De l'eau dans le gaz
C'est quoi la gazosa, cette limonade tessinoise à la mode?

Parlons de gaz et de bouchons au Tessin, mais pas de ceux du tunnel du Gothard, plutôt de ceux de la gazosa, une limonade d'anthologie qui revient au goût du jour, jusqu'en Suisse romande.
Publié: 11.09.2023 à 15:06 heures
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Dernière mise à jour: 12.09.2023 à 15:39 heures
Non, la gazosa n'a pas disparu: la tradition tessinoise revient même jusqu'en Romandie.
Photo: Joaquim Manzoni
Joaquim Manzoni

C'est l'histoire d'une renaissance: celle d'une famille d'eaux gazeuses aromatisées typiques du Tessin, qu'on boit au frais dans les fameux grottos qui font la renommée de la région. Cette eau pétillante et fruitée, c'est la gazosa. Renaissance, parce qu'après avoir été un temps oubliée, elle revient en grâce auprès des consommateurs en quête d'authenticité, ou de ceux qui sont nostalgiques de leurs dernières vacances tessinoises. On la trouve désormais au-delà du canton, en Suisse alémanique et en Romandie, que ce soit dans des bars huppés ou des boulangeries populaires.

A l'origine, la gazosa est obtenue par fermentation d'un sirop de fruits. Le principe: des fruits, de l'eau, quelques herbes aromatiques et enfin du sucre… puis du temps et du soleil, afin de laisser la fermentation opérer (si vous êtes tentés, vous trouverez la recette en encadré). Véritable tradition populaire, on la fabriquait dans chaque village, chez soi ou chez le limonadier du coin. Succès oblige, la première fabrique a vu le jour en 1883 à Mendrisio, avant de nombreuses autres dans le Tessin et les Grisons, à tel point que beaucoup de villes avaient leur propre marque.

Hélas, il y a eu de l'eau dans le gaz au tournant des années 1990. La déferlante marketing des eaux et sodas industriels a détourné les consommateurs, si bien que la production de ces boissons aux couleurs chatoyantes a décliné à cette époque, ne laissant que peu de survivants.

Envie de fabriquer votre propre gazosa? Voici la recette

Si vous préférez préparer une gazosa à l'ancienne, la recette pour préparer cette boisson rafraîchissante et désaltérante est d’une extrême simplicité!

Même si cette méthode est tombée en désuétude à la fin du XXe siècle, la base est la suivante: pour obtenir une fermentation avec le sucre, on fait bouillir 5 citrons dans 10 litres d’eau, avec un bouquet d’herbes aromatiques (la sauge était la plus populaire, mais le romarin, la menthe, le thym ou la fleur de sureau sont également utilisés) et un kilo de sucre pendant 20 minutes.

Puis on filtre le mélange et on remplit les bouteilles (pas trop quand même, pour ne pas faire éclater le bouchon) et on les expose au soleil en les mélangeant de temps en temps, pour les faire gazéifier. Certaines recettes ajoutent de la poudre à lever ou encore de la bière. Il faut juste du temps, de la patience, de beaux produits et du soleil…

Si vous préférez préparer une gazosa à l'ancienne, la recette pour préparer cette boisson rafraîchissante et désaltérante est d’une extrême simplicité!

Même si cette méthode est tombée en désuétude à la fin du XXe siècle, la base est la suivante: pour obtenir une fermentation avec le sucre, on fait bouillir 5 citrons dans 10 litres d’eau, avec un bouquet d’herbes aromatiques (la sauge était la plus populaire, mais le romarin, la menthe, le thym ou la fleur de sureau sont également utilisés) et un kilo de sucre pendant 20 minutes.

Puis on filtre le mélange et on remplit les bouteilles (pas trop quand même, pour ne pas faire éclater le bouchon) et on les expose au soleil en les mélangeant de temps en temps, pour les faire gazéifier. Certaines recettes ajoutent de la poudre à lever ou encore de la bière. Il faut juste du temps, de la patience, de beaux produits et du soleil…

Pour Fernando Starnini et sa fille Samoa, respectivement troisième et quatrième génération de la marque Fizzy, l'entreprise familiale a tenu bon dans les années difficiles: «Nous n’avons jamais compté nos heures!», notant ensuite que «maintenant, les gens recherchent à nouveau de la qualité, nous avons même pu ouvrir un dépôt en Suisse allemande». En effet, les ventes repartent à la hausse depuis quelques années, portées peut-être par un désamour des sodas américains et un retour aux produits locaux, artisanaux et surtout de qualité.

