UBS contre le Département fédéral des finances (DFF). La querelle autour du renforcement des fonds propres tient la Suisse en haleine depuis des mois. En revanche, les mesures d'adaptation dont dispose UBS pour absorber le coût de la nouvelle réglementation sont peu débattues. Or, selon plusieurs analyses, la marge de manœuvre reste importante.
Sans mesures d'ajustement, les nouvelles exigences de la Confédération – en particulier la couverture intégrale en capital des filiales étrangères – entraîneraient pour UBS un besoin supplémentaire de fonds propres estimé entre 24 et 26 milliards de dollars. Sur ce point, UBS et le DFF sont d'accord. Les divergences portent en revanche sur l'impact réel des exigences suisses sur la capitalisation globale du groupe. Jusqu'ici, l'attention s'est surtout focalisée sur une option permettant d'alléger ces contraintes: un déplacement aux Etats-Unis. Une solution toutefois coûteuse et risquée.
Les analystes d'Autonomous Research et de Barclays identifient, eux, des alternatives jusqu'ici peu évoquées. «Nous pensons qu'avec de la créativité et des initiatives internes, le besoin en capital peut être ramené à environ 10 milliards de dollars», écrit Autonomous. Chez Barclays, les analystes estiment même qu'UBS pourrait combler 80 à 85% du déficit sans augmentation de capital, moyennant quelques ajustements – soit jusqu'à 20 milliards de dollars.
L'astuce du double effet de levier
La mesure la plus efficace consiste à augmenter ce que l'on appelle le double effet de levier entre la maison mère UBS SA et la holding UBS Group AG. Il s'agit, de manière simplifiée, du rapport entre la valeur de la maison mère et celle de la holding.
Voici comment ce mécanisme fonctionne: actuellement, la holding UBS prélève des milliards auprès de ses filiales étrangères pour financer dividendes et rachats d'actions – 8 milliards de dollars au premier semestre 2025 seulement. Mais au lieu de redistribuer ces montants aux actionnaires, UBS pourrait les laisser au sein de UBS SA afin de renforcer ses fonds propres, tout en finançant le dividende par de nouvelles dettes contractées au niveau de la holding.
Le raisonnement théorique est le suivant: supposons que la valeur de UBS SA soit de 100 milliards de francs. Celle de UBS Group AG, sans capital externe, serait également de 100 milliards, soit un double effet de levier de 100%. L'étape suivante consiste à dégager un bénéfice de 10 milliards de francs au niveau de la maison mère. Si ce bénéfice est conservé, la valeur de UBS SA passe à 110 milliards. La holding, elle, s'endette à hauteur de 10 milliards pour verser le dividende. Le double effet de levier grimpe alors à 110%.
Selon Barclays, si UBS portait réellement ce ratio à 115%, elle pourrait à elle seule réduire son déficit de capital de près de 10 milliards de dollars. Autonomous avance un chiffre plus prudent, autour de 6 milliards. «Les agences de notation acceptent un double effet de levier compris entre 110 et 115%», explique Andreas Ita, expert chez Orbit 36. Reste à savoir si la Finma validera une telle approche.
La surveillance semble toutefois laisser une certaine latitude. Sans se prononcer spécifiquement sur le cas UBS, la Finma souligne que les règles suisses «ne se prononcent pas explicitement sur le double effet de levier des sociétés holding sans activité bancaire propre».
UBS a d'autres projets
Fin juin, UBS affichait déjà un double effet de levier de 108%, mais prévoit de le ramener à 100%. Lors d'une conférence d'analystes, le directeur financier Todd Tuckner a justifié cette décision par un principe de prudence, destiné à préserver la flexibilité financière du groupe en période de tension.
Le deuxième grand levier pour réduire le déficit de capital consiste à rapatrier des fonds depuis les filiales étrangères vers la maison mère. UBS Europe SE et la holding américaine présentent en effet des ratios de fonds propres durs supérieurs à 20%, bien au-delà des exigences réglementaires. Même Credit Suisse International (CSI), l'entité héritée de Credit Suisse appelée à disparaître, dispose encore de réserves.
Rien que l'an dernier, UBS a ainsi transféré 13 milliards de dollars de ses filiales vers la maison mère. CSI doit encore livrer 5 milliards supplémentaires. Au vu de la solide capitalisation des entités étrangères, les experts de Barclays estiment qu'il existe un potentiel pour rapatrier plusieurs milliards supplémentaires. Autonomous Research évoque, de son côté, un montant possible de 3,3 milliards de dollars.
Double avantage
Renforcer la maison mère avec les excédents de capital des filiales présente un double avantage. «Cela réduit la valeur des filiales et, par conséquent, le besoin global en capital», explique Andreas Ita. C'est précisément ce mécanisme qui alimente, selon certains observateurs, l'opposition marquée de la direction aux nouvelles règles.
UBS ambitionne en effet de se développer aux Etats-Unis, et n'exclut pas l'acquisition d'une banque américaine. Mais si cette filiale devait être couverte à 100% par des fonds propres au niveau de la maison mère, cette expansion deviendrait nettement plus coûteuse.
UBS reste discrète sur ses stratégies d'adaptation potentielles. En septembre, le CEO Sergio Ermotti estimait qu'il était prématuré d'en parler. Les experts d'Autonomous avancent que ce silence s'explique surtout par la volonté du groupe de maintenir la pression sur le monde politique.
Cet article a été publié pour la première fois sur le site handelszeitung.ch.
Cet article a été publié pour la première fois sur le site handelszeitung.ch.