Ce mois de mai marque l'entrée dans les deux derniers mois de la saison de foot. Devant nous, le dénouement des championnats, des Coupes d'Europe, puis l'Euro 2024. Autant d'occasions de profiter du spectacle que de prendre le temps de réfléchir, sans se voiler la face, sur la relation toxique que le football a développé avec l'assistance vidéo à l'arbitrage.
Pour cela, ne comptons pas sur les instances internationales. Six ans après l'instauration de la VAR lors de la Coupe du Monde russe, elles ne semblent pas envisager une seconde l'idée d'un quelconque bilan critique, encore moins d'un retour en arrière. Et pourtant, elles sont bien là les voix de ceux qui donnent vie à ce sport, de ces entraîneurs et joueurs se faisant chaque semaine les porte-voix de la grande désillusion que nous sommes si nombreux à ressentir. Il paraîtrait que, grâce à la VAR, bon an mal an, 95 à 99 % des décisions sont désormais correctes. Le ressenti est, lui, tout autre.
Une promesse majeure qui n'a pas été tenue
La réalité est celle d'une promesse majeure qui n'a pas été tenue. Celle de réduire drastiquement, voire éliminer, les «injustices» dans le football. Puisque tout le monde verrait tout, tout le monde serait d'accord. Et on n'interviendrait que sur les erreurs ma-ni-festes, ne vous inquiétez pas. Six ans plus tard, on ne peut que constater ce que certains disaient dès le début: On peut poursuivre une chimère, mais jamais la rattraper.
Qu'on me permette de ne pas donner d'exemple précis. Nous sommes à un stade où ce n'est même plus nécessaire. Il y en a des dizaines, chaque semaine, dans tous les championnats que vous et moi suivons. Chacun, chacune de nous, est capable en quelques secondes de citer trois, cinq cas de décisions absurdes ayant été prises malgré (ou à cause de) l'appel à cet outil n'ayant amené qu'une seule chose: une addition de regards d'humains sous pression et ayant chacun leur perception et interprétation.
Développer oui, mais appliquer?
Derrière chaque développement technologique se niche la question de son application sur le terrain. Cette réalité sociologique, étudiée de longue date, a été comme ignorée. «On formera les arbitres», nous avait-on dit. Comme si les flanquer d'un technicien vidéo, leur apprendre à utiliser une radio et mettre au point une procédure de communication allait suffire à faire d'eux de parfaits exécutants, à l'unisson et en toute sérénité, de la purification du football.
Du point de vue de la réception de leurs décisions par les clubs, l'atmosphère se pourrit lentement, mais sûrement. Là où, précédemment, une erreur était mise sur le plan de l'impossibilité physique pour un homme seul de «tout voir», chacune d'entre elles est aujourd'hui susceptible d'être le résultat d'un «complot», notion tristement moderne, puisqu'ils sont plusieurs à décider. Non seulement on peine à leur accorder une marge d'erreur, comme en plus certains clubs n'hésitent plus à mettre en doute leur intégrité en tant que corporation. En Angleterre où ce fut longtemps un tabou absolu, le pas a récemment été franchi par Nottingham Forest.
Les joueurs «VAR-compatibles»
Les dernières années ont par ailleurs amené avec elles la première génération de joueurs dont le style est VAR-compatible. Les voici capables de laisser leur jambe comme flotter. Ils courent, bougent, de manière à ce que tout contact «subi», notamment dans les 16 mètres, soit systématiquement jugé comme pouvant justifier un penalty. Il n'est tout simplement plus possible, pour des arbitres à qui on a amputé toute velléité de montrer de la personnalité, de punir un joueur pour avoir délibérément cherché ce contact. Quant aux cartons jaunes pour simulation, ils ont quasiment disparu. Trop risqué.
La Suède échappe au football «judiciarisé»
Enfin, chez celles et ceux qui, comme vous, comme moi, cherchent simplement à vivre les émotions du football, il a fallu s'habituer à ne plus pouvoir célébrer un but. C'est comme si chaque explosion de joie s'accompagnait désormais d'un onglet «conditions générales» à lire et à valider avant d'être autorisé à tomber dans les bras de ses proches. Cet argument-là, celui d'un football «judiciarisé», a été mis en avant par les acteurs du football suédois, qui a récemment confirmé vouloir faire cavalier seul et vivre dans une ligue sans VAR. Là-bas, il est encore possible pour une équipe de profiter pleinement d'un temps fort, de mettre sous pression continue un adversaire sans qu'une interruption de 2 à 3 minutes ne vienne rebattre les cartes. Un exemple parmi d'autres de ce que, partout ailleurs, le football a perdu.
Le syndrome de Stockholm du commentateur
On me taxera sans doute d'hypocrisie, moi qui travaille pour la télévision, ce média dont l'influence a, de fait, imposé l'usage de la VAR. Dans mes commentaires en direct, je l'invoque à chaque contact suspect, pire, je l'appelle parfois même de mes voeux lorsqu'elle est absente comme lors d'un récent match de Coupe de Suisse. C'est comme si je manifestais les symptômes d'un syndrome de Stockholm d'un genre particulier. C'est sans doute ça. Car le fait est qu'elle est là pour rester cette VAR, que je le veuille ou non. Elle a planté ses bras en fibre optique au coeur de mon, de notre expérience football, et elle ne lâchera plus. Je le déplore depuis longtemps, mais récemment je me suis senti moins seul. C'est déjà ça.
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