Ça fait quoi de faire gagner de l’argent à des inconnus rencontrés par hasard pour «Cash»?
Yoann Provenzano: C’est rigolo parce qu’il y a deux joies. La première, c’est de jouer à un jeu et de passer à la télé. La seconde, c’est de gagner mille francs. C’est quand même stylé de gagner une telle somme alors que tu te balades simplement dans la rue.
Et vous alors, vous feriez quoi si vous les gagniez ces mille francs?
Je les mettrais de côté pour partir en vacances.
Pourquoi? Animer «Cash», ça ne rapporte rien?
C’est une bonne question! Personnellement, je fais ça avant tout pour le plaisir. Être humoriste ce n’est pas le genre de métier que tu fais pour gagner de l’argent. Et «Cash» non plus, je crois… Ça paie en expérience et en exposition, mais ça reste une petite somme. J’ai deux tournages par mois. Donc ce n’est pas un salaire qui va me permettre de gagner ma vie décemment.
En plus d’être animateur, vous êtes donc aussi humoriste. Ce n’est pas un peu facile d’être payé juste pour faire des blagues?
(Rires) De tous les métiers que j’ai faits, je pense que c’est le plus difficile. En tant qu'humoriste, tu te mets à nu face à des inconnus, que ce soit dans une salle de spectacle ou sur Internet. Essayer de provoquer le rire est un exercice compliqué et le faire pour des personnes que tu ne connais pas, c’est encore plus dur. Il faut que cela parle à plein de gens en même temps, il faut que le mécanisme du rire soit le même pour tout le monde. Donc c’est un vrai challenge! Ce n’est pas si facile que cela. Et puis, c’est clairement un rêve de gosse de faire des blagues et de pouvoir payer mon loyer avec (rires).
Vous gagnez combien par année?
Oulala, c’est une bonne question! Cela varie. Je pense que si je suis dans une bonne année, je peux gagner le salaire d'un prof, ce qui tombe bien puisque c'est ce que je voulais être à la base. Et il y a des années où je peux gagner mon salaire d'étudiant. De toute façon, ma carrière d’humoriste est extrêmement récente. cela ne fait que quatre ans que je suis parti de chez mes parents. Donc je n’arrive pas vraiment à évaluer. Là, avec le Covid, je n’ai pas gagné des masses de thunes…
Et quand vous gagnez des masses de thunes, alors?
Je ne sais pas, il y a une fiduciaire qui s’occupe de ça. Mais je dirais 65’000, 75’000 environ...
A combien s’élève le solde de votre compte en banque à l’heure où on se parle?
(Rires) Il s’élève à assez pour ne pas m’en soucier quotidiennement.
A votre avis, à partir de combien est-on riche?
Je pense que cela dépend de combien tu dépenses par mois… Mais je dirais que quelqu’un de riche gagne 200’000 balles par années. C’est riche, ça?
J’imagine, oui…
200’000 balles divisé par 13… Attends je vais regarder! (Il sort son smartphone). On va faire des petits calculs (rires): 200’000 divisé par 13, tu gagnes 15’000 balles par mois. Pour moi franchement, t’es quelqu’un de riche. Perso, je n’ai jamais gagné 15’000 balles par mois de ma vie.
Le rêve bourgeois: villa de luxe avec piscine, ça vous parle?
Non, je ne crois pas. Je pense que mon rapport à l’argent est simple: il faut que j’en aie assez pour ne pas que ce soit un problème. Je peux être hyper content si je gagne 4’500 balles par mois, que mon loyer est à 800, mes charges à 300 et puis qu’à la fin je peux profiter de certaines choses sans être toujours «ric-rac». Je pense qu’il y a des personnes qui ont des problèmes parce qu’elles ont trop d’argent et d’autres parce qu’elles n’en ont pas assez. A mon avis, si tu te situes au milieu, c’est plus sain. Autant pour ton esprit que pour ta vie en termes de loisirs. Parce que l’argent, c’est tout de même une clé qui ouvre beaucoup de portes. Et si tu peux forcer un peu la serrure parfois, c'est plutôt pas mal...
