Lausanne se déplace à Lucerne dimanche (coup d'envoi à 14h15). L'occasion pour Olivier Custodio et ses coéquipiers de passer devant leur adversaire du jour et, pourquoi pas, de se rapprocher du podium de Super League. A l'approche de ce choc, Ludovic Magnin a accepté de recevoir Blick et de faire le point sur divers sujets d'actualité au Lausanne-Sport.
Coach, tu m'as dit il y a une semaine que ton équipe avait eu besoin de quelques jours pour retrouver le moral, qu'elle était au fond du trou après la demi-finale perdue à Bâle... J'imagine que c'était plus simple cette semaine après cette belle victoire contre YB?
On n'était pas au fond du trou, mais on était KO debout, ce sont deux choses différentes. Oui, les joueurs ont eu besoin de quelques jours la semaine passée pour retrouver le bon niveau d'entraînement. Mais c'est presque bon signe quelque part...
Ah oui, pourquoi?
Parce que c'est là que tu te rends compte, aussi, que l'équipe a atteint en trois ans un niveau d'intensité à l'entraînement qui n'est pas négligeable. Ça m'a permis de voir que quand tu t'entraînes un peu moins bien, il y a tout de suite une différence dans la qualité de la séance. Ça veut dire que notre niveau moyen s'est élevé.
Et cette semaine, donc, c'était mieux?
C'était optimal. On a réussi à battre YB, on est dans le top 6 et on ne va pas finir en roue libre. Il reste quatre matches et tout peut arriver, dans les deux sens.
Justement, le football a parfois peu de mémoire... C'est pour ça que tu aimes régulièrement rappeler tout le travail fait depuis trois ans?
Oui. Je suis conscient que c'est toujours le dernier match qui est jugé, c'est le foot, c'est comme ça, on l'a encore vu cette semaine en Champions League. Mais oui, pour moi, le plus important, c'est de voir le chemin parcouru depuis que le LS m'a donné la chance d'entraîner mon club, voilà trois ans. Tout n'a pas été parfait, tout n'a pas été bien, mais personne ne peut dire qu'il a fait tout juste, même Pep Guardiola à Manchester City. Mais il y a trois ans, on aurait signé pour ce chemin-là. Et en plus, au-delà des résultats, j'ai une super équipe cette année, qui m'apporte énormément de plaisir. A l'extérieur, c'est peut-être résumé au résultat du week-end, je suis d'accord avec toi, mais nous on est ensemble toute la semaine. Et c'est ce plaisir de travailler ensemble, de manière réciproque je l'espère, qui fait la différence.
Moi, ce qui m'impressionne, c'est ta cohérence et le fait d'être resté fidèle à ta philosophie de départ. En début de saison, tu as dit: on va jouer avec des ailiers, on va presser haut et l'objectif c'est le top 6. Tu t'y es tenu, même quand ça tanguait. Sincèrement, il n'y a pas un moment où tu te dis que tu vas changer d'approche, par exemple quand vous aviez moins de points que de matches après cinq journées?
Bon, premièrement, les objectifs, je ne les ai pas posés tout seul. On a la chance avec Leen Heemskerk (réd: le désormais ex-président a quitté le LS en mars), Stéphane Henchoz et Tony Chauvat d'avoir des discussions franches et de s'être mis d'accord sur des objectifs ambitieux, mais réalisables si tout se passe très bien... en sachant que tout ne se passe pas toujours très bien! Mais on l'a fait. Et je l'ai toujours dit, des fois ça vous fait rigoler, mais je le pense vraiment: les comptes, on les fait à la fin, pas après cinq matches.
Mais quand même, tu aurais pu changer d'approche...
Déjà, en ce qui concerne le style de jeu, non. On aimerait mettre en place une identité de la première équipe jusqu'aux jeunes, à l'académie. C'est une partie du projet: jouer de la même manière pour intégrer des jeunes de la région régulièrement, ce qu'on n'arrive pas à faire suffisamment aujourd'hui. Et ensuite, je vais te le dire franchement: le seul moment où j'ai réfléchi à changer d'approche, avec le staff, c'est quand Alvyn Sanches s'est blessé.
