La fan-zone de Lancy Pont-Rouge parlait français jusqu'à 18h20, ce jeudi, heure à laquelle une véritable marée rouge a déferlé depuis les trains spéciaux arrivés de Suisse alémanique. De vibrants et joyeux «Schwizer Nati» se sont alors fait entendre dans le ciel genevois, ce qui a fait sourire ce groupe de fans venus du Chablais vaudois. «C'est foutu, on n'est plus chez nous», s'est marré le plus vieux de ce groupe de quatre potes avant de s'enquiller coup sur coup deux verres de raisin ayant mûri au soleil d'Aigle. Si ce brave supporter n'a tout de même pas osé dire «en voilà deux qu'ils n'auront pas» au moment de boire son chasselas cul sec, il l'a pensé tellement fort qu'on l'a entendu, à deux mètres de lui.
Oui, les Alémaniques ont débarqué en force à Genève et le cortège plurilingue, parti de la petite gare lancéenne au son de DJ Bonnet et de son mythique drapeau suisse floqué La Brévine, a été beau et fort de 10'000 personnes, selon les organisateurs, que l'on croit volontiers.
«C'est la première fois que je me retrouve au milieu d'un défilé. Je ne savais même pas que ça existait, je suis juste sorti à la gare et je me suis retrouvé plongé dedans», explique Johan («avec un n»), venu de la Broye fribourgeoise avec des amis et sa copine. C'est vrai, le cortège a été court, mais intense, et il a même fallu le couper en deux, dans le sens de la largeur (!) en plein milieu, histoire de pouvoir passer de chaque côté de la chaussée d'une bretelle autoroutière fermée pour l'occasion. Il n'empêche: les images ont été belles, les souvenirs mémorables, les chants puissants.
Au stade, quelques maillots du Servette FC, mais surtout, du rouge partout, avec juste une petite touche finlandaise de blanc derrière le but du côté des supporters grenat. «C'était incroyable, exceptionnel. Après Bâle et Berne, on a été extrêmement émues et touchées par l'accueil que nous a réservé Genève», a assuré après le match la capitaine Lia Wälti, épatée par le soutien populaire depuis le début de cet Euro.
«C'est encore plus fort que tout ce que l'on pouvait imaginer. Vraiment, je suis reconnaissante. Je me sens honorée par tout ce que l'on vit», a ajouté la Bernoise, laquelle, comme d'autres coéquipières, a largement connu l'anonymat du début des années 2000, lorsque la Suisse n'était suivie que par une poignée de passionnés, y compris à domicile.
Ce soutien, les joueuses l'ont ressenti, y compris lorsque la Finlande a ouvert le score sur penalty à la 77e. Le stade a alors encore plus fait de bruit, jusqu'à l'explosion de joie de la 92e et ce centre-tir tendu de Géraldine Reuteler, dévié au bon endroit par Riola Xhemaili. «Les gens nous ont porté. Ils y ont cru avec nous», a apprécié Lia Wälti.
Oui, Genève a largement joué son rôle de douzième femme ce jeudi et prouvé que la décision d'organiser ce troisième match ici, tout au bout de la Suisse, était une idée qui valait la peine d'être défendue. En une phrase comme en cent: Genève a répondu présent.
Les filles sont arrivées à Thoune aux alentours de 3h
Après avoir pu partager un moment privliégié avec leurs proches présents au stade, les filles et toute la délégation suisse ont alors pu reprendre la route, aux alentours d'1h du matin, pour rejoindre le camp de base de Thoune, où elles sont arrivées environ deux heures plus tard, la circulation étant fluide à cette heure-là. L'atmosphère a été joyeuse et légère dans le bus, avec des joueuses légitimement fières de leur parcours. Pia Sundhage l'a elle-même dit: «On doit profiter du moment. Les filles doivent savourer, fêter. Ensuite, on se reposera, on rechargera les batteries. Et on préparera le quart de finale.»
En terminant deuxième du groupe, la Suisse a hérité d'un adversaire potentiellement plus fort, c'est vrai, mais a aussi gagné deux jours de repos en plus, le match ayant lieu vendredi au lieu de mercredi. L'euphorie est ainsi assurée de rester au plus haut dans tout le pays pendant quarante-huit supplémentaires. Au vu de ce que ses filles vivent depuis neuf jours et de la communion exceptionnelle avec le public, on ne peut que s'en réjouir.