Vous êtes plutôt cigale ou fourmi?
Euh je n’ai plus trop la fable en tête… c’est bien la cigale qui toque à la porte?!
Oui, c’est bien la cigale qui toque à la porte de la fourmi. Car contrairement à elle, la fourmi a fait des économies en prévision de l’hiver.
Oui alors je suis clairement la cigale!
Donc vous profitez de la vie et vous dépensez à fond?
Bon, je ne flambe pas non plus toutes mes économies. J’ai d’ailleurs un compte épargne dans lequel je ne puise que pour les impôts. Je suis quand même assez prudent. Je ne vais pas m’acheter une bagnole tous les mois. Mais si je vois une jolie veste, je peux peut-être aller l’acheter. C’est un peu du jonglage de classe moyenne, tu vois? Parfois, je craque un peu et j'achète des choses dont je pourrais me passer.
Votre plus grosse dépense?
Je pense que c’est un smartphone… Ah non! Des vacances! Je suis parti au Vietnam avec ma copine en 2016. C’était mon premier gros voyage et je pense que j’ai dépensé 2’000 ou 2’300 balles en tout. Mais c’est de l’argent que j’avais gagné pour ce voyage-là! En fait, mes grosses dépenses sont le fruit d’un travail qui a été mené exprès pour l’achat d’une chose bien précise. Il ne s’agit pas de grosses dépenses spontanées.
Seriez-vous prêt à payer pour l’amour?
Non! Ça ne sert à rien. C’est comme faire boire un philtre d’amour à quelqu’un. Au bout d’un moment, tu te rends compte qu’il y a une supercherie. Perso, cela fait plus de huit ans que je suis en couple, donc je pense que je ne sais plus du tout draguer. Mais je trouve que toute la démarche autour de la séduction est mille fois plus importante que de sortir sa carte et dire: «Okay, je veux cette nana-là!» Après, c’est un métier et tant mieux si certains s’épanouissent dedans. Autant les clients que celles qui proposent ce genre de prestations. Mais moi, je ne suis pas de ce bord-là, non.
Quel est le cadeau le plus cher que vous ayez offert à quelqu’un?
Euuuhh… je ne sais plus. J’avoue que je ne saurais pas trop te dire. Je suis assez généreux, mais pour moi, la valeur du cadeau n’est pas proportionnelle à l’amour que je porte à la personne. Ce n’est pas parce que j’aime beaucoup ma copine, par exemple, que je vais forcément lui acheter un bracelet à 700 balles. Je peux très bien lui offrir une montre à 80 balles. Mais cette montre à 80 balles, justement, ce n’est pas de la radinerie. L’objet aura une signification, un truc comme ça, tu vois? Donc en termes d’argent pur, je ne saurais pas te dire quel est mon cadeau le plus cher.
Etant un fan de la Juventus et surtout collectionneur de maillots de foot, combien seriez-vous prêt à mettre pour un maillot collector de la Juve?
Je serais prêt à mettre 350 balles pour le 21 Zidane!
Pas plus?
Pas plus, non, parce que c’est trop cher pour un maillot de foot. Je collectionne les maillots, mais je trouve qu’il y a un côté irrationnel chez les collectionneurs qui seraient prêts à mettre beaucoup d’argent dans un truc. Moi, j’ai encore cette retenue. Je me dis que plus de 400 balles pour un maillot, c’est un poil beaucoup. Je pense que le maillot le plus cher que je possède, c’est un maillot de Tottenham floqué Teddy Sheringham des années 1990. Il m’a coûté 180 pounds, donc 240 balles environ.
Le pire moment d’avarice auquel vous avez assisté?
J’ai un pote qui m’a demandé 80 balles pour un repas qu’il a fait chez lui… En fait, il voudrait se lancer dans la gastronomie en mode traiteur à domicile. Il m’a invité chez lui avec des amis pour tester un de ses menus. On était ses cobayes, si on veut bien. A la fin, il nous a demandé 80 francs. J’avoue que ça m’a fait un peu mal au cul parce qu’on est ses potes et que moi, je ne demanderais jamais 80 balles à mes amis pour leur faire à manger. Après, il se donne à fond et il met beaucoup de son temps… Ce n’était pas un moment d’avarice, mais j’étais surpris par la démarche.
