Ce rassemblement de septembre n'est facile pour personne, déjà en temps normal. Les raisons sont nombreuses: Il intervient juste après l'été, les joueurs ont des états de forme différents selon les championnats et leur situation personnelle. Et certains ont encore la tête aux transferts. Mais celui de l'équipe de Suisse cette semaine a été particulièrement agité, même si Murat Yakin espérait tout le contraire en choisissant la quiétude de la Forêt Noire, loin de l'agitation habituelle qui entoure la Nati.
Le mercato s'est fini le premier jour du stage
C'est peu dire que le premier jour du rassemblement de la Nati a été agité! Ce n'est pas une spécificité helvétique: Didier Deschamps et la France ont connu la même chose, par exemple. Le fait que le dernier jour du mercato dans de nombreux pays tombe le 1er septembre était un hasard du calendrier assez malheureux cette année. Fabian Rieder et Breel Embolo, tous deux en négociations, n'étaient ainsi pas là lundi, Manuel Akanji est lui venu à Bâle puis est reparti à Milan, tandis que Ricardo Rodriguez est arrivé en retard pour des problèmes d'avion. Yvon Mvogo n'est lui pas du tout venu en stage pour se concentrer sur Lorient, un cas très surprenant et qui a fait étonnamment très peu de vagues.
Murat Yakin, victime du mercato, a d'ailleurs dû changer ses plans mardi, décalant l'entraînement du matin à l'après-midi pour permettre à Manuel Akanji d'y participer. Prétendre que la jungle des transferts n'a pas perturbé le début de ce rassemblement serait ainsi un mensonge. Le problème est d'autant plus sérieux que l'équipe de Suisse a eu très peu de temps pour travailler ensemble, sachant que le premier match a lieu vendredi déjà... Murat Yakin n'a eu droit qu'à deux bonnes séances d'entraînement avant la séance de veille de match de jeudi, ce qui est bien peu.
Un voyage en Forêt Noire difficilement compréhensible
Est-ce une première mondiale? Pour préparer deux matches à domicile, Murat Yakin a choisi d'effectuer un stage... à l'étranger! L'équipe de Suisse a en effet pris le bus lundi après-midi en direction de Horben, en pleine Forêt Noire, pour s'y trouver au calme jusqu'à jeudi matin.
Des arbres partout, des sangliers, un peu de brume le matin: l'équipe de Suisse n'a pas été dérangée et tel était l'objectif du sélectionneur. Murat Yakin avait peur qu'en restant à Bâle, le défilé habituel ait lieu à l'hôtel de joueurs: agents, familles, amis, conseillers... Le but était de s'isoler complètement, à plus d'une heure de route de la Suisse.
L'intention était bonne, mais, dans les faits, les Suisses ne se sont entraînés que deux fois dans l'ancien stade du SC Freiburg et n'ont dormi que trois nuits à Horben. Le premier entraînement a en effet eu lieu à Bâle lundi, avant de devoir tout déménager et aménager en Allemagne. L'impression qui restera de ce stage se résume en une phrase: Tout ça pour ça?
La décision du coach soulève ainsi quelques questions au vu du caractère réduit de l'opération. Pour cinq jours, pourquoi pas, comme à La Manga en mars 2024 ou à Faro en mars 2025, mais pour trois nuits, qui plus est marquées par de nombreux aller-retours en raison du mercato et des situations particulières des joueurs, la préparation ne semble pas optimale.
Breel Embolo a dû se rendre au tribunal
C'est peu dire que Breel Embolo a connu lui aussi une semaine agitée, bien plus que ses équipiers. Lundi matin, celui qui était encore un joueur de l'AS Monaco devait prendre l'avion pour se rendre à Rennes, mais il n'est jamais monté dans le jet. Où était-il? Vraisemblablement en train de négocier ailleurs, mais pas au rassemblement de la Nati.
Lundi en fin d'après-midi, il a cependant dit oui à Rennes, où il a signé en visio juste avant la fin de la période des transferts, à 20h. Il a ensuite rejoint l'équipe de Suisse en Forêt Noire et a passé une journée de mardi «normale», contrairement à celle de mercredi, où il s'est rendu au tribunal de Bâle pour plaider sa cause dans une vieille histoire. S'il a reconnu avoir proféré des insultes lors de cette soirée, il a nié avoir menacé son interlocuteur. Le tribunal ne l'a pas suivi et l'a condamné, mais l'attaquant a annoncé son intention de faire appel.
Il est ensuite retourné en Forêt Noire, avant de revenir à Bâle avec l'équipe jeudi en fin de matinée. Pas vraiment la préparation idéale pour affronter le Kosovo vendredi...
