Plus marketing que médical
Non, les cures détox ne servent à rien

En ce début d'année, vous vous êtes déjà enfilé cinq kilos d'épinards et trois litres d'eau citronnée pour nettoyer votre corps? Si les cures détox pour purifier le foie sont séduisantes, un spécialiste de la nutrition nous explique que ça ne sert pas à grand-chose.
Publié: 05.02.2023 à 15:23 heures
|
Dernière mise à jour: 12.01.2024 à 17:28 heures
Les cures «détox» sont une grande tendance healthy de début d'année.
Photo: Shutterstock
Elodie Maître-Arnaud

«La détoxification n’est pas un terme médical mais un concept marketing», avertit d’emblée le Dr Dimitrios Samaras, médecin consultant à l’Unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève. Les fabricants de produits «détox» se gardent d’ailleurs bien d’expliquer leur mécanisme d’action et de quelles toxines ils sont censés débarrasser notre corps.

Le mot «toxine» peut en effet faire référence à un tas de substances susceptibles d’avoir un effet nocif sur notre organisme. Elles peuvent ainsi provenir du fonctionnement même de notre corps, de la pollution et, pour ce qui nous intéresse ici, de notre alimentation: pesticides, additifs chimiques, composés issus de la cuisson de la viande, sucres raffinés ou encore alcool. Voilà pour les termes du sujet.

Qu’on l’appelle détoxification, épuration ou grand nettoyage, on vise en réalité un processus biologique parfaitement orchestré par notre foie, qui traite tout ce que nous absorbons via notre système digestif. Alors que penser de ces cures détox supposées le désencrasser, comme on le ferait avec le filtre de la hotte de la cuisine? Pour bien comprendre, il faut d’abord se pencher sur cet organe incontournable dans le traitement des déchets de notre corps.

Le foie n'a pas besoin de vous

«Le processus de «détoxification» est une 'biotransformation' qui a lieu sous l’action d’enzymes hépatiques, permettant aux substances nocives d’être excrétées», explique le Dr Samaras.

Pour faire simple, ce processus se déroule dans le foie, et comprend deux étapes conduisant à l’élimination des molécules toxiques pour l’organisme. Les premières réactions chimiques ont lieu sous l’effet des enzymes dites de phase I, visant à «préparer» ces molécules pour la suite des opérations. Car c’est au cours l’étape suivante que le travail le plus important a lieu: les enzymes hépatiques de phase II entrent en action pour recombiner les substances nocives afin de les rendre hydrosolubles (c’est-à-dire solubles dans l’eau), et leur permettre ainsi de rejoindre une sortie. Elles sont finalement évacuées en dehors de l’organisme, via les selles, l’urine et la transpiration. Bye bye les toxines, merci le foie!

Vous l’avez compris, contrairement à un filtre mécanique, le foie ne retient pas les substances toxiques, et ne s’encrasse donc pas au fil du temps comme la hotte de la cuisine. Mieux vaut plutôt le comparer à une station d’épuration qui traite et élimine les déchets en continu. Et à moins de souffrir d’une maladie hépatique grave perturbant son fonctionnement, cet organe est parfaitement capable d’effectuer ce travail tout seul, sans qu’il soit nécessaire de procéder à aucun grand nettoyage supplémentaire.

Pas de mystère, il faut mieux manger

Rien n’empêche toutefois de lui faciliter la tâche. Comment? «En consommant des aliments qui stimulent la production des enzymes de phase II», répond le spécialiste. Pour lui, pas de doute: la seule vraie «détox» repose en effet sur une alimentation sensée. Il recommande ainsi la consommation régulière de quinoa, de légumes crucifères (choux, radis, navets), d’asperges ou encore d’amandes. Mieux vaut aussi privilégier une alimentation riche en végétaux et en légumineuses (haricots, lentilles, pois, fèves) et réduire radicalement sa consommation de viande, de sucres, de graisses saturées, d’alcool et de produits transformés.

«Plus généralement, il faut revoir la composition de nos assiettes ; notre ennemi aujourd’hui, c’est la surnutrition et toutes les maladies qui vont avec (cancer, maladies métaboliques et maladies cardiovasculaires)», insiste-t-il. En effet, plus nous mangeons de façon «toxifiante», plus nous favorisons la production de radicaux libres, des sous-produits de réactions biochimiques de notre corps induisant notamment la cancérogenèse et le vieillissement accéléré de l’organisme.

La détox par le jeûne est contre-productive

Dans ces conditions, les cures détox ont-elles du sens? «Des cures de quelques jours, à bases de jus, tisanes et compléments alimentaires auront, dans le meilleur des cas, un effet uniquement pendant le temps qu’elles durent», affirme le Dr Samaras. «On peut supposer que l’on va vous donner des produits qui induisent la production des enzymes de phase II, mais seulement au moment où vous les consommez. Ils n’auront en revanche aucune efficacité à long terme.» Pour lui, la cure détox, c’est un peu comme la douche: «vous êtes propre au moment où vous vous lavez, mais l’effet ne dure pas!»

Les cures détox basées sur le jeûne seraient même contre-productives, selon le médecin. En cas de privation de nourriture, le foie enclenche en effet le processus de cétogenèse afin de puiser dans nos réserves de graisse l’énergie nécessaire au fonctionnement de notre organisme. «Or les corps cétoniques qui en résultent sont plutôt considérés comme toxiques», affirme-t-il.

Quant à consommer quotidiennement des compléments alimentaires pour le foie, le Dr Samaras admet que certains produits peuvent avoir une efficacité relative. Il précise toutefois que l’on dispose de peu de preuves scientifiques à leur sujet. Et de citer les produits à base de thé vert, de radis noir, de curcuma ou encore de spiruline. «Mais ça ne sert à rien d’avaler des gélules si vous continuez à manger de la viande à tous les repas et à consommer des grandes quantités de sucre! Encore une fois, la vraie détox passe par une alimentation saine. Et ça, c’est prouvé», conclut-il.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la