Commentaire de Tim Guillemin
Servette se trouve sur le bon chemin, mais ça ne se voit pas encore

Les résultats ne sont pas encore là, mais Servette est en train de sortir du trou dans lequel il s'était enfoncé tout seul. Les raisons sous-jacentes d'être optimistes sont nombreuses, estime notre journaliste Tim Guillemin.
Publié: 12:09 heures
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Dernière mise à jour: 12:31 heures
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Miroslav Stevanovic et le Servette FC ne se qualifieront peut-être pas face au Shakhtar Donetsk jeudi prochain, mais leur saison est désormais lancée, assure notre journaliste.
Photo: keystone-sda.ch
Tim Guillemin

C'est vrai, je l'avoue, le constat n'est pas encore flagrant et ne saute pas encore aux yeux. Depuis l'arrivée de Jocelyn Gourvennec, Servette a perdu à Utrecht, a battu Dardania Lausanne et est allé chercher un match nul à Cracovie face au Shakhtar Donetsk en ayant été acculé dans son camp. Ce n'est pas encore tout à fait l'idée que l'on se fait d'un SFC conquérant, remontant la pente après son début de saison calamiteux. Et pourtant.

Je l'écrivais déjà contre Grasshopper à la fin de l'interim de Bojan Dimic et Alexandre Alphonse, malgré le match nul assez souffreteux des Grenat: il existe un souffle de vie dans cette équipe, qui s'est matérialisé, je trouve, à Cracovie. Que l'on ne s'y trompe pas: Servette aurait largement pu perdre et prendre l'eau face aux ailiers supersoniques du Shakhtar, mais cette équipe, si elle n'a pas encore démontré des qualités impressionnantes dans le jeu, a prouvé avoir du caractère et je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler que le SFC jouait sans Yoan Severin et Steve Rouiller jeudi. Dominé, Servette n'a pas pris l'eau et a ramené ce match nul qui ne lui garantit rien pour le retour (le Shakhtar reste largement favori), mais fait passer l'idée de joueurs qui sont sur le chemin de la rédemption.

Servette en crise? C'est non

Je vais même aller plus loin: je ne vois pas les signaux d'une équipe en crise. De loin pas, même. Il est facile de se dire que le début de saison horrible du SFC se répercute à tous les niveaux, des bagarres entre supporters à l'oubli de l'inscription de Florian Ayé pour ce play-off. Dans le monde d'aujourd'hui où la nuance n'existe plus, et où il suffit de critiquer pour avoir raison sur l'instant sans penser à demain, il n'est tout de même pas interdit d'essayer de prendre un peu de recul et d'isoler des événements qui, au fond, n'ont rien à voir entre eux.

Un contingent mieux équilibré que la saison dernière

Il existe, très sincèrement, plusieurs raisons d'être optimiste aujourd'hui pour le SFC et même potentiellement plus que l'année dernière au même stade. Je déraille? Peut-être. Comme toujours, dans dix mois, les lecteurs avec de la mémoire déterreront ce billet et me l'agiteront, avec raison, sous le pif. Je l'accepterai avec le sourire, telle est la loi du milieu, mais je dois dire que je trouve le contingent déjà bien plus équilibré que la saison dernière. L'émergence de Loun Srdanovic (qui doit encore progresser défensivement) a permis de réduire l'urgence au poste de latéral droit et, pour le reste, je ne suis pas de ceux qui tirent des conclusions hâtives après sept matches en assurant que le recrutement est raté.

Désormais, Servette a un cap

Ce qui est sûr, c'est qu'une campagne de transferts «à cheval» sur deux directions sportives est difficile à appréhender. Giotto Morandi, par exemple, est un choix de René Weiler, et il est facile de déduire que les arrivées venues du championnat de France portent la patte de Gérard Bonneau. Ce mercato «hybride» ne pourra pas être une réussite à 100%, mais aujourd'hui, Servette a un cap, incarné par cette commission sportive collective. Et encore plus important: désormais, cette même commission a un entraîneur qu'elle a choisi.

Avec Jocelyn Gourvennec, Servette grimpe de deux étages

Celui-ci arrive avec une stature, une réputation, une idée de jeu et n'est pas lié par des choix du passé. Que Thomas Häberli le veuille ou non, et quels que soient les gages d'indépendance qu'il a pu exprimer, il était l'homme de René Weiler, lequel l'a choisi au moins autant pour ses compétences que par confort pour sa propre position. Je ne suis pas de ceux qui tapent les yeux fermés sur Thomas Häberli, mais je me situe clairement dans le camp de ceux qui pensent que Servette est grimpé de deux étages avec Jocelyn Gourvennec. Celui-ci a d'ailleurs tranché au sujet des gardiens et fait disparaître cette situation d'alternance qui était une aberration. Je suis de ceux qui préfèrent Jérémy Frick, pour plusieurs raisons, mais je suis surtout de ceux qui pensent qu'il faut un numéro 1 et un numéro 2. C'est désormais le cas.

Jocelyn Gourvennec, le nouveau coach du SFC.
Photo: keystone-sda.ch

Autre raison d'être optimiste: le contingent et la qualité des joueurs. Il ne faut tout de même pas oublier un point essentiel: Servette a conservé plusieurs de ses cadres. Je n'oublie pas les pertes d'Enzo Crivelli, Dereck Kutesa et Keigo Tsunemoto, mais j'ai quand même de la peine à croire que ces trois joueurs sont irremplaçables, avec tout le respect que j'ai pour leurs performances passées. Je le redis: l'an dernier, en début de saison, j'écrivais que le contingent était globalement mal bâti, avec un manque de profondeur évident. Cette saison, difficile d'en dire autant, et je ne vois, dans les faits, qu'une faiblesse relative, celle concernant les ailes.

