Sensation à Livigno
Le conseil gagnant de Marco Odermatt à Marco Kohler

A Livigno, la performance collective suisse a marqué les esprits, avec cinq skieurs dans le top 11 du super-G. Mais au-delà des résultats, la préparation des pistes relance un débat de fond sur la sécurité et l’essence même du ski de Coupe du monde.
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Mathias Germann et Marcel W. Perren

Le menu du Nouvel An? «Une pizza!»

Julia Scheib (27 ans) est la femme du moment. La skieuse autrichienne, haute de seulement 162 cm, a remporté trois des cinq slaloms géants disputés depuis le début de l’hiver. A Semmering (Autriche), elle s’est encore montrée la plus forte. Trois victoires dans une même discipline au cours d’une saison? Une Autrichienne n’y était plus parvenue depuis onze ans, Anna Veith. Ce que beaucoup ignorent, c’est que Scheib est aussi une cuisinière passionnée. Mais cette fois, à l’approche du Nouvel An, le temps lui manque. Va-t-elle malgré tout s’offrir un menu spécial pour le réveillon? Elle répond par la négative: «J’ai envisagé de cuisiner. Mais ce sera sans doute encore la bonne vieille pizza. On va la commander. Et peut-être qu’il y aura un Kaiserschmarrn en dessert. Je me réjouis!»

Julia Scheib est la skieuse du moment.
Photo: AFP

«Une Catastrophe»

Aussi ambitieuse soit-elle sur les skis, Sue Piller (20 ans) se montre tout aussi lucide dans l’analyse de ses courses. La Fribourgeoise, qui vit près de Gstaad (BE), avait le visage fermé samedi après un slalom géant manqué. Classée 42e, Piller concède 4’’72 et manque largement la qualification pour la seconde manche. «C’est clair que les conditions étaient très difficiles après le dossard 30, mais ça restait possible. Les entraîneurs m’avaient dit d’attaquer les portes de manière directe, puis de passer brièvement sur les carres. J’ai fait exactement l’inverse: trop arrondi, avec des dérives. J’ai tout freiné, c’était une catastrophe!»

Après avoir marqué des points à deux reprises à Tremblant (Canada), avec une 20e et une 28e place, ce résultat constitue un coup d’arrêt. Son potentiel, lui, demeure intact.

Sue Piller analyse ses performances avec rigueur.
Photo: Zamir Loshi

Une jeune fille de 16 ans explique son surnom

Alors que certains médias la surnomment «Ski-Shakira» – sa mère est originaire de Colombie –, le supertalent Giada D’Antonio (16 ans, Italie) a expliqué dans la «Gazzetta dello Sport» l’origine de son autre sobriquet: «Black Panther». Avec ses amis, elle s’amusait à inventer des surnoms inspirés de films. Le sien venait du super-héros Marvel Black Panther (Panthère noire), un film qu’elle avait particulièrement apprécié. Ce surnom lui plaît: «Il décrit qui je suis».

Contrairement au long-métrage, récompensé à l’époque par trois Oscars, D’Antonio n’a en revanche pas brillé à Semmering (Autriche). En slalom, elle manque nettement la qualification pour la seconde manche. Il n’en reste pas moins probable que l’on entende encore beaucoup parler d’elle à l’avenir.

Giada D'Antonio est surnommée la «Panthère noire».
Photo: AP

«Le mauvais état de la piste n’est pas une excuse»

Mélanie Meillard ne parvient pas non plus à se relancer au Semmering. En slalom, elle se classe 17e et affiche sa déception. Son retard sur la lauréate, Mikaela Shiffrin? 5’’73. «Ça ne fonctionne pas. Le mauvais état de la piste n’est pas une excuse», tranche-t-elle.

La plupart des observateurs estiment que le principal problème de la skieuse valaisanne se situe sur le plan mental. «C’est dans la tête. Mais c’est trop simple de dire que ce n’est que ça. Cet été, beaucoup de choses ne se sont pas bien passées.» Meillard précise qu’elle n’a vraiment enchaîné de bons entraînements qu'au début de l’hiver. Le retard accumulé n’a ensuite pas pu être comblé. «Je ne suis pas là où je voudrais être», reconnaît-elle.

Comme le reste de l’équipe technique, Meillard ne rentrera pas à la maison. Elle poursuivra sa préparation en Autriche, avant les courses prévues à Kranjska Gora (Slovénie).

