Personne dans l’athlétisme suisse ne peut comprendre mieux que lui ce qu’a vécu Ditaji Kambundji (23 ans) à Tokyo. Werner Günthör (64 ans) a remporté trois titres mondiaux au lancer du poids entre 1987 et 1993, devenant une véritable icône nationale de son sport.
Depuis, un seul autre athlète suisse est parvenu à l’imiter: André Bucher, sacré champion du monde du 800 m en 2001. Et désormais, en septembre dernier, avec Ditaji Kambundji sur 100 m haies, la Suisse tient enfin une championne du monde féminine. «Ce qu’elle a montré, c’est de la pure classe, de la haute école, un rêve — on ne peut pas mesurer à quel point c’est exceptionnel», s’enthousiasme Werner Günthör. Le champion l’admet: cette performance l’a «surpris». Il savait pourtant que «si elle voulait une médaille, elle devait battre le record suisse».
C’est précisément ce qu’a fait la Bernoise: en s’imposant en 12’’24, elle a abaissé son record personnel de 16 centièmes. «C’est la meilleure publicité possible pour l’athlétisme suisse», estime Werner Günthör, convaincu que la discipline poursuit sa progression dans le pays: «Depuis les Européens de 2014 à Zurich, le niveau de professionnalisme a constamment augmenté. Ce grand événement nous a donné un énorme élan.» Des athlètes comme Ditaji Kambundji ou la spécialiste du 800 m Audrey Werro (21 ans) sont, selon lui, le fruit d’un excellent travail de formation et d’un encadrement renforcé.
La perchiste Angelica Moser (28 ans), sixième à Tokyo, partage cet enthousiasme: «Ce qu’a fait Ditaji, c’est incroyable. Cela va inspirer la relève — et montre la place qu’occupe désormais la Suisse: nous sommes capables de produire une championne du monde.» Et de souligner: «Quand, en plus, d’autres athlètes finissent quatrièmes ou cinquièmes et sont déçus, c’est aussi le signe d’un pays qui a franchi un cap.»
Wener Günthör insiste, lui, sur l’importance d’apprécier chaque performance: « n parle d’un sport mondial, avec une concurrence phénoménale. Alors, quand un Suisse atteint une finale, c’est déjà remarquable.»
À propos d’Audrey Werro, sixième aux Mondiaux, il livre un conseil d’ancien champion: «Elle ne doit pas trop se focaliser sur les autres. De nouvelles rivales peuvent surgir chaque année. L’essentiel, c’est qu’elle se mesure à elle-même. C’est comme ça qu’elle progressera, étape après étape.»