Franchement, qui aurait parié 50 centimes sur un tel succès? Pas grand monde. Pas même moi. Et pourtant, cet Euro féminin en Suisse a dépassé toutes les attentes. L’engouement, la qualité de jeu, l’ambiance dans les stades… tout était là. Et bien plus encore.
Je suis le foot féminin depuis longtemps, y compris de l'intérieur. Mais là, on a franchi une étape. Une vraie. Sur le terrain déjà: l’intensité physique, la justesse technique, les choix tactiques. Rien à envier aux grandes compétitions masculines. La finale en est la preuve: un match ouvert, plein d’actions, où les deux équipes avaient toutes leurs chances. Pas de round d’observation, pas de calculs. Juste du foot. Du beau, du grand.
Et puis surtout, ça s’est passé chez nous. En Suisse. Ça aussi, c’est fou.
Des doutes au décollage
Avant que le tournoi commence, on avait des doutes. Est-ce que les stades seraient prêts? Est-ce que le public suivrait ? Est-ce que tout allait être à la hauteur? L’organisation, les billets, la logistique… Rien n’était garanti. Et puis, BOUM. Tout a explosé. Les records de fréquentation, les ambiances, l’impact médiatique. On a senti un vrai tournant.
Ce qui m’a particulièrement marquée, c’est ce nouveau public. Des familles, des enfants, beaucoup d’hommes aussi. Des gens qui venaient pour le foot, mais aussi pour le moment, pour l’expérience. Pas de tension, pas de peur. Juste du plaisir. C’est ça, le sport qu’on aime.
Et autour des matchs aussi, ça vibrait. Les fan zones, les animations, les rencontres. À Berne, j’ai passé plusieurs journées à traîner autour du stade, et chaque fois c’était la même chose: des sourires, des discussions, de la curiosité. Cet Euro a réussi à fédérer bien au-delà des amateurs de ballon rond.
Une claque émotionnelle
Mais le plus fort, le plus bouleversant, c’est ce que la Nati nous a fait vivre. Cette équipe de Suisse, ce qu’elle a dégagé, ce qu’elle a provoqué… Moi, je suis encore émue rien que d’en parler. À Genève, j’étais dans les tribunes au moment du but. Un monsieur à côté de moi — un papy adorable — m’a regardée, je l’ai regardé, on s’est pris dans les bras. Sans se connaître. On avait les larmes aux yeux.
C’était ça, l’effet Nati. De la fierté. De l’unité. De la gratitude aussi. Parce que toutes ces émotions-là, on les doit aux joueuses, aux staffs, à toutes celles et ceux qui ont bossé dans l’ombre depuis des années. À celles qui ont ouvert la voie, avant que les projecteurs ne s’allument. Et là, enfin, c’est toute une nation qui a vibré avec elles. C’était puissant. Et c’était mérité.
Des moments inoubliables
J’ai vu une quinzaine de matchs. Je ne pourrais même pas tous les lister. Mais il y en a qui restent gravés. Le France-Angleterre, dès le début. Après 30 minutes, j’écrivais à mes parents: «Si la France joue comme ça jusqu’au bout, elle gagne l’Euro.» Tellement d’intensité. Elles ont baissé de pied par la suite, ce qui prouve bien que rien n'est facile. Et puis la Pologne contre la Suède, où j’étais dans le secteur polonais, avec les familles de joueuses pour soutenir mon ancienne coéquipière Natalia Padilla. Les chants, les drapeaux. Elles ont perdu 2-0, mais personne ne lâchait. C’était beau, c’était pur.
Ou encore l’Italie qui mène contre l’Espagne à Berne, et le stade qui pousse, comme dans les plus grands matchs de Serie A. Tu regardes ça et tu te dis: le foot féminin est en train de s’installer. Vraiment.
Et puis évidemment, des joueuses qui m’ont scotchée. Alexia Putellas, d’abord, brillante en phase de groupes. Elle ne court pas à 30 km/h, non. Elle est juste toujours là, au bon endroit, au bon moment. Et Aitana Bonmatí ensuite, en phase finale. Une extraterrestre. Sa vista, ses buts, ses passes. Elle peut te faire basculer un match sur une inspiration.
Géraldine Reuteler, côté suisse, n’a pas été en reste. À chaque ballon, elle était dangereuse. Magistrale.
L'Angleterre, ce mental-là
Et puis l’Angleterre. Au début, je les ai trouvées en galère. Des blessées, un milieu de terrain fébrile, des doutes derrière. Et pourtant, elles ont avancé. Parfois portées par la réussite, oui. Mais surtout par une rage incroyable.
Quatre minutes menées au score sur toute la phase finale… et au bout, le trophée. Ce n’est pas une stat, c’est un symbole. Celui de l’envie, de la foi en soi. Elles ont appris à souffrir. Et c’est ça, le propre des championnes.
Ce que cet Euro a changé
Au fond, cet Euro va au-delà des résultats. Il a fait grandir le foot féminin dans le regard des gens. Il a gagné en respect. En notoriété. En légitimité. C’est de ça que je veux me souvenir.
Pas juste d’un but ou d’un trophée. Mais de ces moments partagés. De ces émotions universelles. De ce «nous» qui s’est créé pendant quelques semaines, partout en Suisse.
Et franchement? C’était trop cool.
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Merci à toutes et tous de m'avoir accompagné dans cet Euro, mes chroniques se terminent aujourd'hui et j'espère que vous avez eu autant de plaisir à les lire que moi à les rédiger. Et à très vite je l'espère!
Ancienne internationale suisse, Thaïs Hurni est intervenue tout au long de la compétition pour Blick