Un premier titre pour Raphaël Wicky
«À Young Boys, le collectif passe avant tout»

Young Boys a été sacré champion de Suisse pour la 16e fois ce week-end. C'est le premier grand titre de l'entraîneur Raphaël Wicky. Pour Blick, le Valaisan revient sur cette saison, sur la gestion de son équipe et sur son évolution personnelle.
Publié: 01.05.2023 à 07:12 heures
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À 46 ans (il les a fêtés mercredi), Raphaël Wicky a décroché son premier titre de champion en tant qu'entraîneur. Comme joueur, il avait été sacré avec le FC Sion en 1997.
Photo: Keystone
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Michael Wegmann

En s’imposant sur la pelouse de Grasshopper mardi dernier en Super League, Young Boys se serait assuré dès la 30e journée du titre de champion de Suisse, le 16e de son histoire et le cinquième lors des six dernières saisons. Mais à la veille de son 46e anniversaire, l'entraîneur Raphaël Wicky a dû déchanter après une lourde défaite 4-1.

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Ce n'était que partie remise pour le club bernois et le Valaisan, qui a pu fêter la plus prestigieuse des réussites de sa carrière de coach dès la ronde suivante, ce week-end. Interview.

Raphaël Wicky, toutes nos félicitations pour votre premier titre de champion en tant qu'entraîneur! La pression était grande de retrouver ce titre?
La saison dernière n'a pas été satisfaisante du point de vue de Young Boys, avec une 3e place et 16 points de retard sur le FC Zurich. Il est clair que le club voulait revenir en tête. Et je voulais l'aider à y parvenir. Mais je ne me suis pas mis plus de pression pour autant.

N'aviez-vous pas peur d'échouer?
Non. Je n'ai pas vu cela comme une menace, mais comme une grande opportunité. Vu de l'extérieur, YB a toujours donné l'impression, ces dernières années, d'être un club parfaitement géré, où l'on travaille de manière calme et structurée. La communication a toujours été très bonne. Tout semblait suivre un plan clair, une philosophie. Avant le premier entretien, je savais que si cela fonctionnait bien sur le plan humain, j'allais signer. Et ça a marché.

Vous avez commencé la saison avec un effectif pléthorique. Est-ce que cela a posé problème?
Non, il était clair que nous commencerions avec un grand groupe que nous réduirions ensuite si nécessaire. Et c'est ce qui s'est passé. Fin août, nous avions vendu Siebatcheu, Kanga et Lefort. De plus, Mambimbi, Jankewitz et Ngamaleu ne sont plus là. En hiver, nous avons également vendu Sierro. La taille de l'effectif était optimale lors de la deuxième moitié de saison.

Le problème, c'était plutôt la qualité. Il y a 18 à 20 joueurs dans l'effectif qui seraient probablement titulaires dans tous les autres clubs de Super League.
Oui, nous avons un très bon groupe avec des doublures à chaque poste. Et beaucoup ont l'ambition d'être titulaires. Mais c'est voulu.

Votre plus grande réussite a-t-elle été de garder tout le monde de bonne humeur?
Cela n'a jamais été le but de garder tout le monde de bonne humeur. Mais un point très important pour moi et mon staff a été que nous mettions tous nos egos de côté. Le «nous» passe avant le «moi». Nous savions que si nous travaillions en équipe et que nous nous aidions les uns les autres, nous aurions beaucoup plus de chances d'atteindre nos objectifs.

Cela a fonctionné.
Oui, tous ensemble. Mes joueurs et l'ensemble du staff méritent des éloges. S'il y a eu des problèmes, nous les avons très vite abordés. Nous ne tolérons pas les écarts. Mais c'est clair que ce n'était pas la fête non plus toutes les semaines.

Comprenez-vous qu'un joueur s'énerve lorsqu'il ne joue pas ?
J'exige même qu'il ne soit alors pas satisfait. Mais j'exige aussi qu'il accepte la situation et qu'il se mette dans un état mental qui lui permette d'aider l'équipe. Répandre une ambiance positive, être prêt. Si un joueur boude, c'est qu'il n'est pas prêt et qu'il dérange tout le monde.

Pour être le meilleur buteur, il faut jouer. Vos deux attaquants, Nsamé et Itten, sont en tête du classement.
En plus du club, chaque joueur a aussi des objectifs individuels. Pour moi, en tant qu'entraîneur, les objectifs du club sont plus importants que ceux des joueurs. Que l'un d'entre nous termine meilleur buteur ou soit dans l'équipe de l'année, c'est moins important. C'est à nous de faire comprendre aux joueurs qu'ils atteindront mieux leurs objectifs individuels si nous réussissons en tant qu'équipe. Ce n'est pas toujours facile. Mais nous y sommes parvenus ensemble.

De l'extérieur, vous avez toujours l'air calme et gentil. Pouvez-vous aussi hausser la voix?
Oui, je peux le faire et je l'ai fait. Mais ça ne sert à rien d'être toujours bruyant: l'effet finit par s'estomper. Souvent, ce sont plutôt des solutions tactiques qui sont demandées, et j'essaie alors de les communiquer.

