tout bon! «Tous les vins blancs peuvent avoir leur place avec le fromage, qu’ils soient secs, fruités, plus riches, plus aromatiques et même doux», affirme Fabien Mene. «Je suggère parfois d’accompagner le fromage avec du cidre, du champagne, du saké ou de la bière, pour des accords plus inattendus.» Bref, en choisissant du vin blanc, vous avez toutes les chances de proposer un accord réussi avec les formages, ce qui est loin d'être le cas avec les rouges. Et pour les irréductibles de la team rouge, le sommelier recommande de choisir des cépages légers ou d’opter pour des vieux millésimes (10 à 15 ans) dont les tannins seront beaucoup plus souples que ceux des vins jeunes.

L’écho des terroirs

Car les arguments en faveur du vin blanc ne passent pas forcément d’emblée auprès des clients qu’il conseille. «Évidemment, il y a toujours une réticence quand on a des habitudes ou des idées reçues; les gens sont souvent surpris, parfois même déçus», raconte-t-il. Le sommelier sait toutefois trouver les mots pour convaincre. «Et puis cela passe surtout par l’expérimentation: «lorsqu’ils goûtent l’accord fromage / vin blanc que je leur propose, la plupart des gens changent d’avis!»

Du blanc alors. Mais lequel? «Lorsque l’on travaille sur un accord, il y a deux choses à respecter: l’intensité et la persistance aromatique», résume le sommelier. Il s’agit en effet de créer un équilibre afin que le vin n’écrase pas le fromage, et inversement, mais aussi de trouver une harmonie entre leurs arômes pour éviter toute discordance. C’est là tout l’art des accords! Bon à savoir également: «un accord régional fonctionnera toujours très bien». Et selon Fabien Mene, ça marche partout! «Il y a non seulement le côté émotionnel de se dire que tout vient du même terroir, mais aussi une véritable alchimie entre les produits.»

En résumé, on laisse le rouge à la cave et on sort la petite arvine sur un fromage d’alpage du Valais, pour rester dans le même terroir. Mais il y a tant de fromages et de cépages en Suisse et ailleurs! Pour ne pas se tromper, on a donc demandé à Fabien Mene de nous glisser quelques suggestions d’accords.

Accords parfaits: la partition d’un pro

Pour accompagner les nombreuses pâtes pressées cuites suisses (gruyère, etivaz, appenzeller, etc.), le sommelier suggère ainsi des blancs de type chasselas, chardonnay sur des terroirs calcaires, ou encore des cépages originaux comme l’altesse que l’on trouve sur l’arc lémanique. «Ils ont une belle acidité et une certaine rondeur en bouche qui vont bien avec le côté salin caractéristique et très persistant de ces fromages.»

Pour les fromages frais – en particulier de chèvre –, il recommande des vins blancs assez aromatiques, comme le sauvignon blanc ou un viognier très sec, afin de soutenir leur côté lactique. Sur des fromages au goût assez neutre, il faut en tout cas des vins jeunes, plutôt sur le fruit – par exemple un chardonnay, à condition qu’il soit sec, ou un chasselas de Lavaux. Et avec des pâtes molles jeunes (Tomme vaudoise), on peut même se laisser aller au rouge, avec un pinot noir ou un gamay «pour le côté friand et gouleyant».

Les fromages plus affinés (raclette, vacherin fribourgeois, etc.) restent plus longtemps en bouche. «En face, il faut donc un vin blanc peu acide issu d’un terroir avec davantage de longueur, comme des Dézaley à maturité sur les terroirs de Lavaux, un Païen valaisan ou un compléter des Grisons.» Le vin doit en effet supporter l’intensité du fromage tout en le laissant exprimer ses arômes.

La richesse des cépages plus tardifs, de type marsanne ou pinot gris, se marie quant à elle très bien avec des fromages plus forts à croûte lavée, comme le Vacherin Mont d’or ou le munster. Sans oublier les pâtes persillées formant la grande famille des bleus: «elles ont beaucoup d’intensité et de puissance et appellent des vins doux naturels, riches en sucres résiduels et aux arômes plus complexes, comme les grains nobles ou la malvoisie flétrie.» Vous avez les notes, maintenant, c’est à vous de jouer!

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