Alexis Monney (25 ans) n’aime pas les projecteurs. Pas besoin de gestes grandiloquents ni de discours tonitruants pour exister. Il est simplement là, les bras croisés, dans le jardin de ses parents à Châtel-Saint-Denis. Calme, posé, mais bien présent. Derrière lui, les Préalpes fribourgeoises: son ancrage.
«J’apprécie énormément ces moments d’été», souffle-t-il. «Je suis enfin chez moi.»
La saison dernière, Alexis Monney a ébloui le monde du ski: premiers podiums en Coupe du monde, une victoire marquante, et deux médailles aux Mondiaux de Saalbach (Autriche). Une ascension fulgurante, menée à sa manière, avec ce flegme rare dans sa génération. «J’ai toujours été comme ça», sourit-il. «Réservé, mais satisfait.»
Ses parents, Louis et Isabelle, confirment: «Alexis bougeait beaucoup enfant, mais c’était un calme. Par contre, il déteste perdre: même au Monopoly, ça tournait à la dispute!»
La famille est soudée. «On ne se le dit pas souvent, mais on s’aime énormément», avoue Alexis. Lui n’a déménagé que l’an dernier, à trois minutes en voiture seulement. Sa sœur Marie, de trois ans son aînée, vit elle aussi à Châtel-St-Denis. «Je n’ai aucune envie de partir d’ici. J’ai mes amis d’enfance et je vois ma famille aussi souvent que possible.»
Le ski dans le sang
Chez les Monney, les skis sont une histoire de famille. Louis, le père, rêvait d’une carrière mais n’a pas pu la réaliser pour des raisons financières. À 18 ans, il est devenu entraîneur et a travaillé avec les plus grands, de Didier Cuche à Paul Accola. Il a mis un terme à cette carrière en 2000, juste après la naissance d’Alexis, pour se consacrer à sa famille et au club local des Paccots. C’est là qu’il a transmis sa passion à son fils.
«Au début, c’était difficile d’entendre les critiques de mon père», se rappelle Alexis. «Mais aujourd’hui, je les accepte sans problème.»
Le chemin n’a pourtant pas été linéaire. En 2019, alors au centre national de performance de Brigue, il était à deux doigts de tout arrêter. Un entraîneur l’avait poussé à bout, jusqu’à lui faire perdre le goût de skier. «C’était très dur. J’avais perdu le plaisir, je ne voyais plus d’issue», confie-t-il. Ses parents l’ont alors encouragé à persévérer et à trouver une autre voie.
«Qu’il arrête n’aurait pas été un drame», précise Louis. «Mais qu’il quitte le ski de cette manière, si. On ne devrait jamais arrêter sur une note aussi négative.» Alexis les a écoutés, a changé d’entraîneur et retrouvé l’envie. Un an plus tard, il devenait champion du monde junior de descente. Sa première vraie percée.
Une saison réussie
L’hiver dernier a confirmé tout son potentiel. En décembre, il a décroché sa première victoire en Coupe du monde à Bormio (Italie). Un jour inoubliable, à double titre: son neveu Levi naissait ce matin-là. «Ma sœur m’a appelé pour m’annoncer que j’étais parrain et oncle. Cet appel m’a donné des ailes. À midi, je gagnais ma première course. On ne pouvait pas rêver mieux.»
Son ancienne chambre d’enfant, tapissée de photos de son idole Didier Cuche, est aujourd’hui celle de Levi lorsqu’il vient chez ses grands-parents. Symbole d’une histoire qui se poursuit.
Avec quatre autres podiums, Alexis Monney a confirmé son entrée dans le cercle des meilleurs. Point d’orgue: les Mondiaux de Saalbach, avec deux médailles, le bronze en descente et l’argent du combiné par équipe, lors du triplé suisse avec Tanguy Nef. «C’est mon plus beau souvenir, le plus chargé d’émotions. Fêter ça avec l’équipe, c’était magique.»
On se souvient aussi de la fameuse histoire des cheveux: presque toute l’équipe s’était rasée la tête. Alexis Monney, réputé pour sa chevelure abondante, a été le plus impacté. Il en rigole encore: «Je les laisse repousser, on verra l’an prochain!»
Ses parents, amusés, n’en sont pas moins heureux: «Nous sommes fiers d’Alexis, mais nous l’avons toujours été», glisse Isabelle. Et leur fils de conclure: «Après cette saison, je suis encore plus reconnaissant de leur soutien quand j’avais 19 ans.»
Alexis Monney poursuit donc sa route, humble et discret. Mais sur la piste, sa vitesse et son talent parlent pour lui.