Son départ était presque passé inaperçu. Le dernier jour du mercato, Dimitri Oberlin a fait ses valises pour quitter Servette. L’attaquant vaudois a été prêté au FC Thoune, en Challenge League. En difficulté à Genève, le joueur de 25 ans a retrouvé le sourire dans le paisible Oberland bernois.
Dimitri Oberlin a même inscrit un but superbe contre Aarau le week-end dernier (2-2). Ambitieux, l’avant-centre retrouve ses sensations et revient sur son transfert précipité. Le premier volet de son expérience servettienne lui laisse un goût amer.
Dimitri Oberlin, vous marquez un but incroyable contre Aarau. Ces sensations vous avaient manqué?
Oui vraiment. A Thoune, je revis. Je suis heureux de pouvoir démonter ce que je vaux. C’est une libération.
Votre intégration a été très rapide...
Oui, je me sens très bien. J’ai eu la chance d’arriver dans un club où pas mal de personnes me connaissaient déjà. On m’a tout de suite mis à l’aise, que ce soit dans le vestiaire ou pour me trouver un appartement par exemple. Tout cela a accéléré mon intégration.
Cet environnement plus calme de l’Oberland vous réussit bien?
Oui, c’est une chance d’être ici. Cette liberté de jouer sans penser aux conséquences, sans avoir peur de faire une erreur et de perdre ma place. J’ai retrouvé cette envie sur le terrain, de faire de bonnes choses.
C’est ce qui vous a poussé à choisir Thoune?
Pour tout footballeur, c’est très important d’être dans un environnement où on se sent aimé. Pour pouvoir ensuite avoir envie de donner en retour. J’ai eu la chance d’avoir déjà travaillé avec Mauro [Lustrinelli]. Son discours a changé la donne. Je n’arrivais pas dans l’inconnu. Ici, on ne m’a pas jugé après une ou deux performances. Dans la période que je traversais, c’était justement ce dont j’avais besoin.
Ce n’était pas le cas à Servette?
La saison dernière, je n’ai pas été une seule fois titulaire en Super League. A l’entraînement, je n’ai jamais triché et je voyais aussi le niveau qui était le mien. Je me posais pas mal de questions, ne comprenais pas pourquoi j’étais toujours sur le banc. Je ressentais une certaine pression. Dans le sens où même si je n’avais que deux minutes de jeu le week-end, je devais tout donner, faire mes preuves, marquer absolument. Comme si cela pouvait changer la donne.
Comment avez-vous vécu cette situation?
Cette période a été très difficile à vivre pour moi. J’entretiens de bonnes relations avec tout le monde, de l’entraîneur aux dirigeants, en passant par mes coéquipiers. Le plus dur, c’était de ne pas comprendre où était le hic. J’étais dans une bulle, sans réponse.
Vous avez aussi été beaucoup critiqué. Cela vous a-t-il blessé?
Les gens de l’extérieur parlent, jugent et arrivent à des conclusions sans connaître la réalité. Mais non, cela ne m’a pas touché. J’ai toujours cherché à prendre du recul. Je ne me suis jamais enflammé quand tout le monde m’encensait. Je n’ai pas voulu me laisser abattre par les critiques. C’était surtout pour mes proches que c’était plus compliqué. Ils ne sont pas préparés pour vivre ça.
En voulez-vous à Alain Geiger?
Non, parce que j’ai une bonne relation sur le plan humain avec lui. On s’entend très bien et on se respecte. Ma seule déception, ce n’est de ne pas savoir pourquoi je jouais si peu.
Comment voyez-vous l’avenir? Votre prêt à Thoune se termine en juin prochain, mais vous êtes encore sous contrat jusqu’en 2024 à Servette...
Je me concentre sur cette saison. Ce sont mes performances sur le terrain et le temps qui détermineront mon avenir.
Mais est-ce que la porte est fermée pour vous à Servette?
Non, parce que tout s’est fait si vite. Sur la fin du mercato, le club a recruté deux joueurs offensifs. On m’a dit que ce serait compliqué même d’être convoqué dans le groupe pour les prochains matches. J’ai dû trouver une solution pour continuer à jouer. Le but de Servette, c’est que j’accumule du temps de jeu et que je retente ma chance l’été prochain.
Dereck Kutesa et Enzo Crivelli ont signé à la fin août. Vous n’avez pas eu beaucoup de temps pour vous retourner...
J’ai eu trois jours environ. C’était un petit coup qu’il a fallu encaisser. On a eu tout l’été pour m’expliquer la situation. Mais j’ai découvert les plans du club à la fin du mercato. C’est la vie. Cela fait un moment que je suis dans le circuit footballistique et cela fait partie de notre monde. Je suis salarié et je dois agir comme tel.
A Thoune, le recrutement a été impressionnant. Est-ce que vous avez la meilleure équipe de Challenge League?
Oui, si on prend en compte notre talent et le potentiel du groupe. Nous avons beaucoup de travail devant nous. Nous devons faire preuve de plus d’envie, de rage aussi pour aller arracher certains buts et donc des points en plus.
Vous pouvez apporter cette mentalité?
Quand on a une équipe jeune, on a tendance à se contenter de ce qu’on a, à se montrer laxiste parfois. Je peux apporter mon vécu. Bon, après un mois, je ne vais pas entrer dans le vestiaire et engueuler tout le monde. La meilleure façon de le faire, c’est par l’exemple, surtout sur le terrain, démontrer mon envie de travailler et de tout faire pour l’équipe. Nous voulons fêter la promotion avec Thoune.
Avez-vous déjà eu le temps de découvrir la ville et la région?
C’est un environnement très beau, qui me permet de réfléchir, de penser. Je suis totalement focalisé sur ma saison avec Thoune. Je me lève avec la vue sur la montagne. C’est comme si je voyais tous les matins l’objectif du club: retrouver les sommets.
Votre réflexion touche aussi à votre carrière, votre vie ou le monde du football de manière plus générale?
Oui, c’est une réflexion sur mon parcours. Les clubs et les villes que j’ai pu connaître. J’ai fait le tour de la Suisse (rires).
Il vous inspire quoi votre parcours? Vos débuts à Bâle, avec ce fameux goal en Ligue des champions, ont été stratosphériques. Par la suite, vous avez connu plus de difficultés...
Ce parcours reflète les moments où j’ai été heureux et ceux où je n’étais pas aussi libre sur le terrain. Je suis surtout reconnaissant de toutes les personnes que j’ai croisées, dans les moments heureux comme ceux plus difficiles. J’ai appris et je prends ce bagage avec moi. Je suis convaincu que le meilleur est à venir, que mes plus belles années sont devant moi.