Jouer moins offensif?
Non, pas forcément, mais là, oui, on s'est posé des questions. Est-ce qu'on le remplace poste pour poste? Est-ce qu'on change de système? Est-ce qu'on change même carrément d'approche? On s'est vite rendus compte qu'on ne remplacerait pas Alvyn comme ça, mais là, je le dis clairement, je n'ai pas trouvé tout de suite la solution. Ça a pris un peu de temps, j'ai dû essayer plusieurs choses et à la fin, je suis très heureux de voir que l'équipe s'est adaptée et qu'on a réussi à atteindre le top 6 au dernier moment. Donc pour répondre clairement à ta question: c'est le seul moment où on a hésité à changer d'approche pour terminer la saison, mais on ne l'a pas fait.
Parlons spécifiquement de Lucerne. Si j'essaie de deviner ton équipe pour dimanche, j'ai à peu près tous les postes de sûrs, sauf celui de l'avant-centre. Tu en as trois de profils différents: Alban Ajdini, Kaly Sène et Fabricio Oviedo. Et tu alternes souvent. Comment choisis-tu lequel va jouer, sachant que ton équipe joue toujours avec deux ailiers et une pointe? C'est en fonction de leur forme, de l'adversaire, de leur niveau à l'entraînement?
Mon premier critère, c'est de savoir si l'attaquant a marqué la semaine d'avant. Souvent, les attaquants fonctionnent par phases. Je tiens ça de mes amis et anciens coéquipiers Mario Gomez et Miroslav Klose. Ils me disaient toujours qu'ils ne comprenaient pas que l'entraîneur les enlevait du onze alors qu'ils avait marqué. J'essaie de conserver la dynamique de mes attaquants. Donc dimanche, je peux répondre à ta question: c'est sans doute Kaly Sène qui jouera, après son but et son bon match contre YB.
Et quand aucun d'eux n'a marqué lors du match précédent?
Là, on regarde un peu la physionomie du match qui nous attend. Est-ce qu'on aura plus de phases de transition, des contre-attaques peut-être? Est-ce qu'on joue à l'extérieur? Sur herbe ou sur synthétique? Est-ce qu'on va dominer? Est-ce que le plan de jeu implique un attaquant qui joue dos au but et remise ou plutôt qui prend la profondeur? On se pose ces questions-là, en corrélation avec la forme du joueur bien sûr.
La dernière mi-temps insuffisante du LS dans ce championnat, c'est justement face à Lucerne, l'adversaire de dimanche...
Ce sont des choses qu'on n'oublie pas. Etre mené 3-0 à la maison après 25 minutes, c'est rare dans une carrière! C'est une équipe qui joue très bien au foot, avec beaucoup de jeunes, qui court beaucoup, très physique, très forte dans les duels, très axiale. A nous de relever ce défi, ce qu'on a fait moyennement jusqu'ici contre eux cette saison. Ils ne nous conviennent pas beaucoup, il faut bien l'avouer. Mais il suffit de regarder le classement pour voir le coup qu'on a à jouer.
Y compris pour la deuxième place?
On veut tout gagner jusqu'à la fin. On ne fait pas une fixation par rapport à la place.
Ton adversaire de dimanche, Mario Frick, n'hésite pas à changer trois joueurs d'un coup, voire quatre ou même cinq à la pause contre Sion! Toi, tu es souvent catalogué comme un entraîneur très émotionnel, mais paradoxalement, c'est assez rare chez toi, non?
Personnellement, j'ai une règle: si le joueur n'est pas bon sur le terrain, mais qu'au niveau de l'attitude, de la volonté et de la détermination il ne triche pas, je vais essayer de ne pas l'humilier et je vais essayer de le faire tenir jusqu'à la mi-temps. Là, je change. Si je sors un joueur avant la pause, c'est qu'il a une attitude malsaine vis-à-vis de l'équipe, qu'il ne mouille pas le maillot, qu'il se comporte mal. Ça m'est arrivé chez les juniors, dans une optique d'éducation. Chez les pros, il faut faire très attention, c'est aussi une question de gestion de vestiaire. Chez moi, les émotions s'expriment différemment, tu as raison.
