L'analyste en chef Kevin Ehmes
Voici le maître des datas et le cerveau de la Nati

Kevin Ehmes, 33 ans, est le maître des datas et le confident de Murat Yakin au sein de la Nati. Chef du département d'analyse et adjoint du sélectionneur, il joue un rôle crucial dans la prise de décision, notamment pour la sélection des joueurs.
Publié: 09.06.2025 à 20:07 heures
Partager
Écouter
1/7
Kevin Ehmes (33 ans) travaille depuis 2016 comme analyste pour l'Association suisse de football.
Photo: TOTO MARTI
11_Kommentar1_Tobias_Wedermann_2024-16361.jpg
Blick_Portrait_582.JPG
Tobias Wedermann et Toto Marti

Maître des datas, roi de la vidéo, et confident privilégié de Murat Yakin: voilà comment on pourrait définir Kevin Ehmes. À 33 ans, cet homme discret mais central dans l’organigramme de l’équipe de Suisse travaille pour l’ASF depuis 2016. Entré comme simple analyste, il est aujourd’hui le chef du département d’analyse… et l’un des adjoints de Yakin, présent à ses côtés sur le banc de la Nati lors des matches. Surnommé «Kevinpedia» pour sa connaissance encyclopédique du football, il préfère se décrire comme «une interface entre le monde des données, le staff et les joueurs».

Depuis son arrivée à la tête de la sélection, Murat Yakin a élargi son champ d’ouverture au data, en grande partie grâce à sa relation de confiance avec Kevin Ehmes. Une relation qui a même résisté récemment aux approches de clubs étrangers. «En 2024, entre l’Euro et la Ligue des Nations, nous avons déjà passé beaucoup de temps ensemble», glisse Kevin Ehmes. Avec les joueurs, il va à l’essentiel: trois faits clés par adversaire, pas plus.

Des datas qui influencent les sélections

Né en Allemagne et installé en Suisse depuis l’enfance, Kevin Ehmes a toujours vécu pour le foot. Le ballon rond ne lui a pas offert une carrière de joueur, mais il a obtenu sa licence d’entraîneur et étudié les sciences du sport. Très tôt, il comprend l’importance croissante de l’analyse et des statistiques dans le football moderne. Il s’y plonge à fond — bien lui en a pris: aujourd’hui, la Suisse est en avance sur de nombreuses grandes nations dans ce domaine.

Grâce à une foule de données, Kevin Ehmes peut établir des profils individualisés pour chaque joueur. Et cela influe directement sur les décisions du sélectionneur. Ce sont ses analyses qui ont notamment conduit à la sélection surprise de Stefan Gartenmann et Isaac Schmidt en mars dernier. «Stefan affiche des valeurs très solides dans la construction du jeu. Ce n’est pas forcément visible à l’œil nu sur un match, mais les données sur la durée le montrent clairement. Il a exactement le profil que recherche Murat.»

Un partenariat avec l’EPFZ

En collaboration avec l’EPF de Zurich, Ehmes développe actuellement un système d’évaluation des joueurs basé sur des critères précis par poste. L’objectif : attribuer un score global à chaque joueur en fonction de ces paramètres. «On définit ce qu’on attend d’un joueur à un poste donné, et les données font le reste.» Un deuxième analyste devrait d’ailleurs rejoindre bientôt le staff de la Nati. Car le secteur évolue vite, notamment avec l’IA: «Certains clubs disposent déjà de systèmes capables non seulement d’analyser un joueur, mais aussi d’identifier le moment optimal pour l’observer dans un match à venir. C’est un bond énorme en termes d’efficacité dans le scouting.»

Mais Kevin Ehmes garde la tête froide: «Les datas sont importantes, mais la personnalité et la créativité le sont tout autant. Murat le sait très bien. Il prend mes inputs au sérieux, mais ne sélectionnera jamais un joueur uniquement sur la base des chiffres, sans l’avoir observé et rencontré.» Et ils ne sont pas toujours d’accord. «Il écoute aussi beaucoup son instinct. Et ça, ce n’est un secret pour personne.»

Toujours prêt à réagir à une idée du boss

Cette part d’instinct, d’ailleurs, pimente le travail de Kevin Ehmes. Pendant les matches, il fournit à Murat Yakin des infos en temps réel via images et données. Pendant les pauses ou après les rencontres, il alimente le sélectionneur d’analyses précieuses… parfois même utilisées lors des conférences de presse. «Mais avec Murat, on ne sait jamais: il peut avoir une idée à trois heures du matin la veille d’un match. Et dans ce cas, je dois être prêt à la challenger ou à l’étoffer avec des datas.»

L’efficacité, enjeu numéro un

Avec Davide Callà, le nouvel adjoint, Kevin Ehmes prépare actuellement une nouvelle série d’analyses après les amicaux face au Mexique et aux États-Unis. «On s’est fixé des objectifs précis sur les quatre matches amicaux du premier semestre. Le but, c’est d’en tirer des enseignements pour les qualifications de la Coupe du monde.»

Et l’un des points clés, selon lui, reste l’efficacité offensive. «Quand ça marche bien chez nous – comme au début des qualificationss pour l’Euro ou avant le Mondial au Qatar –, l’efficacité est toujours supérieure à la moyenne. En revanche, en Ligue des Nations, malgré des stats globalement positives, notre efficacité a été très faible.»

Son indicateur favori? La valeur xT – pour expected threats, ou menaces attendues. Une donnée qui mesure le danger potentiel généré par chaque action avec le ballon, bien au-delà des simples tirs. Mais ce qu’espère surtout Kevin Ehmes à partir de septembre, lors des matches contre le Kosovo et la Slovénie, ce sont des menaces transformées en buts. Car les données, c’est bien. Les victoires, c’est mieux.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la