Lamine Fomba semble être une bonne recrue estivale.
Photo: keystone-sda.ch

Je vais de nouveau reprendre la foudre dans les commentaires, mais j'assume: Miroslav Stevanovic est une légende, mais aucun joueur n'est plus grand que le club et ne peut être intouchable lorsqu'on parle de performances. Ne pas le mettre en concurrence et le faire débuter chaque match ne lui rend pas service à lui non plus, et un ailier polyvalent, capable de jouer aussi bien à droite qu'à gauche, serait pour moi le point final d'un mercato que je considérerai alors comme réussi. Ablie Jallow peut-être il celui-là? Si oui, tant mieux. Si non, peut-être y a-t-il un manque à combler.

Un recrutement plus suisse aurait-il été possible?

Je mets un bémol tout de même sur le recrutement, qui aurait pu être un peu plus «suisse». Evidemment pas par protectionnisme, mais, mis à part Giotto Morandi, qui connaît le championnat de Suisse? Il sera facile de me rétorquer que les cadres présents depuis plus de cinq saisons le connaissent parfaitement, mais tenter de faire venir un Donat Rrudhani, un Kastriot Imeri ou un Bastien Toma aurait pu être judicieux.

La communication a déjà changé radicalement

Et puis, il y a un dernier point positif, essentiel à mes yeux, avec la venue de Jocelyn Gourvennec: l'amélioration instantanée de la communication. Je ne parle pas là des réseaux sociaux et de la stratégie globale, où Servette a une longueur d'avance sur tout le monde en Suisse à mes yeux et ce depuis plusieurs années. Je parle de ce qu'incarne le secteur sportif, ou plutôt devrait incarner. Et là, le SFC a été en dessous de la moyenne ces deux dernières années, parce que les personnes les plus importantes du secteur sportif ne donnaient aucune importance à ce qu'ils transmettaient au public et à la communauté grenat, je veux parler de René Weiler en premier lieu et de Thomas Häberli ensuite. Et pour moi, tout découle du premier nommé.

Dès sa toute première conférence de presse, un moment affreusement gênant pour tous ceux qui y ont participé, René Weiler a montré qu'il n'avait pas envie d'être là, sur ce pupitre, à répondre à des questions inutiles. C'est son droit le plus strict de le penser. Et parfois, les demandes sont stupides, ou peuvent paraître l'être. Je comprends bien cet état d'esprit et je l'accepte volontiers. Mais en tant que visage médiatique d'une institution aussi grande que le Servette FC, son entraîneur a, en tout temps, un devoir de représentation. Certains d'entre vous pourront y voir un caprice de journaliste, vexé d'avoir une réponse de deux mots à une question de trois phrases. Peut-être que vous avez raison et que je suis trop susceptible ou sensible (les deux vont ensemble, je pense), mais je suis tout de même convaincu que René Weiler n'a rendu service à personne, et en premier lieu pas à son club, en refusant dès le premier jour toute communication allant au-delà du minimum nécessaire (et se situant très souvent en-dessous).

Un lien dégradé entre le secteur sportif et le public

Alors oui, il a eu des mauvaises expériences avec la presse à Anderlecht et à Al-Ahly, je veux bien le croire. Il y a plein de bonnes raisons de rester fermé et méfiant, mais je pense que Jocelyn Gourvennec en a tout autant et, miracle, ses réponses aux questions ne font pas passer le journaliste en face de lui pour un pauvre type incapable de comprendre ce qu'il se passe sur le terrain (même s'il le pense peut-être, je n'en sais rien). Ce lien dégradé entre le secteur sportif, le monde médiatique et le public peut sembler être un détail, bien moins important que le succès sportif et une victoire en finale de Coupe, qui restera pour toujours l'oeuvre et la réussite de René Weiler, mais sur le long terme, je suis persuadé qu'il est dommageable.

Le nouvel entraîneur du SFC face à son groupe.
Photo: keystone-sda.ch

Je vais même aller plus loin: le meilleur «entraîneur-communicant» de Suisse est aujourd'hui celui du Lausanne-Sport. Et je suis persuadé que si La Tuilière était aussi remplie contre le Vardar FK et Astana (je mets Besiktas bien sûr à part), Peter Zeidler et sa communication enthousiaste envers le public y sont pour beaucoup. Je ne sais pas si René Weiler et Thomas Häberli peuvent s'inspirer de lui pour ce qui est du football, je ne suis pas assez compétent pour le dire, mais pour ce qui est de la communication, ils peuvent s'asseoir au premier rang avec leur carnet de notes et bien écouter.

La conclusion? Tout n'est pas encore parfait au Servette FC, quel que soit le résultat de jeudi face au Shakhtar, mais avec Jocelyn Gourvennec, Gérard Bonneau et Alain Geiger, Servette a les moyens de faire une belle saison. Et en tout cas de largement remonter la pente. Au boulot! 

Super League 25/26
Équipe
J.
DB.
PT.
1
3
9
9
2
3
3
9
3
3
5
7
4
4
1
6
5
4
-1
5
6
3
0
4
6
3
0
4
8
3
-1
3
9
3
-3
3
10
3
-2
1
11
3
-5
1
12
3
-6
1
Tour final
Tour de relégation
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