Des cadres qui n'ont pas encore joué cette saison
Breel Embolo risque d'ailleurs de manquer de rythme vendredi, lui qui n'a pas encore joué cette saison. Même chose pour Manuel Akanji, d'ailleurs, mais le nouveau défenseur de l'Inter a dédramatisé la situation cette semaine. «C'est vrai, je n'ai pas joué de match officiel, mais j'ai effectué la préparation avec Manchester City. Et j'ai disputé la Coupe du monde des clubs cet été. Peut-être que ce sera un peu compliqué, mais je ne crois pas. Et ça m'est déjà arrivé une fois, je l'avais bien géré», a-t-il relativisé. Autre joueur sans rythme, Vincent Sierro, nouveau joueur d'Al-Shabab. D'autres sont par contre déjà bien dans leur saison, comme Granit Xhaka, Dan Ndoye ou Denis Zakaria.
L'urgence des qualifications
La Nati avait pu se permettre de patiner un peu (voire même beaucoup) sur la route de la qualification à l'Euro 2024. Après avoir brillamment commencé, l'équipe de Suisse s'était montrée incapable de battre successivement Israël, la Biélorussie, le Kosovo et la Roumanie. Cette fois, il sera interdit de ralentir la cadence, car la qualification se jouera sur six matches et trois rassemblements, en septembre, octobre et novembre, avec une seule possibilité de rattrapage, très casse-gueule qui plus est.
En clair, si la Suisse subit le moindre «trou d'air», elle ne s'envolera pas pour l'Amérique du Nord, ce qui rend ce rassemblement de septembre d'une importance folle. En ne prenant pas six points à domicile face au Kosovo et à la Slovénie, la Suisse serait déjà en grande difficulté.
Une équipe sans repères
L'équipe de Suisse s'avance dans ces qualifications avec une seule certitude: son voyage aux Etats-Unis en juin a été très bénéfique et s'est très bien déroulé. Heureusement, serait-on tenté de dire, car sinon, la Nati arriverait dans ces qualifications dans l'incertitude la plus totale. Les victoires convaincantes face au Mexique et aux Etats-Unis, dans un contexte qui plus est différent de ce à quoi elle est habituée (chaleur, adversaires, décalage horaire), ont montré que cette équipe avait du caractère, était bien vivante et qu'elle avait largement le niveau pour revenir sur le continent américain douze mois plus tard.
Mais le fait est que la Nati n'a disputé aucun match officiel en 2025 et que ceux qu'elle a disputé fin 2024 en Ligue des Nations ont été largement insuffisants. Cette équipe, aujourd'hui, a peu de repères, c'est indéniable, mais elle possède tout de même un certain vécu, qui peut la sauver et lui permettre d'être compétitive d'entrée. Yann Sommer, Fabian Schär et Xherdan Shaqiri ne sont plus là, mais la page est désormais tournée (même si Gregor Kobel n'est pas encore à 100% convaincant) et la nouvelle génération, incarnée par Dan Ndoye, s'affirme à chaque rassemblement un peu plus. Ardon Jashari, qui avait marqué des points aux Etats-Unis, devra quant à lui patienter un peu après sa grave blessure subie peu après son arrivée à Milan.
Le Kosovo, d'entrée
Le rendez-vous face au Kosovo est toujours particulier pour plusieurs cadres de l'équipe nationale suisse, qui n'ont pas toujours su bien le gérer sur le plan émotionnel, Granit Xhaka en premier lieu. Les trois derniers matches face à la jeune nation ont débouché sur trois matches nuls, qui n'ont au final eu aucune incidence, mais ont démontré que le Kosovo était bien plus qu'un simple adversaire pour la Nati.
L'actualité de la semaine l'a encore démontré avec le choix de Leon Avdullahu de tourner le dos à la Suisse pour représenter le Kosovo. L'ancien joueur du FC Bâle devrait d'ailleurs honorer sa première sélection vendredi à Saint-Jacques... Les liens d'amitié ou familiaux sont nombreux entre la Suisse et le Kosovo, ce qui rend ces matches toujours difficiles à appréhender. Le stade sera d'ailleurs plein à craquer vendredi, ce qui ne sera pas le cas du tout lundi face à la Slovénie. Combien de Kosovars seront-ils présents en tribunes? Plus de 10'000? Plus de 15'000?
En plus du contexte «fraternel», les Dardanet ont des joueurs de premier plan, comme Vedat Muriqi par exemple, mais ils arrivent surtout à faire déjouer la Nati, laquelle a livré deux très petites prestations face à eux dans le cadre des qualifications à l'Euro (2-2 à Pristina, 1-1 à Bâle).
«Je me rappelle très bien de ces deux matches, on avait été rejoints à chaque fois en fin de partie», s'est souvenu Manuel Akanji cette semaine. Cette fois, la Nati n'a pas le choix: elle doit gagner, sous peine de prendre déjà du retard sur la première place, alors que la Slovénie et la Suède s'affronteront dans le même temps.