Il aura donc fallu trois ans, une chaîne YouTube nommée Legend et sans doute un soupçon de mauvaise conscience pour que Gérald Darmanin finisse par dire… pardon. Oui, pardon aux supporters de Liverpool, injustement accusés d’avoir mis le bronx autour du Stade de France en 2022. À l’époque, Gérald Darmanin était ministre de l’Intérieur. Aujourd’hui, il est ministre de la Justice. La justice, tiens, ça tombe bien.
Dans cette interview aux accents de confession publique, l’homme fort du gouvernement (du moins sur le papier) reconnaît avoir «péché par idées reçues». Traduction: il a vu des Anglais, il a vu des foules, il a entendu 'Liverpool', il a eu une vision d’apocalypse hooliganesque, et hop, verdict expéditif: coupables.
Un diagnostic complètement faux
«On voit sur les images de vidéo surveillance une foule rouge de supporters de Liverpool, agglutinés contre les grilles et des CRS qui les retiennent, se remémore-t-il du soir du match. On me dit qu'il y a un mouvement de foule. C'est Liverpool, un immense club, mais c'est aussi le hooliganisme anglais. Le ministre de l'Intérieur en France, son sujet, c'est le hooliganisme. L'analyse que nous faisons dans un premier temps, c'est «ils foutent le bordel». C'est ce que j'apprends au poste de sécurité, c'est ce que m'apprend le préfet de police qui m'a rejoint, c'est ce que montrent les images.»
Bref, Gérald Darmanin n’a pas vu des supporters venus assister à une finale de Ligue des champions, il a vu une reconstitution de Green Street Hooligans. Et comme les images semblaient confirmer ses clichés de 1994, il a foncé tête baissée, casquette de shérif vissée sur le crâne.
Mais ce n’est pas tout. Le désormais repenti poursuit: «On chope aussi des gars avec des faux billets parce qu'à l'époque, c'étaient des billets en papier», avant de désigner un autre coupable – encore plus commode encore que les Anglais : les «délinquants» qui « font des razzias et pillent des supporters». Et là, attention, chef-d’œuvre logistique: «Ce sont des CRS, des gendarmes mobiles avec des grosses bottes et des boucliers, ce n'est pas terrible pour courir. Pour lutter contre la délinquance, il faut des mecs de la BAC en baskets, on s'est trompé de dispositif, on s'attendait à une guerre de hooligans et on a eu des gens qui sont venus faire des rackets.»
Une symphonie d’erreurs qui se termine donc par ce grand classique: le «j’ai dit ce qu’on m’a dit».
«Je dis ce qu'on m'a dit»
«Lors de la première sortie publique, je dis ce qu'on m'a dit, 'Les Anglais foutent le bordel', regrette Gérald Darmanin. Ce n'était pas entièrement faux parce qu'il y avait eu des faux billets, des agressions côté policier mais ce n'était pas vrai au sens littéral du terme. La première cause de difficulté, c'étaient les délinquants qui attaquaient les gens qui allaient au Stade de France.»
Mais ne soyons pas trop durs, Gérald Darmanin termine son mea culpa avec panache: «Le coupable était facile et je m'en excuse auprès des supporters de Liverpool. Ils l'ont mal pris et ils ont eu raison.» Des excuses avec trois ans de retard, mais des excuses quand même...