Coup de théâtre dans le procès sur la mort de Maradona à San Isidro (nord de Buenos Aires), en Argentine. La suspension des débats, qui avancent péniblement depuis début mars, à raison de deux audiences par semaine, a été prononcée à la suite de demandes de récusation, en matinée, d'une des trois juges, Julieta Makintach, plaidées par deux des avocats de la défense.
La suspension a été appuyée par le procureur Patricio Ferrari, afin de «résoudre un problème qui semble apporter une gravité institutionnelle» à la procédure, a-t-il estimé. Le tribunal a résolu que l'audience reprenne le 27 mai, «délai raisonnable pour que des éléments soient apportés à l'affaire susdite» et communiqués à toutes les parties, a annoncé le juge présidant le procès, Maximiliano Savarino. Alors seulement, une décision pourra être rendue sur les demandes de récusation.
Avant que la salle d'audience ne se vide, la juge Makintach a brièvement pris la parole, disant «comprendre l'anxiété de tous». «Mais je suis convaincue de mon impartialité, et je donnerai les explications sur le sujet», a-t-elle poursuivi. Et si vraiment un risque est perçu pour l'indépendance des débats, «peut-être que je me dessaisirai moi-même», a-t-elle lancé.
Mort en 2020
Le procès juge depuis deux mois sept professionnels de santé – médecins, psychiatre, psychologue, infirmiers – accusés d'"homicide avec dol éventuel», c'est à dire une négligence commise tout en sachant qu'elle peut entraîner la mort. Maradona est décédé à 60 ans, le 25 novembre 2020, d'une crise cardiorespiratoire et d'un oedème pulmonaire, sur son lit d'une résidence privée de Tigre, près de San Isidro.
Il y était en convalescence depuis deux semaines après une neurochirurgie. Il avait en effet été opéré, sans accroc, pour un hématome à la tête.
A ce jour, la décision d'une convalescence post-opératoire à domicile – contre l'avis de la clinique qui avait opéré – et le piètre niveau des soins et de l'équipement médical sur place, ont été au coeur du procès, mis en cause par divers témoignages. Mais seule une accusée, la psychiatre qui suivait Maradona, a été entendue, brièvement.
Les accusés nient toute responsabilité
Les accusés nient toute responsabilité dans le décès, se retranchant derrière leur tâche spécifique n'ayant rien à voir avec les causes précises de la mort. Ils encourent de 8 à 25 ans de prison à l'issue du procès censé durer jusqu'en juillet, une échéance de plus en plus douteuse.
Les demandes de récusation visant la juge Makintach portent sur son éventuelle collaboration à un documentaire en préparation sur l'affaire. Et notamment sur la question de savoir si la magistrate «a autorisé des gens à avoir une caméra au premier jour d'audience, alors que le tribunal interdisait l'accès de caméras», a plaidé mardi Julio Rivas, l'un des avocats du Dr Leopoldo Luque, médecin personnel de Maradona et principal accusé.
Dans des photos prises par la justice au premier jour des débats, le 11 mars, et diffusées dans la presse mardi, une personne au fond de la salle semble manipuler une caméra. Dans une plainte déposée auprès du parquet, Mario Baudry et Fernando Burlando, avocats de trois des enfants Maradona, demandent de vérifier s'il y a pu avoir de la part de la juge Makintach «contacts, approches ou accords sur des contenus audiovisuels liés à ce procès, sans intervention ou consentement des parties».
Le procès pourrait redémarrer à zéro
Ce qui, poursuivent-ils, «outre le fait de compromettre le principe d'impartialité, de réserve et d'indépendance judiciaire», pourrait dériver en délit «d'abus d'autorité, divulgation d'informations privilégiées, (...) trafic d'influence et, éventuellement, corruption». «Ce n'est pas une mince affaire», a estimé le procureur Ferrari, appuyant la suspension, et considérant que si les faits sont confirmés, «il est approprié de désigner une quatrième juge».
Une éventuelle récusation de la juge ouvrirait la porte à divers scénarios. Parmi eux, un redémarrage du procès à zéro, ce que semblaient suggérer certains avocats mardi. «Je ne verrais rien de mal au fait de recommencer à zéro», a indiqué Me Burlando, à des journalistes à l'extérieur du tribunal, fustigeant la «négligence» du tribunal de San Isidro jusqu'ici. Alors qu'il «s'agit de savoir qui a tué Diego Armando Maradona».