Et si la principale épreuve qu'allaient affronter les tireurs aux Jeux olympiques étaient uniquement logistique? À l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, les tireurs sportifs rencontrent des défis considérables pour transporter leurs armes en France. Même s'ils sont situés à Chateauroux à quelques heures de Paris, les spécialistes de la gâchette se heurtent à un mélange d'administration zélée et de sécurité renforcée. Tout un programme.
La situation s'est complexifiée cette année, malgré les réglementations existantes en matière de transport d'armes au sein de l'Union européenne. Audrey Gogniat, tireuse jurassienne, et Daniel Burger, responsable médias pour la fédération suisse de tir, partagent leurs expériences et leurs frustrations face à ces démarches administratives lourdes et parfois incohérentes.
Ce lundi, Audrey Gogniat a voyagé en direction du site olympique et a vu de près ce qui avait changé par rapport à une épreuve normale: «D'habitude, on a juste un pass européen pour armes à feu et on peut traverser les frontières de l’Europe assez facilement, juste carabine dans le coffre et le pass avec. Mais c’est vrai que pour les Jeux, on a dû faire une demande spéciale pour voyager avec nos armes et remplir plein de documents.»
«Tout est compliqué»
«Habituellement, c'est la Fédération suisse qui s'occupe de toutes les démarches nécessaires, précise Daniel Burger, responsable du sport d'élite pour Swiss Shooting. Mais ici, ce n'est pas possible. Chaque athlète doit faire lui-même ses démarches.» Et pas qu'une fois. «Chaque personne qui nous croise veut nous faire remplir un autre document, ironise-t-il. Tout est très compliqué.»
Et les problèmes ont commencé bien avant l'arrivée en train. Si Audrey Gogniat semble ne pas faire cas de cette situation, elle a tout de même dû prendre la voiture pour se rendre en France. «Toute la délégation voyage en train, remarque Daniel Burger. Mais les tireurs ne peuvent pas, car il est interdit de nous rendre en France avec une arme à feu.» Les restrictions françaises sur le transport des armes, même celles à air comprimé qui ne représentent aucun danger, compliquent considérablement les déplacements des tireurs. «En France, tu ne peux pas voyager avec une arme de sport. Pourtant avec le fusil à air comprimé, il y a zéro danger. Un pistolet à air comprimé, ça pourrait à la limite faire mal à un oiseau. Et encore... Mais ils ne font pas la différence.»
Ces démarches incluent non seulement la déclaration aux douanes, mais aussi l'annonce préalable de toutes les armes aux organisateurs des Jeux olympiques. «Normalement, on peut voyager avec une invitation et toujours avec le pass européen d'armes, poursuit Daniel Burger. Ici, c’est obligé de tout déclarer aux douanes. Formulaire simple, mais tout doit être annoncé à la douane et validé pour voyager en France» L'arrivée sur le site de la manifestation implique un nouveau contrôle de sécurité ajoutant une couche à un processus déjà particulièrement lourd.
Plus compliqué que pendant le Covid
Daniel Burger est en poste depuis neuf ans et vivra ses troisièmes Jeux olympiques. «En allant à Rio, on se disait que ce ne serait pas simple et il n'y a eu aucun problème. Tokyo pendant le Covid? Pas de problème. Et tout à coup on arrive à Paris et là... oups (rires).» Mais le membre de Swiss Shooting ne veut pas tout voir en noir. «J'essaie toujours de me dire qu'ils font ça pour que ces Jeux soient une réussite, précise-t-il. Les bénévoles qui sont là pour nous aider font un travail remarquable. Mais c'est vrai que cela aurait été encore mieux si nous n'avions pas perdu tout ce temps dans des démarches administratives.»
Pour les pentathlètes, tout est plus simple. «Le fait de ne plus voyager avec des cartouches mais avec un pistolet laser change beaucoup de choses, nous précise Alexandre Dällenbach, spécialiste valaisan de la compétition aux concours multiples. Les formalités de douane sont moins importantes et pour voyager, il n'y a plus de problème. Hormis peut-être la compagnie Ryanair, on n'a plus de problème avec les autres. En ce qui concerne les pays, l'Égypte est un peu plus compliqué, mais la France ça va.» Est-ce que la parano olympique va ajouter une épreuve à celui qui pratiquera déjà cinq sports à Paris? «Je vous redis si c'est le cas», rigole-t-il.