À 20h24, tout semble encore sous contrôle au stade Fadil Vokrri de Pristina. Lorsque le nom de Granit Xhaka est annoncé au micro lors de la présentation des équipes, il est chaleureusement applaudi. À 34 ans, le capitaine de la Nati fait désormais partie du patrimoine culturel kosovar, au moins depuis la victoire de la Suisse contre la Serbie (3-2) au Mondial 2018.
Le voyageur qui atterrit à l'aéroport de Pristina découvre d’ailleurs immédiatement son image: Granit Xhaka, ailes d’aigle déployées, s’affichant sur une publicité géante pour une boisson énergisante. Son effigie est omniprésente dans la ville, même s'il joue pour la Suisse. Mais ce mardi soir, même ce statut ne le protège pas des sifflets. Après une dizaine de minutes, chaque ballon touché par Granit Xhaka déclenche des sifflets de la part du public, qui le hue.
Une interview à Blick comme déclencheur
En cause: des propos supposément maladroits au sujet de Leon Avdullahu et Albian Hajdari, tenus dans une interview accordée à Blick. Pourtant, Granit Xhaka s’était montré mesuré en évoquant le choix des deux jeunes joueurs de représenter le Kosovo plutôt que la Suisse.
Il avait qualifié Leon Avdullahu de «bon garçon», tout en posant une question pragmatique: «Auraient-ils réussi à devenir titulaires en équipe de Suisse dans trois ou quatre ans? Je me permets d’en douter, quand on voit les joueurs qui ne jouent pas chez nous, alors qu'ils ont déjà beaucoup d'expérience.»
Des propos anodins en apparence, mais qui ont suffi à attiser les sensibilités dans une relation suisse-kosovare où l’émotion n’est jamais loin.
Acclamé au moment de sortir
Heureusement, la tempête n'a pas duré. Dès le retour des vestiaires, le public se montre divisé. Une partie des supporters kosovars reprend en chœur son nom: «Xhaka, Xhaka!». Sur le terrain, lui reste imperturbable: il dirige, replace, dicte le rythme.
À 22h21, il quitte la pelouse, remplacé par Murat Yakin à la 75e, sous une véritable ovation de la tribune principale. Il applaudit à son tour.
Après la rencontre, devant les caméras de la télévision alémanique, le capitaine laisse percer son émotion: «Me faire huer, c’est la dernière chose à laquelle je m’attendais, surtout ici, chez moi. Ça fait mal, si je suis honnête. Mais je dois l’accepter. Je ne m’y attendais pas, mais cela fait partie du jeu. Tout va bien.» Quelques minutes plus tard, devant la presse, il tenait le même discours. «Je connais ce peuple. C'est un peuple très émotionnel. C'est ainsi.»