On dirait qu'en tant qu'entraîneur, il faut être un bon acteur, non?
Il faut être authentique, mais aussi savoir se mettre dans l'ambiance pour que les émotions que tu veux transmettre passent correctement. Je n'appellerais pas cela jouer la comédie. J'essaie toujours d'être moi-même.

Vous êtes un jeune coach – êtes-vous plutôt du genre à être copain avec les joueurs?
Je n'essaie pas d'être l'un d'entre eux, si c'est ce que vous voulez dire. Je n'ai pas de relation étroite avec mes joueurs et je suis très peu présent dans le vestiaire des joueurs. C'est leur royaume. Je me souviens très bien du calme qui régnait autrefois chez nous, les joueurs, lorsque l'entraîneur entrait dans le vestiaire. Une certaine distance est importante pour moi. Mais je partage bien sûr quelques intérêts avec les joueurs. C'est pourquoi j'essaie toujours de faire la distinction entre le joueur et l'homme.

Vous êtes devenu l'entraîneur du FC Bâle à l'été 2017. Où avez-vous le plus progressé depuis lors?
J'espère que c'est un tout, que j'ai évolué en tant que personne et aussi sur le plan professionnel pendant cette période. Je pense que c'est dans mes relations avec le staff et les joueurs que j'ai le plus avancé. À l'époque du FCB, je venais directement des juniors et j'ai dû diriger près de 50 personnes d'un seul coup. Je n'avais pas appris comment faire. Désormais, je suis devenu plus clair. Qui a quel rôle? Quel est son cahier des charges? Comment est-ce que je veux communiquer? Quelles sont nos valeurs? Comment nous comportons-nous les uns envers les autres? C'est là que je dois grandir et être cohérent.

Est-ce que cette capacité à mener un groupe peut s'apprendre, par exemple lors de formation pour entraîneurs?
Non, difficilement. Un entraîneur s'améliore avec l'expérience. C'est pour cela qu'il y a des entraîneurs qui, à 60 ou 65 ans, sont encore au plus haut niveau. Roy Hodgson, par exemple, a remis Crystal Palace sur les rails à 75 ans.

Vous avez travaillé trois ans en MLS, aux États-Unis. Qu'en avez-vous retiré?
De belles expériences, des aventures et de nombreuses idées. En ce qui concerne l'analyse des données et les statistiques, les Américains sont très en avance sur nous. Mais j'ai surtout pu élargir mon horizon et découvrir une nouvelle culture.

Vous êtes devenu plus décontracté en Amérique?
La culture sportive est complètement différente. Là-bas, il n'y a pas vraiment de relégué ou de promu dans une discipline sportive. Cela signifie qu'en cas de mauvaise saison, on peut tout au plus rater les play-off. Ici, en Europe, de nombreux clubs jouent leur survie. Lorsque je jouais à Brême, nous savions qu'en cas de relégation, 20 à 30 personnes dans le club perdraient leur emploi parce que le budget devrait être réduit. De ce fait, toute la culture des supporters et du sport en Amérique est moins émotionnelle que chez nous. C'est plus du spectacle, du divertissement, une machinerie incroyable.

Qu'est-ce que cela signifie pour le travail d'un entraîneur?
En Amérique, il est courant de donner à un entraîneur deux ans pour composer son équipe, effectuer des transferts et apporter ses idées. Nous n'avons pas cela ici en Europe. Ici, tout va beaucoup plus vite. Chez nous, il arrive que les entraîneurs soient renvoyés au bout de deux mois si les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Revenons au titre de champion d'YB. Allez-vous prendre les matches restants à la légère?
Non, gagner reste plus agréable que perdre. Cela doit être encore notre objectif. Certains joueurs auront certainement plus de temps de jeu, mais nous avons déjà fait tourner toute la saison. Nous devons garder le rythme, il reste encore la finale de la Coupe. Réaliser le troisième doublé de l'histoire du club, c'est un autre objectif.

Vos joueurs sont convoités sur le marché des transferts. Avez-vous peur que votre équipe championne se désagrège l'été prochain?
Non. Vous devez poser ces questions sur la planification de l'effectif au directeur sportif, Steve von Bergen. Je suis certes aussi impliqué dans la réflexion et informé des éventuels départs, mais mon attention se porte sur les prochains matches.

L'été dernier, YB a recruté Imeri (ndlr: Servette) et Ugrinic (Lucerne), des joueurs clés de ses concurrents. Le champion a-t-il l'intention de le faire à nouveau?
Logiquement, le club regarde autour de lui dans la ligue. Et logiquement, YB intéresse les joueurs qui ont su convaincre dans d'autres clubs. Ils vont se poser la question: suis-je déjà prêt pour un transfert à l'étranger ou vais-je d'abord rejoindre le meilleur club de Suisse? Si c'est le deuxième cas de figure, alors ils signent à Young Boys.

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