Au resto, vous êtes plutôt «chacun paie sa part», «on divise le tout» ou «laissez c’est pour moi»?
Avec ma copine, on se met toujours d’accord. Si je veux inviter je paie et vice versa. Après, entre potes, je suis plus pour diviser. C’est plus simple que de la jouer: «Toi t’as pris la portion de frites moyenne ou grande? Parce qu’il y a 30 centimes de différence!» Non, non. Si on est quatre, on divise par quatre.
Pendant vos études, vous dépendiez entièrement de vos parents ou vous travailliez à côté?
J’ai longtemps dépendu de la thune de mes parents. Après, j’ai commencé à bosser. Pour payer mes vacances, par exemple, j’ai fait déménageur pendant un mois à Vevey. Comme je te disais avant justement: je travaille pour me payer un truc précis. Après, à l’université, j’ai assez rapidement pu me payer mes repas avec l’argent que je gagnais grâce à mes blagues.
Vous venez d'une famille qui a de l’argent?
Je ne viens pas d’un milieu précaire. Le restaurant de mon papa a toujours assez bien fonctionné, donc on n’a jamais été vraiment dans la merde, mais jamais dans l’opulence non plus. On était toujours dans cet espèce d’équilibre un peu fragile où ça va bien, mais si tu passes trop de temps au téléphone, ça risque d’être un peu chiant le mois prochain. On devait éteindre les lumières parce qu’on n’était pas chez les Rothschild. On faisait des économies, mais ce n’était pas parce qu’on était dans la merde. C’était vraiment pour pouvoir en profiter plus tard pour partir en vacances ou faire une sortie.
Quelle place avait l’argent dans votre éducation?
L’argent était une sorte de trigger warning du genre: «Et oh là on va se calmer un petit peu! Ce mois il y a un peu moins de clients qui sont venus au resto donc on va éviter les sorties shopping». En fait, mon rapport à l’argent dans mon éducation était calé sur le rythme du restaurant. Mais on en parlait inévitablement, parce que quand t’as des enfants de 15, 13 et 5 ans, il s'agit quand même de dépenses qui sont assez différentes pour les trois. Donc oui, on en discutait, mais le sujet ne revenait pas tous les jours sur la table.
Sur un post Insta vous dites: «La famille, c’est un billet de 50.- glissé discrètement dans la main avec un petit clin d’œil. La famille, le dimanche ça casse les couilles, quand t’as besoin d’argent, ça va.» Explications?
(Rires) Oui! J’ai toujours cette image de mon grand-papa qui était tout content de venir nous voir le dimanche de Pâques et qui me disait: «Viens Yoann!». Il me glissait un billet de 50 dans la main et me disait: «Tu ne diras pas à ton papa». Parce qu’avant mes 16 ans ou 15 ans, les enveloppes que je recevais, c’était papa qui les gérait. Il me donnait un peu de sous de temps en temps. Et puis, quand je suis parti de la maison, je me suis juré un truc: dès le moment où je quitterai le cocon familial, je ne demanderai plus de thunes à mes parents. J’y arrive pour l’instant…
Vous avez déjà volé, de l’argent?
Quand j’étais petit, ouais… je ne suis pas du tout fier de ça, mais je volais des pièces de cinq francs dans la poche de l’un des manteaux de mes parents pour me payer des cartes Dragon Ball au kiosque. Et je me suis fait gauler.
Un milliardaire est-il forcément heureux?
Non, je ne pense pas. Pour moi les gens très riches ne sont pas des gens heureux. Parce qu’ils sont trop occupés, parce qu’ils travaillent tout le temps, parce qu’ils ont des impôts à payer, parce qu’ils doivent cacher de la thune etc... Pour moi, l’image d’une personne riche, c’est l’image d’un mec rabougri, pas content, qui est dans un jet privé, mais tout seul.