Iman Beney (Manchester City), Naomi Luyet (Hoffenheim), Noemi Ivelj (Eintracht Francfort). Trois jeunes pépites du football helvétique, âgées de 18 ans seulement, ont officialisé dernièrement leur départ de la Suisse pour tenter leur chance à l’étranger. Sandrine Mauron, et Nadine Böhi (Union Berlin), sélectionnées pour l’Euro, ainsi qu’Aurélie Csillag (SC Freiburg), présente lors des deux premières semaines de préparation, n’évolueront plus, elles non plus, en Super League la saison prochaine. Le challenge footballistique qui y est proposé n’intéresse plus nos internationales. Notre championnat national est-il si peu attractif?
Après la finale des play-off perdue contre Young Boys, l’entraîneur de Grasshopper regrettait notamment qu’il n’y ait pas plus de matches: 22 en saison régulière, plus six, au maximum, en play-off. «Nous ne jouons pas assez, affirme João Paiva. Si nous voulons un développement du foot féminin en Suisse, il faut plus de parties.» Pour progresser, les jeunes ont besoin de jouer, c’est logique. Or, avec cette formule, elles ne le font pas assez, les poussant à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Mais ce n’est, est de loin, pas la seule raison.
Des infrastructures insuffisantes
Au niveau des infrastructures, la différence entre les meilleures équipes du pays et les moins bonnes reste très (trop) importante. «La Super League peut et doit encore franchir un palier, explique Sandrine Mauron. Il faut investir plus, c’est peut-être pour cela que certaines joueuses veulent partir, même si elles sont jeunes.» La Nord-Vaudoise fait notamment référence au nombre de personnes composant l’encadrement des équipes de bas de tableau. «Notre championnat est un bon tremplin pour que les jeunes puissent se mesurer à des adultes. Mais il manque des moyens pour, ensuite, les conserver.» Les exemples ne manquent pas.
Svenja Fölmli sait de quoi elle parle. L’attaquante, aujourd’hui âgée de 22 ans, a rejoint le SC Freiburg à 18 ans. «En Suisse, les infrastructures ne sont pas très bonnes. Cela reste un niveau amateur, on gagne pas ou peu d’argent, ou en tout cas pas de quoi en vivre. Si on veut pouvoir s’investir totalement dans le foot, on doit partir, explique la Lucernoise. Certes, il y a quelques améliorations. mais…» Rien de comparable avec ce qu’on peut trouver en Allemagne, par exemple. «Pour poursuivre mon développement, il fallait que je m’en aille. Je voulais franchir un palier. C’est très dur de le faire en travaillant à côté», ajoute Lydia Andrade, qui a été transférée cet été de Leipzig à Cologne. «Franchir un palier», c’est aussi ce qu’a écrit Iman Beney au moment de faire ses adieux au club de la capitale, malgré la possibilité de disputer la Champions League.
Être professionnelle à 100%, «cela permet d’augmenter le temps de récupération, de passer plus de temps aux soins, explique Sandrine Mauron. On peut aussi prendre plus de temps pour analyser ses matches, passer du temps avec l’équipe. On peut se focaliser durant toute la journée sur le sport.» Bref, se donner tous les moyens pour s’améliorer le plus possible.«On ne vit pas encore du foot en Suisse, même à Servette, continue la Nord-Vaudoise. La plupart des joueuses travaillent à côté ou font des études par correspondance.» À part quelques exceptions.
«Les conditions sont si mauvaises»
Coumba Sow (FC Bâle) fait partie des joueuses de Super League pouvant se concentrer uniquement sur la pratique du football. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Plus jeune, l’ancienne Servettienne avait rejoint une université américaine. «C’était tellement différent, rien qu’au niveau des infrastructures. Et les gens ont envie d’investir dans le foot. Cela m’a permis de changer ma vision des choses. La situation actuelle n’est pas bonne, on doit oser demander plus.» La milieu de terrain a notamment pu vivre la comparaison avec son cousin, Djibril Sow, international helvétique actuellement au FC Séville. «Il a très rapidement eu des contrats et n’a jamais eu besoin de travailler à côté, pour pouvoir continuer à jouer au foot.»
L’ancienne joueuse du Paris FC estime que, si elle n’était jamais partie à l’étranger, elle n’aurait jamais eu ce privilège de pouvoir vivre de sa passion. «Il faut réussir ailleurs pour obtenir une reconnaissance ici», résume Coumba Sow. De quoi faire émerger un sentiment de frustration chez de nombreuses joueuses. «Les conditions sont si mauvaises ici. On a besoin d’argent pour vivre», n’hésite pas à critiquer Meriame Terchoun, qui a passé cinq ans au FC Zurich pour des broutilles, avant de devoir s’expatrier en France pour devenir professionnelle. L’héritage de l’Euro permettra-t-il de combler ces manques et permettre aux jeunes Suissesses de s’épanouir dans notre pays? À l’heure où le football féminin grandit à une vitesse grand V chez nos voisins, il faut l’espérer. Sous peine de manquer le train.