Ton image, elle te fait sourire?
Chacun est comme il est. Quand je vois un Simone Inzaghi qui est 40 mètres dans le terrain cette semaine en Champions League, quand je vois Antonio Conte, Diego Simeone... Chacun est différent! Moi, je ne juge personne. Si les gens veulent me juger, ils me jugent. Ça ne me dérange pas. Beaucoup de personnes me disent: «Tu perds de l'énergie en étant aussi agité». Mais non, justement pas! Extérioriser mes émotions, être moi-même, ça me permet d'être concentré. Il n'y a pas de juste ou de faux.
Tu parles de gestion du vestiaire. De l'extérieur, j'ai trouvé un peu dur ce qui est arrivé à Thomas Castella. Tout d'un coup, parce que Karlo Letica est blessé ou qu'il y a un souci dans son contrat, peu importe, il doit jouer. Et tout aussi soudainement, il doit retourner sur le banc, sans explications, envers l'extérieur en tout cas. Comment as-tu géré cette situation? Tu comprends mon sentiment, que vu du dehors, ça semble un peu rude?
Bon, première chose: quand tu dis que d'un coup il joue, d'un coup il ne joue plus, c'est justement une vision depuis l'extérieur. A l'interne, le fait qu'on allait peut-être devoir rentrer dans ce scénario s'est quand même dessiné. Mais oui, je comprends qu'à l'extérieur, ça ait surpris. Je ne dis pas qu'on a géré juste ou faux, je dis qu'on l'a fait en ayant tous les paramètres à disposition, contrairement à l'extérieur. Je pense que la situation a été extrêmement douloureuse pour Thomas, oui. Naturellement, sur le plan humain et comme entraîneur, tu dois prendre des décisions et tu risques de blesser des joueurs. Ce n'est jamais facile. Mais...
Mais?
c'est le business, c'est le foot. Il faut essayer de séparer l'homme du joueur, c'est toujours la même chose. En essayant, dans certaines discussions, d'expliquer les situations aux joueurs, que ce soit Thomas ou d'autres. Et certaines fois, les choses sont plus faciles à expliquer. Et parfois, tu as moins d'arguments, tout simplement. De nouveau, je ne dis pas que c'est juste ou faux, je dis qu'on a pris une décision, qu'elle n'était pas facile à prendre dans les deux cas. Et à la fin, on a atteint nos objectifs comme ça.
La décision, elle est incontestable, selon moi. Et les matches t'ont donné raison: Karlo Letica est un gardien de grande classe. Mais je m'interroge sur l'impact sur Thomas Castella.
Il y a une gestion de groupe à avoir. Et dans cette situation précise, il y avait beaucoup de paramètres à prendre en compte. Encore une fois, c'est le foot. Je pense qu'il n'y aura jamais une saison parfaite, sans accroc. Si, comme on le fait, on demande aux joueurs de se remettre sans cesse en question, nous, les dirigeants, l'entraîneur, le staff, on doit aussi accepter de faire des erreurs. Je ne sais pas si on a fait juste ou faux, mais ce dont je suis sûr, c'est que ça a marché au final.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | FC Bâle | 35 | 47 | 67 | |
2 | Servette FC | 34 | 5 | 55 | |
3 | Young Boys | 34 | 6 | 53 | |
4 | FC Lugano | 35 | 0 | 52 | |
5 | FC Lucerne | 34 | 8 | 51 | |
6 | FC Lausanne-Sport | 34 | 9 | 50 |
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | FC Zurich | 35 | -2 | 50 | |
2 | FC St-Gall | 35 | 0 | 48 | |
3 | FC Sion | 35 | -9 | 40 | |
4 | FC Winterthour | 35 | -24 | 36 | |
5 | Yverdon Sport FC | 35 | -24 | 35 | |
6 | Grasshopper Club Zurich | 35 | -16 | 33 |