Cédric Carrard, 33 ans, est décédé le 5 septembre 2024 lors d’un match de football amateur disputé à Bavois. Milieu défensif du FC Vallon du Nozon, il venait d’entrer en jeu quand une crise cardiaque l’a terrassé. Quelques mois plus tard, sa compagne Flora Barros, enceinte au moment du drame, raconte les faits et ses conséquences dans un témoignage très émouvant publié cette semaine par L’Illustré.
Cédric Carrard, développeur web de formation, évoluait en 4e ligue vaudoise. Très sportif, il affectionnait ce football amateur «où l’amitié partagée compte plus que le résultat». Le soir du 5 septembre, il venait de s’échauffer et ne courait même pas encore lorsque le malaise l’a frappé. «Une semaine avant sa mort, Cédric avait même passé une IRM et gardé sur lui pendant vingt-quatre heures consécutives un appareil mesurant sa fréquence cardiaque. Mais tout semblait alors normal», explique Flora Barros, qui a depuis été en contact avec la cardiologue de son compagnon.
Ce n’était pas la première alerte. En juillet, un malaise survenu à l’entraînement avait conduit à des examens poussés, qui n’avaient rien révélé. Enfant, Cédric avait souffert d’un souffle au cœur, qui avait disparu avec l’âge. Rien ne laissait présager une telle issue.
Elle court aux urgences au milieu de la nuit
Ce jeudi soir-là, Flora Barros dormait à leur domicile de Jouxtens-Mézery. Enceinte, elle s’était couchée tôt. «Lorsque je me suis réveillée au milieu de la nuit et que j’ai vu que Cédric n’était pas collé contre moi, j’ai compris que quelque chose clochait», dit-elle. Elle appelle les urgences d’Yverdon, puis celles du CHUV. «Là, on m’a dit que Cédric y avait été admis par hélicoptère dans la soirée...»
Infirmière en oncologie, elle connaît l’univers hospitalier. En arrivant au CHUV et en découvrant son compagnon branché à toutes sortes de machines, elle comprend l’issue fatale. « La mort était mon quotidien professionnel. Cédric esquivait le sujet lorsque je lui en parlais le soir... Je me suis intuitivement réfugiée derrière mes connaissances techniques pour ne pas perdre pied et par peur aussi qu’accueillir ma détresse ne soit préjudiciable au développement d’Olivia. » Deux jours plus tard, le 7 septembre 2024, jour de son propre 30e anniversaire, Flora Barros débranche l’homme qu’elle s’apprêtait à épouser en 2025.
Le début d'une belle histoire en 2016
Le couple s’était rencontré en 2015 à l’Openair de Frauenfeld, lorsque Flora, alors étudiante infirmière, avait un job au McDonald’s de la gare de Lausanne. Cédric, lui, y était avec son ami Florian, collègue de Flora. L’année suivante, ils se revoient au même festival. Cette fois, c’est le début d’une histoire. «Cédric aimait le sport, les voyages, les bons repas et les bons vins, mais surtout les gens. Il faisait partie de ces personnes qu’on n’oublie pas, car il était vraiment authentique et à l’écoute dans toutes ses relations...»
Fils aîné d’une famille paysanne de Bretonnières, dans le Jura vaudois, Cédric était décrit comme un homme «capable de créer du lien entre des gens très différents». Un homme «toujours à 200 à l’heure». «Avec le recul, on peut se dire que c’est comme si une partie de lui savait que la mort le rattraperait trop vite», dit Flora Barros.
Un large élan de solidarité
Le décès brutal de Cédric a suscité un large élan de solidarité. Une cagnotte, initiée par des amis de Flora et relayée par les copains du FC Vallon du Nozon et les collègues de QoQa (où travaillait Cédric), a permis de récolter 23'000 francs. «Au début, cet élan d’amour m’a apaisée. C’était comme un joli héritage du passage de Cédric au milieu de nous. Et puis la vie de chacun a repris son cours et le vide et l’absence ont réémergé puissamment. Souvent, je me surprenais à croire que Cédric allait franchir la porte de notre domicile», confie Flora.
En février, elle quitte leur logement commun pour s’installer à Bussigny avec leur fille Olivia, née trois mois après la mort de son père. Aujourd’hui, Flora l’élève seule. «On forme une équipe, toutes les deux, maintenant. J’aimerais que notre fille se construise avec une belle image de son père et mon souhait est que mon témoignage y contribue.» Elle décrit sa fille comme «le plus efficace et exigeant des antidépresseurs qui soient».
Flora Barros avance comme elle le peut
Quant à elle, elle avance. Comme elle peut. «Je dois avancer dans un champ de ruines et je me suis découvert des ressources insoupçonnées sur ce chemin mais, en même temps, je sens bien que je vais finir par m’effondrer... Ce n’est qu’une question de temps mais il me faudra en passer par là pour me reconstruire vraiment et finalement regarder en arrière avec paix et gratitude.»