Noël, Nouvel An: c’est la saison des repas gargantuesques. Et l’on sait que l’on va tous trop manger à l’occasion des fêtes. «Manger trop, c’est à la fois une question de quantité et de qualité», résume Claire Pijollet, maître d’enseignement à la Haute école de santé de Genève, filière nutrition et diététique. Un repas de fête comporte en effet de nombreuses étapes, souvent accompagnées de différents alcools. Pour ces occasions, on a également envie de faire plaisir à ses convives et l’on est assez généreux sur les quantités préparées.
Et puis en cette période de fin d’année, on enchaîne les repas qualitativement plus riches que notre alimentation de tous les jours, en particulier en graisses. «Au cours d’un repas festif, on peut facilement manger trois à quatre fois les calories absorbées normalement lors d’un repas standard du quotidien», estime la spécialiste. Du léger inconfort à la sensation de plénitude et jusqu’à l’écœurement, l’idée de «manger trop» angoisse les uns et ravit les autres. Mais tous se posent la même question: comment faire honneur aux repas de fête en évitant l’indigestion?
Les fausses bonnes idées
On a beau ne plus avoir faim et être conscient que l’on ne se sentira pas bien après un repas trop copieux, il est très difficile de résister à toutes ces saveurs festives. Pourtant, après l’apéro et l’entrée déjà, on sent souvent que l’on n’a plus de place pour la suite. Alors pourquoi continue-t-on? La faute à la variété des aliments qui nous sont proposés et au plaisir que l’on a à les déguster. «On peut être rassasié des canapés de saumon, mais avoir encore de l’appétit pour le plat suivant, même sans faim, parce que ce sont d’autres saveurs, d’autres textures, etc.», confirme ainsi Claire Pijollet. Il y a aussi tout ce qui se joue à table sur le plan émotionnel – ne pas vexer nos hôtes – ou encore cette croyance que l’on ne doit pas jeter la nourriture et absolument finir le dernier morceau que l’on nous présente avec insistance.
Pour toutes ces raisons, on aimerait bien connaître des trucs pour que la sensation de trop-plein ne nous rappelle pas trop vite à l’ordre. Et les idées reçues en la matière sont légion. À commencer par celle qui consisterait à sauter le repas qui précède. «C’est une fausse bonne idée, car on aura encore plus faim et on mangera encore plus, donc trop», avertit la spécialiste. Le meilleur conseil à donner? «Ne rien anticiper et garder son rythme alimentaire habituel, ce qui permettra idéalement d’avoir raisonnablement faim au moment de passer à table et de ne pas surestimer la quantité de nourriture que l’on pourra manger.» Claire Pijollet en profite aussi pour tordre le cou au mythe du jus de citron chaud qui aiderait à dissoudre le gras, et déconseille le trou normand ou le petit verre de kirsch au milieu du repas, car ils ne font en réalité qu’apporter des calories supplémentaires.
Profiter sans s’écœurer
Au risque de décevoir celles et ceux qui espéraient pouvoir bâfrer jusqu’au bout de la nuit, la spécialiste répond donc qu’il n’y a pas de miracle, ni de baguette magique, pour effacer ou neutraliser ce que l’on a mangé. «Ce qui est consommé est consommé et il va falloir laisser le temps au temps afin que l’organisme métabolise tout cela.» D’autant que les aliments riches en graisses qui nous sont généralement servis pendant ces repas de fêtes ralentissent la vidange de l’estomac – d’où cette sensation de lourdeur. Et avec l’alcool, ces graisses ont également pour effet de rendre moins tonique la fermeture de l’orifice supérieur de l’estomac (le cardia), favorisant les remontées acides dans l’œsophage. La spécialiste nous invite plutôt à faire un pas de côté et à nous interroger avec bienveillance sur ce que signifie pour chacune et chacun d’entre nous de «profiter». Se faire plaisir à table veut-il forcément dire manger jusqu’à l’écœurement? Car une fois dépassée la sensation de satiété (c’est-à-dire la satisfaction du besoin de manger), puis celle de rassasiement (c’est-à-dire la satisfaction de l’envie de manger), on risque fort de ne plus éprouver de plaisir du tout. «Si l’on continue, c’est alors davantage pour l’idée du plaisir que par plaisir réel», ajoute-t-elle.
Elle recommande ainsi de choisir ce qui nous plaît le plus et d’y aller mollo sur les autres étapes du repas. L’idée étant d’éprouver du plaisir du début à la fin, même si l’on se sent un peu plus lourd que d’habitude en sortant de table. Autre conseil de bon sens: manger et boire lentement afin de savourer chaque bouchée et chaque gorgée. Et pour ne pas fâcher celle ou celui qui a passé la journée à cuisiner, il ne faut pas hésiter à la ou le complimenter, et à lui expliquer que si l’on ne reprend pas de sa délicieuse dinde farcie, ce n’est que pour mieux apprécier la sublime mousse au chocolat qu’elle ou il a préparée.
On remet ça?
Reste que même en étant attentif à tout ça, on aura probablement trop mangé au réveillon. Et puis on va se coucher tard, l’estomac plein, même si l’on a dansé une partie de la nuit. Alors forcément, on ne dormira pas très bien. Dans ces conditions, comment faire pour s’ouvrir l’appétit si l’on doit de nouveau participer à un repas de fête le lendemain midi? Remplacer le café du matin par de l’eau gazeuse? «Elle provoquera juste des éructations, mais ne vous permettra pas de digérer plus vite», répond Claire Pijollet qui recommande plutôt d’aller faire une balade digestive. «Écoutez vos envies et ne vous forcez pas, même si c’est votre plat préféré. Car si vous n’êtes pas dans de bonnes dispositions physiologiques pour en profiter, vous n’en retirerez que peu de plaisir objectif», conclut-elle.