Dans le Diemtigtal, les frères Delio (26 ans) et Florian Kunz (25 ans) ont grandi au contact de deux figures du sport. Le roi de la lutte Kilian Wenger, ainsi que Franjo von Allmen, champion du monde en titre de descente, originaire de Boltigen, à vingt minutes de là. Depuis qu’en 2018 les frères Kunz ont installé une salle de fitness dans le bâtiment de leur oncle, Franjo y même vient souvent s’entraîner aux côtés d'eux.
Jusqu’à l’automne 2022, les frères Kunz suivaient la même trajectoire que leur ami. Bons résultats en courses FIS, intégration au cadre de Swiss-Ski… puis tout bascule.
Deux drames diagnostiqués en même temps
«Je me suis réveillé un matin avec un bras dur comme de la pierre», raconte Delio. «Avec le temps, c’est devenu un peu plus souple, mais je me suis mis à avoir du mal à respirer. Mon pouls montait à 180 rien qu’en montant les escaliers.» Presque en même temps, Florian découvre une boule sur un testicule. Pas de douleur, mais une alerte sérieuse.
Quelques jours plus tard, direction Zurich et une visite au médecin-chef de Swiss-Ski, Walter O. Frey. Le verdict tombe pour Florian: cancer des testicules. Heureusement, les chances de guérison sont très bonnes, et l’opération suit rapidement.
Chez Delio, la situation se dégrade aussi. «Ma formule sanguine était catastrophique, et on m’a diagnostiqué une thrombose au bras. J’ai dû prendre beaucoup d’anticoagulants.» Trop, même: deux semaines plus tard, son appendice s’enflamme. «À l’hôpital de l’Île, on m’a dit que mon sang était trop fluide pour une opération. J’ai essayé cinq antibiotiques différents, mais rien ne marchait. J’ai failli crever de douleur.»
Il a perdu vingt kilos
Il sera finalement opéré d’urgence avec un anticoagulant temporaire. «J’ai perdu vingt kilos en six semaines. J’étais vidé, juste une gorgée de thé.»
Quand Delio commence enfin à aller mieux, c’est Florian qui plonge. Après l’opération, les analyses montrent un cancer agressif, déjà métastasé dans l’abdomen. Chimiothérapie immédiate, fin novembre 2022.
«Heureusement, personne ne m’a dit ce qui m’attendait», dit-il. Trois jours après la première dose, les effets se font sentir: frissons, nausées, fatigue écrasante. «Je ne pouvais plus sortir du lit. Et quand mes cheveux sont tombés, ça m’a encore sapé le moral.»
Ensemble, ils restent forts
Florian termine la chimio en février 2023. «Physiquement, j’étais à zéro. Mentalement aussi.» Ensemble, les frères s’épaulent et remontent peu à peu la pente. En janvier 2024, Delio signe un top 10 en Coupe d’Europe à Thurn, et Florian décroche un top 12 un an plus tard à Berchtesgaden.
Mais au printemps, nouvelle claque: Swiss-Ski les écarte du cadre. «Les critères sont clairs: il faut être dans le top 80 mondial. On a échoué de peu, on ne se plaint pas.»
Pas question d’abandonner. «Rater la sélection, ça nous motive encore plus. On n’a jamais été aussi bons techniquement. Et on sait qu’on n’a pas encore tout donné.»
Une saison à ce niveau coûte environ 50'000 francs. L’été dernier, Florian a bossé comme manœuvre dans l’atelier de charpenterie de son oncle; Delio, installateur sanitaire, a travaillé sur les chantiers. Les deux cherchent des sponsors et ont lancé un crowdfunding pour poursuivre leur rêve. Comme leur ami Franjo von Allmen, ils comptent bien rebondir — à la force du mental et des jambes.