Culinaire et solidaire
Au Refugee Food Festival à Genève, l'intégration par la cuisine

L'événement qui fait cuisiner des chefs réfugiés dans les cuisines de restaurants locaux revient à Genève dès le 12 juin. L'occasion de s'intégrer pour eux, et de déguster de la cuisine fusion unique pour nous.
Publié: 02.06.2023 à 18:28 heures
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Dernière mise à jour: 03.06.2023 à 08:59 heures
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Aux Bains des Pâquis, un aperçu de la cuisine ivoirienne.
Photo: RFF
Amal Safi

Foodies amateurs de cuisine fusion, de menus pop-up éphémères, et de plats préparés à quatre mains (voire plus), réjouissez-vous! Du 12 au 20 juin, il sera possible de déguster des menus inédits préparés par des chefs réfugiés en collaboration avec les brigades résidentes de six restaurants genevois. Telle est la philosophie du Refugee Food Festival, initiative née à Paris en 2016 et depuis exportée dans plusieurs villes de France et d'Europe. L'objectif: assister à une fusion de talents culinaires, mais aussi à un engagement citoyen en faveur de l’intégration professionnelle.

Il sera possible de tester six cultures gastronomiques différentes, dont certaines peu communément accessibles telles que la cuisine ivoirienne ou ougandaise, qui feront respectivement l’objet d’un menu spécial aux Bains des Pâquis et au Zanzibar - Lounge Bar & African Cuisine. On a hâte aussi de goûter à la rencontre des cuisines suisse et afghane au célèbre Café Restaurant du Grütli avec une cheffe afghane, qui servira déjeuner et dîner du 12 au 16 juin. Gastronomies ukrainienne et iranienne seront aussi au programme, au Cuisine Lab et à la Vie des Champs, ainsi qu’un brunch 5 étoiles irano-syrien servi au Windows Restaurant de l'Hôtel d’Angleterre le 18 juin.

L'hôtellerie restauration prisée des réfugiés

Favoriser l’insertion professionnelle en faveur de personnes issues de l’asile ou de la migration en les encourageant à intégrer le domaine de la restauration est un mouvement assez spontané. On l’a vu par exemple avec le Cuisine Lab, actif depuis 2020, un restaurant qui forme et engage des chefs avec un parcours d’exil, et qui rencontre un franc succès depuis ses débuts. Au plus fort de la crise en août 2022, près d’un quart des réfugiés ukrainiens avec un permis de travail occupaient des fonctions dans le secteur d'après le Secrétariat d’Etat aux Migrations.

Jennifer Ng Chin Yue, responsable de la communication de l’Hospice général, qui soutient le Festival, se réjouit de sa portée sans pour autant l'idéaliser: «le but de cette opération est avant tout de permettre aux participants d’avoir des interactions professionnelles, de développer leur niveau de français et d’amorcer le début d’un réseau social. Nous espérons que cela va les aider à avoir des opportunités de stages, de contrats temporaires ou de services traiteur, mais nous sommes conscients que ce n’est pas en participant une semaine à un Festival qu’ils auront la garantie d’être engagés. Cette initiative fait partie d’un tout, et elle va incontestablement leur permettre de mettre un pied dans la cuisine d’un restaurant».

Vers un restaurant d'application

Le secteur de la gastronomie peut parfois rimer avec travail non-déclaré, faibles revenus et précarité. Mais Fanny Borrot, directrice du Festival, assure que les chefs invités ne sont pas exploités: «dans le cadre du Refugee Food Festival, tous nos chefs sont déclarés et rémunérés dans chaque ville où se déroule l’événement, ils bénéficient d’un contrat sur la base d’un forfait.» À Genève, les restaurants rémunèrent les chefs sur la base d’un contrat temporaire qui respecte les exigences de la Convention collective de travail pour l’hôtellerie-restauration suisse (CCNT).

Brice Ngarambé met en place le Festival à Genève depuis 2018. Coordinateur d’événements et de partenariats à l’Hospice général, il est allé recruter lui-même les talents culinaires du Festival parmi les bénéficiaires du Service social du canton de Genève. Sept chefs, dont six femmes, avec des profils très variés, la plupart veulent faire de la cuisine leur métier, d’autres voient leur participation comme une opportunité d’acquérir une expérience professionnelle à valoriser sur une future formation dans le domaine de la gestion et de l’hôtellerie par exemple.

Sur ce point, le constat tiré des précédentes éditions genevoises par l’institution est clair: il y a un manque généralisé de voies de formation pour acquérir les connaissances d’un chef professionnel. C’est pourquoi Brice Ngarambé cherche à mettre sur pied un restaurant d’application au Centre d’hébergement collectif de Rigot, situé dans le quartier des Nations, en face des bureaux de l’UNHCR.

Une ambassadrice réputée

Pour la première fois en huit ans d’existence, le Refugee Food Festival aura une marraine, et il s’agit d’Elvira Masson, journaliste culinaire auprès d’une série de médias français, comme France Inter ou «Marie-Claire». Très sensible à la diversité du patrimoine culinaire mondial, elle a organisé des cours de cuisine dans les restaurants d’insertion gérés par le Refugee Food Festival à l’année.

«Il était important d’avoir une marraine qui puisse aussi porter le message globalement auprès des médias. Avec sa forte sensibilité de la cuisine au sens large, elle ouvre son audience à d’autres patrimoines culinaires et cela correspond tout particulièrement à l’essence de notre action», dit la directrice du Festival. D’après Elvira Masson, cette initiative a «le côté visionnaire d’avoir senti que la cuisine comme discipline, comme matière et comme lieu étaient des endroits où on pouvait se retrouver une place.»


Refugee Food Festival
Du 12 au 20 juin 2023 dans 6 restaurants genevois, sur réservation.
Quelques dates:
Du 12 au 16 juin: Déjeuners iraniens par Faranak Ghahramani au Restaurant La vie des champs
Du 12 au 16 juin: Déjeuners ukrainiens par Snizhana Krushynska au Cuisine Lab
Du 12 au 19 juin: Dîners ivoiriens par Basile Neoulo aux Bains des Pâquis
Le reste du programme


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