Son basket, une école de vie
Derrick Lang, père de la famille NBA en Suisse

L’ancien champion de basketball détient la licence exclusive pour faire rayonner la méthode américaine. A Lausanne, il entraîne ses jeunes joueurs, garçons et filles, comme aux Etats-Unis. Pour leur ouvrir les portes d’un rêve étoilé.
Publié: 28.06.2025 à 21:40 heures
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Derrick Lang entraîne ses jeunes sur le modèle américain.
Photo: VALENTIN FLAURAUD
Florence Duarte
L'Illustré

L’été est la saison de Derrick Lang. Né un 21 août, il y a bientôt 45 ans, en plein centre chaud et fermier des Etats-Unis, il savoure les soirées à rallonge. Panier, rebond, barbecue pour se détendre. Il a commencé à 9 ans, aujourd’hui il transmet sans compter. Son basketball? Une école de la vie, une formation au mérite, à l’endurance, à la chaleur humaine et à la générosité. Un avenir prometteur, c’est ce que cet ancien champion international de basketball, héros du sacre d’Union Neuchâtel en finale de la Coupe de Suisse 2013, offre aux jeunes de l’académie NBA dont il détient la licence exclusive pour la Suisse. «Un de ces matins, tu vas te lever en chantant. Ensuite, tu déploieras tes ailes et tu prendras le ciel...» chantait Nina Simone dans Summertime.

Ce lundi de Pentecôte, à Cointrin, l’un de ses meilleurs joueurs s’envole vers les Etats-Unis. Emir Sunj, 17 ans, embarque pour vivre son rêve américain. Emir part avec une bourse d’études d’un an dans une high school près de Seattle, au bord du lac Sammamish, sur la côte Ouest. Le sport-études à l’américaine, pied au plancher, balle au panier, tous les jours et en toutes saisons. Un rêve depuis ses 5 ans. Grâce à Derrick Lang, son coach depuis quatre ans, dont un an en cours privés, le gymnasien part se frotter à d’autres gabarits et se créer un avenir XXL.

Des coupures de presse américaine, mexicaine, allemande, brésilienne et suisse racontent son parcours de champion émérite, humainement très apprécié.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

Juin 2025, moisson de victoires pour Derrick Lang et le basketball suisse. Pour lui, trois trophées remportés par ses jeunes joueurs. La saison prochaine, ses U18 et U16 (U signifie under, donc moins de 18 et 16 ans) évolueront au plus haut niveau suisse en ligue nationale. Un parcours fulgurant qui récompense un club fondé il y a moins de deux ans. Pour le basket helvétique, une équipe nationale féminine participe enfin à l’Eurobasket (rien depuis 69 ans), un gamin de 2 m 13 natif de Fribourg pourrait devenir le quatrième Suisse en NBA (le jour où ce journal est publié), enfin, pour la première fois dans notre pays, les Championnats du monde U19 sont organisés à la Vaudoise Arena du 28 juin au 6 juillet.

En Suisse, l’engouement pour le basket a explosé juste après la pandémie de covid: +18% de licenciés en 2021-2022. Rien vu de tel depuis les années 2000, afflux massif boosté par l’arrivée en NBA du Français Tony Parker et du premier Suisse, Thabo Sefolosha (2004).

Derrick lang, grandi en Oklahoma, rêvait de devenir entraîneur. Aujourd'hui, son nom est devenu un club, un logo, une marque de fabrique. Ici, à Lausanne, dans sa salle.
Photo: VALENTIN FLAURAUD

En anglais uniquement

Le rêve est réel mais, pour qu’il devienne réalité, il faut tout donner. Avec la méthode des plus grands, il est donc entre les mains de Derrick Lang, naturalisé Suisse, qui a définitivement posé ses bagages de globe-trotteur à Froideville (VD), auprès de son épouse Olivia et de leurs quatre fils. Celui qui a joué en professionnel depuis l’âge de 22 ans au Mexique, en Allemagne, au Brésil, à Sion-Hérens et à Neuchâtel notamment s’est donné pour «mission d’ouvrir les portes», d’offrir passerelles et tremplin vers l’international à tous les jeunes qui font appel à l’académie NBA qu’il dirige. Ce, sans distinction ni préférence. Les garçons émérites U15, U16, U17 peuvent participer à un championnat européen durant l’année scolaire, sur des week-ends. Les filles devraient bientôt y accéder aussi. Emir Sunj a été repéré lors d’un tel tournoi au Portugal. Il n’est pas le seul à avoir bénéficié d’un repérage et à continuer sa formation d’élite à l’étranger.

