Roubles inutilisables en Suisse
Fabio Celestini à Moscou? Il risque des ennuis avec la justice

Pour Fabio Celestini, les millions venus de Moscou n'ont aucune valeur en Suisse. L'entraîneur vaudois pourrait en outre avoir de gros ennuis avec la justice. Voici ce que l'entraîneur risque pour sa signature avec le club de l'armée.
Publié: 22.06.2025 à 20:46 heures
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Fabio Celestini trouve que le CSKA Moscou est "un grand club".
Photo: zVg
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Nicola Imfeld

Fabio Celestini préfère travailler et vivre à Moscou plutôt qu'à Bâle. Le transfert de l'entraîneur du FCB, champion et vainqueur de la Coupe, au CSKA Moscou fait polémique et suscite l’incompréhension tant à Bâle que dans toute la Suisse. La décision a des conséquences juridiques importantes pour l'ancien joueur de l'équipe de Suisse, comme notre enquête le prouve.

La raison est la guerre provoquée par la Russie sur le territoire ukrainien. En février 2022, les troupes de Vladimir Poutine ont envahi le pays voisin et font régner la terreur depuis lors. La guerre a fait des centaines de milliers de morts jusqu'à présent. Cette annexion est également financée par le nouvel employeur de Fabio Celestini.

Le rôle controversé du nouveau club de Celestini

Le CSKA Moscou appartient à la banque publique russe VEB. Et ce n'est pas n'importe quelle banque. C'est un instrument politique de Vladimir Poutine et il sert actuellement à maintenir en vie des industries stratégiquement importantes. L'objectif de VEB: renforcer l'économie de guerre russe.

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, VEB joue un rôle central. Selon l'agence de presse Reuters, elle met à disposition des milliards de dollars pour les secteurs clés de l'économie de guerre. La publication d'une étude par le Stockholm Institute of Transition Economics en avril 2025 a été explosive à cet égard. Conclusion: la Russie canalise une grande partie de son trésor de guerre en dehors du budget officiel, notamment via des banques de développement publiques comme la VEB.

Le propriétaire du CSKA, la VEB, sur la liste des sanctions suisses

Il n'est donc pas étonnant que la VEB figure presque depuis le début de la guerre sur la liste des sanctions des États-Unis et également de l'Union européenne (UE). Mais la Suisse a, elle aussi, repris peu après les sanctions de l'UE. La Confédération a donc placé sur la liste des sanctions suisses la banque d'État qui paiera le salaire de Fabio Celestini à partir de la saison prochaine.

Le texte de l’ordonnance ne laisse aucune place au doute et ne rend que plus incompréhensible le transfert du Vaudois à Moscou: «VEB est un grand institut de développement financier dont le président est directement nommé par le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, et reçoit de lui des instructions directes». Et plus loin: «VEB représente une source de revenus importante pour le gouvernement russe et gère les fonds de pension de l'État».

Il est ensuite décrit comment VEB opère actuellement dans les territoires occupés de l'Ukraine sous contrôle russe et participe à des projets qui «sont soit mis en œuvre soit encouragés par le gouvernement russe». Et ce n'est pas tout: «VEB joue un rôle actif dans la diversification du secteur de la défense de la Fédération de Russie et a des projets avec des entreprises du secteur de la défense, y compris Rostec, qui soutiennent des actions qui sapent et menacent l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine».

Pourquoi Celestini est directement concerné

Pour Fabio Celestini, les conséquences sont importantes. Certes, le CSKA Moscou lui versera son salaire, mais l'argent devrait provenir de VEB - l'unique propriétaire du club de football de l'armée. Le technicien suisse est donc concerné par la liste des sanctions de la Suisse, comme l'estiment plusieurs experts juridiques interrogés par le Blick.

Le point crucial se trouve à l'article 15, alinéa 1 de «l'ordonnance relative à des mesures en rapport avec la situation en Ukraine». Il y est stipulé que les entreprises qui reçoivent de l'argent d'une institution sanctionnée font également partie du régime de sanctions. Concrètement, cela signifie que le CSKA Moscou tombe également sous le coup de la liste des sanctions suisses.

Peine de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans

Cela signifie que pour Fabio Celestini, la situation deviendra très délicate s’il rentre prématurément dans son pays d'origine. En effet, selon la loi suisse, il n'a pas le droit de recevoir de contrepartie économique du CSKA Moscou, comme par exemple un salaire ou des bonus.

L'entraîneur champion de Suisse avec Bâle a signé un contrat de deux ans avec une option de prolongation d'un an. S'il devait être licencié prématurément et revenir en Suisse, les paiements de salaire avec le CSKA Moscou deviendraient impossibles.

Si de l'argent est versé, il risque même une peine de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans. Il en va de même dans sa ville d'adoption d'Albal, près de Valence, où il risque même jusqu'à six ans de prison. Toutefois, tant qu'il reste en Russie, qu'il ne travaille pas en Suisse ou en Espagne et qu'il ne verse pas d'argent sur un compte suisse ou espagnol, il n'y a pas de délit.

Les millions de Moscou de Celestini n'ont aucune valeur ici

Si Fabio Celestini s'est bien informé avant son transfert à Moscou, il le sait: les millions qu'il gagne dans la capitale russe ne devraient jamais pouvoir être transférés dans des pays occidentaux. Même pas en Suisse ou en Espagne. En effet, les fonds provenant de sources sanctionnées ne peuvent être ni reçus ni utilisés. Les banques suisses doivent bloquer de tels paiements et les signaler au Secrétariat d'État à l'économie (SECO). Le natif de Renens pourrait certes y demander une autorisation exceptionnelle, mais les exigences sont très élevées.

L'enquête du Blick montre donc que le salaire russe de Fabio Celestini est sans valeur en Suisse et en Espagne. Il ne peut ni le verser légalement sur un compte, ni l'utiliser pour financer sa vie ici. De plus, son nouvel employeur est étroitement lié à Poutine et donc coresponsable de la guerre en Ukraine, qui dure depuis plus de trois ans.

Reste à savoir si le Vaudois était conscient de ces conditions juridiques avant son changement. Il semble toutefois clair que sa décision a été prise en toute connaissance de cause. Il a donc décidé éthiquement et moralement qu'un transfert au CSKA Moscou ne lui posait pas de problème.

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