Colère des gestionnaires de fortune
UBS surveille ses riches clients et va enregistrer leurs appels

A partir de décembre, UBS enregistrera chaque entretien de conseil avec de riches clients. Cela ne plaît pas aux gestionnaires de fortune, qui craignent pour leurs clients... et pour leur emploi.
Publié: 18:21 heures
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A l'avenir, UBS enregistrera toutes les conversations téléphoniques avec ses riches clients.
Photo: Keystone
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Christian Kolbe

La gestion de fortune d’UBS traverse une zone de turbulences. Toutes les conversations téléphoniques avec les clients seront désormais enregistrées. La mesure concerne le secteur Global Wealth Management, pilier central de la stratégie de la dernière grande banque suisse.

Cette décision bouscule l’image que les banquiers privés suisses ont d’eux-mêmes. «Cette annonce a suscité de grandes inquiétudes parmi les collaborateurs», écrit un banquier d’UBS dans une lettre adressée à Blick. Une documentation interne, jointe à la lettre, détaille «l’introduction au projet d’enregistrement vocal». Cette initiative constitue «une étape importante dans l’optimisation de notre gestion de la relation client», assure la direction aux employés concernés.

Selon le guide, l’objectif est notamment de «répondre plus efficacement aux besoins de nos clients» lors de l’entrée en vigueur de la mesure, prévue dès décembre. Pourtant, de nombreux gestionnaires de fortune, en contact direct avec la clientèle, s’y opposent: ils jugent l’enregistrement «problématique», rappelant que leurs clients privilégient la confidentialité des échanges et transmettent souvent des informations très sensibles.

Pas un standard en Suisse

L’enregistrement systématique des appels pourrait «nuire considérablement à la franchise dans la communication», s’inquiète le banquier dans sa lettre, affirmant relayer la position de nombreux collègues. Selon eux, cette mesure pourrait freiner le partage d’informations essentielles, comme le contexte des transactions ou l’origine des fonds.

Derrière cette résistance, une crainte: compliquer la lutte contre le blanchiment d’argent ou l’évasion fiscale, au détriment de la réputation de la place financière. En Suisse, aucune règle ne fixe l’obligation d’enregistrer ces conversations. 

L’Association suisse des banquiers ne formule en effet «aucune recommandation spécifique» en la matière, confirme-t-elle à notre demande. Plusieurs établissements restent d’ailleurs prudents face à cette pratique, selon des sources du secteur. UBS justifie sa décision ainsi auprès de Blick: «En Asie, les conversations sont enregistrées depuis longtemps. La banque s’aligne désormais en Suisse.»

Peur pour l'emploi et fuite des clients

Le guide interne recommande de limiter les discussions aux conseils financiers et d’éviter les données personnelles sensibles. Une ligne difficile à tenir, estiment les conseillers, pour qui préoccupations privées et décisions financières sont étroitement liées.

Ils redoutent que cette obligation n’abîme la relation de confiance et n’entraîne une perte de clientèle. Leur propre situation professionnelle les inquiète aussi.

Car si un collaborateur peut refuser l’enregistrement, ce choix pourrait entraîner «une modification de son rôle», précise le guide. Autrement dit: ceux qui refusent pourraient être rétrogradés. Pour les banquiers d’UBS, cette pression installe «une atmosphère de peur plutôt que d’ouverture».

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