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«Une expérience de jeu hors de Suisse et une discipline scolaire appréciée des parents»
Derrick Lang
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Derrick Lang, élevé dans un milieu très modeste, rêvait de devenir entraîneur. A l’automne 2023, il obtient la licence exclusive pour créer la première école NBA à Lausanne. A l’époque, c’est la cinquième en Europe, la quinzième au monde. En plus de l’école de basket où les cinq entraînements par semaine sont obligatoires, en anglais uniquement, assurés par Derrick lui-même ou des entraîneurs de niveau international, des camps NBA sont organisés durant les vacances scolaires, ouverts à tous, garçons et filles. De plus, chaque été, il embarque les volontaires pour un stage intensif de plusieurs semaines dans l’Ohio. Le reste de l’année, des masterclass NBA sont organisées à travers le monde. «Pour moi, confie Derrick Lang, c’est une consécration dans mon parcours, ce pourquoi j’ai toujours aimé le basketball, les liens qu’il crée, les possibilités qu’il offre et le rêve bien sûr, un moteur d’accomplissement et de dépassement puissant. A 16 ans, je n’ai pas pu participer à un tournoi en Europe pour lequel j’avais été sélectionné pour représenter les États-Unis. Mes parents n’avaient pas les 4000 dollars exigés; ma mère m’a proposé de vendre une de nos vaches. Je lui ai dit: «Je n’irai pas cette fois, mais un jour j’irai.» C’est pour cela que dès 2015, lorsqu’il ouvre sa propre structure sportive, Derrick développe l’offre de camps pour les jeunes joueurs suisses. «Nous avons eu le privilège d’accueillir la superstar Jimmy Butler, venu s’entraîner dans nos installations privées en présence de l’entraîneur NBA Chris Brickley.» La pépite de chocolat sur le donut se mérite: l’essentiel, c’est jouer, jouer, «prouver et prouver». Et devenir un être humain accompli.

Chaleur familiale

Car l’argent n’est pas le moteur de l’affaire, même si l’écolage est plus cher qu’ailleurs et fait persifler du côté de certains clubs plus traditionnels. Michel Berthet, 71 ans, président de l’Association vaudoise de basketball et directeur technique national: «Derrick fait un super boulot. Ce n’est pas plus mal si, avec ses méthodes à l’américaine, il dérange un peu ceux qui roupillent...» Derrick Deshawn Lang, lui, n’a jamais fait la sieste. Astreint à tous les travaux imaginables sur le terrain agricole de sa famille, à Boynton, 500 âmes, en Oklahoma, le gamin avait le droit de tirer au panier (fabriqué avec une roue de vélo clouée à un arbre) quand il avait tout fini. L’été, c’était donc mieux: on pouvait jouer plus tard le soir! Il préférait le baseball mais a repris le flambeau de ses trois cousins, disparus tragiquement en l’espace de deux ans. «Wayne, Derell et Toni étaient tous meilleurs que moi. A leur mort, j’ai commencé à dédier ma vie au basket. Boynton jouait contre les meilleures équipes. On avait une excellente réputation.» Son père, charpentier, a découpé et collé toutes les coupures de presse locale dans des albums.

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«Il m’a toujours dit qu’il m’ouvrirait des portes»
Emir Sunj
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Lorsque des gamins ont besoin d’être hébergés durant un camp, ils peuvent compter sur la famille Lang pour les accueillir. Anaïs Balla Zambo, 19 ans, a bénéficié de cette chaleur familiale, des petits plats mexicains et de l’expertise NBA de Derrick. Sélectionnée plusieurs fois en équipe nationale suisse, fraîchement diplômée d’une high school à Richmond, en Virginie, elle vit son rêve mais revient bosser avec son coach préféré avant toute échéance importante. «Derrick a été admirable, il a tenu ses promesses envers moi, témoigne la basketteuse, également soutenue depuis quatre ans par la fondation de Roger Federer. Il a ramené de l’espoir au niveau du basket suisse par son influence au plus haut niveau.»

Toute l’année, certains viennent de loin, en transports publics, aux entraînements du soir ou en coaching privé. Zurich, Winterthour, Fribourg, le Valais, Evian, l’Italie! Seul le mérite décidera de l’avenir. «Tu dois être talentueux, doué pour pouvoir être choisi par le coach et jouer un match, tu dois le mériter. Continuer à te battre, être patient, contrôler tes émotions, travailler et être un bon coéquipier, c’est fondamental. Partager ton intelligence et ton énergie avec l’équipe. Sinon, tu restes sur le banc. Quoi qu’en pensent tes parents.»

A la maison, à Froideville (VD), aux côtés d'Olivia et de leurs quatres fils, Jordan (11 ans), Jayden (14 ans), basketteur comme papa, Jaheim (8 ans) et Joaquim (4 ans).
Photo: VALENTIN FLAURAUD

Pour soutenir les efforts de ses joueurs, qui doivent mener de front des études gymnasiales ou académiques et s’astreindre à des entraînements tard le soir, parfois loin de leur domicile faute d’infrastructures suffisantes, Derrick Lang a développé un projet novateur et ambitieux (cours en ligne en partenariat avec le Swiss Online Gymnasium, agrandissement de ses infrastructures...) et a lancé une campagne de sponsoring participatif. Il croit en sa bonne étoile. A l’émergence d’un intérêt plus poussé pour le basketball comme vertu éducative. Au jeu collectif.

Un article de «L'illustré» n°26

Cet article a été publié initialement dans le n°26 de «L'illustré», paru en kiosque le 26 juin 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°26 de «L'illustré», paru en kiosque le 26 juin 2025.

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