Murat Yakin est prêt à toutes les surprises, et avant de recevoir la feuille de match, il ne faut jurer de rien avec l’espiègle sélectionneur de la Nati, lequel aime surprendre ses joueurs autant que les suiveurs de son équipe. Il est ainsi tentant de penser qu’en faisant venir Gregor Kobel à côté de lui en conférence de presse à la veille d’affronter les Etats-Unis, Murat Yakin envoie un message en annonçant sa volonté de le titulariser à nouveau, trois jours après avoir affronté le Mexique, mais il serait présomptueux d’écrire que ce sera le cas à 100% et que ni Yvon Mvogo ni Marvin Keller ne seront alignés.
Mais tout de même: le signal est réel. Et il témoigne, peut-être, d’une volonté forte de la part du sélectionneur de sécuriser son gardien titulaire, lequel démontre encore parfois d'étonnants signes de nervosité, malgré son immense talent et son caractère, l’une de ses grandes forces.
Le fait est que le successeur de Yann Sommer, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi au risque de l’irriter, ne tient pas encore véritablement son match référence avec la Nati, depuis son intronisation après l’Euro 2024. Il n’a pas été catastrophique en Ligue des Nations, et son statut de numéro 1 ne se discute pas, mais la vérité est qu’il n’a pas été brillant non plus et ne démontre pas, aujourd’hui, que la Suisse a franchi un palier avec lui.
Son jeu au pied est toujours une faiblesse par rapport à Yann Sommer et, s’il prend de la place dans les buts, il n’a pour l’heure pas démontré non plus pouvoir rapporter des points à lui tout seul. Aucun blanchissage en onze sélections («Je sais que c’est un thème de discussion pour vous», a-t-il contré en conférence de presse ce lundi à Nashville) et aucune «partie parfaite» pour l’instant, voilà qui aurait de quoi saboter la confiance de beaucoup de portiers. Mais pas la sienne.
A sa décharge, un manque flagrant d'automatismes
Cette place de numéro 1, il l’a voulue, il l’a, et il a insisté sur un point précis, qui mérite d’être entendu: le nombre élevé de changements dans la défense de la Nati depuis son intronisation. Les blessures de plusieurs joueurs, les suspension, la retraite de Fabian Schär, les changements de système tactique… Rien n’a été pensé pour faciliter la tâche d’un gardien qui a besoin, comme chaque joueur, d’automatismes pour être performant. Gregor Kobel, à 27 ans, doit encore se faire sa place et il aura donc (sans doute…) une autre occasion de se rapprocher de cet objectif face aux Etats-Unis, même si là aussi, il faudra s’attendre à un peu de rotation devant lui en défense, voire même à beaucoup.
Et puis, bien sûr, qui dit équipe nationale, dit aussi cote de popularité auprès du grand public, pas uniquement des spécialistes. Et sur ce plan-là, Gregor Kobel sait qu’il part battu d’avance face à Yann Sommer, ce qui ne représente aucun espèce d’intérêt lorsque le match a débuté, mais fait peser sur ses épaules une prestation supplémentaire en dehors, surtout lorsque son prédécesseur atteint la finale de la Champions League en éliminant Barcelone…
Une histoire à écrire
Gregor Kobel le sait, c’est à lui d’écrire son histoire avec la Nati, et celle-ci débutera vraiment dès le mois de septembre lors des qualifications à la Coupe du monde. Il le sait, il sera très attendu. Aucune chance que cela lui fasse peur. Mais il devra assurer, sous peine de devenir le premier gardien à manquer la qualification pour une grande compétition depuis 2012 et un certain Diego Benaglio. Car oui, Yann Sommer a toujours mené la Suisse à l’Euro ou à la Coupe du monde, sans interruption. S'il veut enfin cesser d'entendre parler de son prédécesseur, Gregor Kobel sait ce qu'il lui reste à faire.