Les propriétaires de Fizzy, fondée en 1916, soulignent qu’en général, les fabriques puisent des eaux cristallines propres aux régions alpines. La leur provient de la Pont da Picol, une source qui se trouve à 1000 mètres d’altitude dans la Vallée de Nadro et qui est «particulièrement bonne» ce qui offre «un produit optimal» pour le consommateur.

Avec 250 caisses par semaine, embouteillées sur place le mardi matin, l’usine reste, comme toutes les fabriques de gazosa, une petite entreprise à taille humaine. Fernando Starnini souligne même que le renouveau est certainement dû aux Suisses allemands qui, ayant découvert ces boissons originales au Tessin et reconnaissant la qualité du produit, les ont ramenées au nord du Gothard et ont repris l’habitude de les consommer.

Packaging rétro

En Suisse romande aussi, il est de plus en plus courant de tomber sur ces bouteilles en verre. A Lausanne on en trouve, par exemple, à la boulangerie Grin: pour Farah, la patronne, la gazosa est une bonne alternative aux colas qu’on trouve partout, «ça change et ça permet de se démarquer. En plus les clients aiment bien avoir un autre choix, ça se vend très bien. Ils sont même prêts à dépenser un peu plus pour avoir de la qualité. Celle que les clients demandent le plus est la gazosa au moût. J’imagine que ça leur rappelle les vacances».

Pour Marc, le gérant du 12, buvette du TAN tennis club à Lausanne, «ce choix est risqué, mais payant. La gazosa a une bonne réputation, comme toutes les limonades du Tessin et de l'Italie voisine d’ailleurs. Les arômes sont originaux. C’est un vrai plus, et bien que ça soit un peu plus cher qu’une boisson industrielle, le packaging est sympa, un peu rétro, le système de consigne et de recyclage est écologique. Notre clientèle les trouve rafraîchissantes et désaltérantes!»

Une gazosa…au Coca!

Les gazosa actuelles sont de plusieurs goûts: framboise, pamplemousse, myrtille ou encore – petite revanche – une au cola. Mais à la grande époque, les principaux parfums étaient plutôt le citron, la mandarine et le moût. Les agrumes arrivaient d'Italie en carrioles, avant d'être coupés et épluchés par les femmes du village, qui en extrayaient ensuite l'essence utile à la fabrication. Après la mise en bouteilles, les boissons ainsi préparées étaient transportées de grotto en grotto et de maison en maison dans une charrette tirée par des chevaux. Un système qui a volé en éclats à l'arrivée des boissons américaines et des bouteilles en plastique jetables.

C’est donc un véritable petit miracle si cette eau a repris des ailes, même si la gazosa populaire que l’on connaît aujourd'hui n'est plus produite par fermentation naturelle. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la plupart des professionnels utilisent de l'eau de source gazéifiée et des sirops naturels aromatisés.

Aujourd’hui, elles sont devenues indissociables des bons grottos et sont servies dans la fameuse petite tasse typique en porcelaine, la tazzin, ou bien mélangées à du barbera local, ce qui donne le mezz e mezz (moitié-moitié). Dans nos centres-villes, elles sont perçues, à raison, comme des limonades raffinées pour bars gentrifiés ou tout simplement comme des boissons de qualité dans les établissements qui les proposent comme alternatives aux boissons industrielles, quand bien même elles sont tout aussi sucrées!

Stockée dans des bouteilles en verre fermées par des bouchons mécaniques qui font un sympathique «pop» à l’ouverture, la gazosa a vite acquis le surnom de champagne du pauvre. Aujourd'hui, ce packaging rétro est mis en avant et se reconnaît loin à la ronde. Fizzy, Coldesina, Fiorenzana ou encore Peri sont des noms qui sentent bon les rayons de soleil des vacances au sud des Alpes, des marques de petites entreprises locales qui font partie de la tradition culinaire reconnue de la suisse italienne.

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