Elle ne passe pas inaperçue, Denise Junod! Après l’entraînement de la Nati, mais surtout devant l’hôtel, plusieurs dizaines de jeunes se pressent chaque jour pour décrocher un selfie avec Kobel, Akanji et les autres stars. Et prennent bien garde à laisser un peu de place à leur aînée.
À 91 ans, cette Lausannoise a du flair. Quand Breel Embolo et Ricardo Rodriguez sortent brièvement jeudi pour aller faire quelques courses, ils prennent le temps de poser avec elle. «Je les aime tous!», glisse-t-elle avec un large sourire. Pas de préféré, juste une passion.
Le Lausanne-Sport fait battre son cœur au quotidien, mais sa plus grande fierté reste l’équipe nationale. «La Nati, c’est tout le pays. Des gens de tous les cantons se retrouvent derrière elle», dit-elle. Et de savourer: «C’est beau de voir la Suisse unie dans le sport.»
Malgré son âge, elle ne manque presque jamais un match. Lors de l’Euro féminin 2025, elle a traversé la Suisse. En octobre encore, elle était en tribunes à Stockholm et Ljubljana pour soutenir les hommes de Murat Yakin.
Présente à chaque Coupe du monde depuis 2010
Afrique du Sud 2010, Brésil 2014, Russie 2018 et Qatar 2022: aucune édition sans Denise. La dernière l’a particulièrement marquée. «Avant de partir, je n’osais même pas dire que j’y allais, il y avait tellement de critiques», raconte-t-elle.
«Mais l’ambiance était si chaleureuse! Des gens de tous les pays, toutes les couleurs… Et des stades fabuleux – même mieux qu’à la télé. Et puis il y avait des rampes dans les escaliers : très important pour nous, les anciens!», dit-elle en riant.
Denise Junod garde également un excellent souvenir des tournois en Afrique du Sud, au Brésil et en Russie. Le voyage en Amérique du Sud a été un cadeau pour son 80e anniversaire. Ce sont surtout les innombrables rencontres avec des personnes du monde entier qui l'ont enrichie. «Et l'enthousiasme dans les stades, tous ces gens qui exultent et s'embrassent. C'est un vrai bonheur».
Enfance pendant la Seconde Guerre mondiale
Née en 1934 à Montparnasse, en plein coeur de Paris, elle a vécu enfant les années sombres de la Seconde Guerre mondiale. «On a dû descendre une fois à la cave pendant une alerte à la bombe. À la suivante, j’étais déjà partie», confie-t-elle. Elle grandit finalement chez ses grands-parents, à Vendôme.
C’est là qu’elle découvre le football, grâce aux joueurs de l’équipe locale qui fréquentaient l’auberge familiale. «Il y avait deux ou trois beaux garçons qui m’expliquaient tout ça», sourit-elle.
Plus tard, elle épouse un Suisse, fonde une famille et s’installe tour à tour dans le canton de Fribourg, en Valais, puis à Genève. Lausanne est son foyer depuis plus de 40 ans. «Mais je suis vaudoise, c’est clair!» assure-t-elle. Son fils, né en 1977, lui transmet définitivement le virus du foot dans les années 1980.
Ce soir encore, elle sera au Stade de Genève pour Suisse–Suède, écharpe autour du cou, maillot sur le dos. «Ça me fait tellement plaisir de voir ces jeunes courir aussi vite. Nous, on est déjà contents quand on arrive à marcher droit», rit-elle.
Partira-t-elle à la Coupe du monde 2026 en Amérique du Nord? «Il faut toujours avoir des projets», dit-elle, consciente que sa santé décidera. Elle aimerait y fêter ses 92 ans. «La vie est une aventure qu’on ne choisit pas, mais qu’il faut savourer. Et elle passe très, très vite.»