Mélanie Meillard ne parvient pas non plus à sortir de l'ornière à Semmering.
Photo: Getty Images

La grande controverse

Le bilan d’ensemble des Suisses lors de la première manche de Coupe du monde à Livigno (Italie) est incontestablement excellent. Cinq représentants helvétiques se classent dans le top 11 de ce super-G, avec Alexis Monney (2e) et Franjo von Allmen (3e) sur le podium, aux côtés du vainqueur autrichien Marco Schwarz.

En revanche, un tout autre sujet alimente la controverse: la nouvelle tendance impulsée par la FIS, qui consiste à préparer les pistes avec moins d’eau pour des raisons de sécurité. Ancien président de Swiss-Ski et désormais CEO de la FIS, Urs Lehmann vante «une piste sans glace, mais très compacte». Même appréciation du côté autrichien, où Hans Knauss estime «que la piste convenait parfaitement à cette course».

L’avis est bien différent chez le spécialiste italien de la vitesse Dominik Paris, cinquième de l’épreuve juste derrière Marco Odermatt. «Ça aurait été bien mieux si la piste avait été correctement glacée. Je ne pense pas qu’il y aura moins de blessures avec une neige agressive à la place de la glace. J’ai même peur que ce soit l’inverse.»

Odermatt partage cette analyse: «Je redoute beaucoup plus une neige agressive comme ici à Livigno qu’une bonne piste glacée. Dans ces conditions, le ski intérieur est beaucoup plus vite happé». Le champion du monde de descente von Allmen va dans le même sens. «Une piste préparée avec de l’eau est nettement moins dangereuse qu’une piste non glacée, où des trous se forment à un portail sur deux.»

Le dernier mot, provisoire, revient à l’Allemand Felix Neureuther. «Quand je regarde une course de Coupe du monde, je veux voir les meilleurs skieurs du monde se mesurer à une piste difficile, vraiment exigeante. Sur le super-G de Livigno, cela m’a manqué. Pour bien figurer, il n’était pas nécessaire d’avoir une technique exceptionnelle. La préparation et la topographie de la piste étaient trop simples.»

L'Italien Dominik Paris ne comprend pas que l'on n'arrose que très peu les pistes.
Photo: Getty Images

«Tout fonctionne beaucoup mieux maintenant»

Même si la technique de très haut niveau de Loïc Meillard était moins sollicitée que les qualités de vitesse lors du super-G de Livigno, le spécialiste du géant et du slalom a su tirer son épingle du jeu. Avec le dossard 31, le Valaisan a pris une solide septième place.

Le champion du monde de slalom devient ainsi, derrière Marco Odermatt, le deuxième grand nom du ski alpin à se classer dans le top 7 de trois disciplines différentes depuis le début de l’hiver. Au classement général de la Coupe du monde, le skieur de 29 ans occupe désormais la troisième place, à 475 points du leader Odermatt, alors même qu’il n’avait jamais fait mieux qu’une 14e place lors des six premières courses de la saison.

«Sur le plan technique, je ne skiais pas moins bien en début de saison qu’aujourd’hui. Mais jusqu’au géant de Beaver Creek, mes mouvements ne correspondaient pas à ce que je voulais faire techniquement. Mon timing n’était pas juste. Heureusement, après les courses de Copper Mountain, j’ai pu m’entraîner très efficacement pendant quelques jours. À ce moment-là, l’état de mon dos a aussi nettement évolué dans le bon sens. C’est pour cela que tout fonctionne beaucoup mieux maintenant», explique Meillard.

Après Marco Odermatt, Loïc Meillard est la deuxième star du ski alpin à s'être classée dans le top 7 de trois disciplines cet hiver.
Photo: keystone-sda.ch

La part d'Odermatt dans l'exploit de Kohler

Originaire de l’Oberland bernois, Marco Kohler est lié d’amitié depuis l’enfance avec son camarade nidwaldien Marco Odermatt. Les deux Marcos se sont rencontrés tout petits lors d’une finale du Migros Grand Prix. Par la suite, ils ont fréquenté ensemble l’école de sport d’Engelberg. Sans surprise, «Köhli», comme «Odi», skie sur des lattes Stöckli.

Avant le départ du super-G de Livigno, Kohler, freiné ces cinq dernières années par deux ruptures des ligaments croisés, hésitait encore sur le choix de ses fixations. «Au final, c’est Odi qui a réussi à me convaincre d’utiliser, sur ce type de neige, un modèle un peu différent de celui que j’emploie habituellement», confie-t-il.

Résultat probant: avec le dossard 49, le skieur de 28 ans a pris la 11e place, signant tout simplement le meilleur résultat de sa carrière en super-G.

Avec le dossard 49, Marco Kohler se classe onzième.
Photo: Getty Images
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