Après Noël et le Jour de l’an, voici venue l’Épiphanie et son rituel immuable au cours duquel on «tire les rois» (et les reines). Une tradition qui prend racine dans la Rome antique. Pendant les Saturnales, au solstice d’hiver, maîtres et esclaves dégustaient ensemble un gâteau rond grâce auquel on désignait le roi du jour, en y cachant un haricot blanc (une véritable fève donc, les petites choses en plastique à l’effigie de la Reine des neiges n’étant apparues que bien plus tard).
La date du 6 janvier marque quant à elle un moment phare de la tradition chrétienne, célébrant la présentation de Jésus aux Rois mages. L’Épiphanie est surtout depuis des lustres l’occasion pour les croyants et les gourmands de passer à table, afin de déguster une pâtisserie typique de cette période de l’année. Mais si les traditions convergent, la fête des rois n’a pas le même goût partout. En Suisse romande, la couronne en pâte levée partage ainsi les fournils avec la galette feuilletée fourrée aux amandes.
Recette ressuscitée en 1952
Chez nous, c’est la couronne des rois que l’on déguste encore majoritairement le 6 janvier. Il s’agit d’une pâte levée sucrée, assemblant plusieurs petits pâtons autour d’une plus grosse boule. «L’École de boulangerie Richemont a fait revivre ce produit au début des années 1950», explique Sébastien Knecht, responsable du centre de compétences pour la Suisse romande. Jusqu’à cette époque, l’Épiphanie est en effet un jour comme un autre dans le pays. À l’initiative du chercheur bâlois Max Währen, l’École Richemont imagine alors une recette de couronne, largement popularisée dès 1952 auprès des boulangers de tous les cantons.
Après des débuts modestes – 50'000 unités vendues la première année – la couronne des rois est rapidement plébiscitée et se fait une place de choix sur les tables suisses à chaque début d’année. Selon l’Association suisse des patrons boulangers-confiseurs, 1,5 million de couronnes sont désormais écoulées tous les ans, sur la courte période où elles sont produites.
La frangipane plaît toujours plus
Dans les magasins Bread Store, à Lausanne et Vevey, ce sont les galettes à la frangipane qui partent comme des petits pains. «Nous en vendons dix fois plus que de couronnes des rois», affirme ainsi Thomas Marie, le cofondateur de ces boulangeries qui vont confectionner quelque 5000 galettes début janvier. Pas étonnant que cette spécialité fasse particulièrement recette dans cette enseigne qui revendique son attachement aux traditions boulangères françaises. Car la galette des rois à la pâte feuilletée, fourrée d’une crème à base d’amandes, est bel et bien une spécialité importée de chez nos voisins, qui la consomment en masse le dimanche suivant l’Épiphanie.
«La frangipane est une crème d’amande allégée avec une crème pâtissière, pour un résultat plus fondant que le Pithiviers (ndlr: une autre version française de la galette)», précise celui qui a été Meilleur Ouvrier de France. Des recettes plébiscitées depuis de nombreuses années en Suisse romande et qui gagnent aujourd’hui toujours plus de terrain, sous l’impulsion des nombreux boulangers français récemment installés dans la région.
Qu’importe le gâteau… pourvu qu’on ait la fève!
Mais que l’on soit plutôt couronne ou plutôt galette, quel est le secret d’un bon gâteau des rois? «Une bonne couronne des rois doit être aérée, moelleuse, douce et légèrement sucrée, avec une croûte très fine», répond Sébastien Knecht. Il la déguste nature, avec un chocolat chaud maison. Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est la tradition du partage et le jeu qui consiste à désigner roi et reine ceux qui ont trouvé la fève dans leur part de gâteau.
Pour Thomas Marie, «une bonne galette des rois, c’est un feuilletage pur beurre bien cuit, caramélisé sur le dessus, et une frangipane fondante parfumée au rhum». Il préfère la déguster froide, avec un cidre sec. Évidemment, il ne coupe pas non plus à la tradition de la fève.
Et si vous avez envie de préparer vous-même une couronne ou une galette des rois, Sébastien Knecht nous a partagé sa recette de brioche et Thomas Marie sa recette de galette à la frangipane. Y'a plus qu’à!