La chronique de Léonore Porchet
«Je me suis sentie comme une merde»

Dans sa chronique, la conseillère nationale des Vert-e-s Léonore Porchet revient sur le rapport biennal 2024 de l’association contre le harcèlement sexuel EyesUp. Les témoignages recueillis montrent que ces violences sont d’abord une volonté de domination masculiniste.
Publié: 26.11.2024 à 12:37 heures
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Dernière mise à jour: 26.11.2024 à 14:13 heures
Les témoignages déposés via l’application illustrent l’impact psychologique des violences sexistes. (Image d'illustration)
Photo: Shutterstock
Léonore Porchet, conseillère nationale verte

EyesUp est à ce jour la seule organisation (une association bénévole) qui se charge de réunir des données sur le harcèlement sexuel au niveau romand. J’ai l’honneur d’en être la cofondatrice et la présidente. Elle propose aux cibles et aux témoins de harcèlement sexuel une application pour signaler les cas plutôt que de baisser les yeux. En se penchant sur ses données, qu’elle analyse dans un rapport à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, il faut garder en tête que ces données ne représentent qu’une toute petite fraction des actes de harcèlement sexuel subis quotidiennement en Suisse.

Des violences, souvent graves, faites aux femmes par les hommes

979 téléchargements de l’application ont été enregistrés entre le 13 juin 2022 et le 12 juin 2024 alors que 300 signalements ont été déposés. Les cibles de harcèlement sexuel sont des femmes plus de 9 fois sur 10 et 75% des signalements réalisés par des témoins le sont aussi par des femmes. En face, la très grande majorité des auteurs sont des hommes (95%). Qui sont-ils? Les féministes le disent depuis des années, les données le prouvent et cela a encore été mis en lumière par le procès des viols de Mazan: loin des figures monstrueuses ou des profils déconnectés de la société, les âges et profils variés des auteurs de violences sexistes et sexuelles incarnent la «masculinité ordinaire».

Parmi les signalements, en plus des regards objectivants, les insultes, les commentaires sexuels, le fait d’avoir été suivie, les agressions sexuelles, les menaces, l’exhibitionnisme et les menaces de viol sont des faits courants. Précisons aussi que près de la moitié des actes de harcèlement sont le fait d’hommes en petit groupe de 2 à 3 personnes, harcelant ainsi les femmes pour se faire mousser auprès de leurs copains. Ces actes, qu’ils soient perçus comme mineurs ou graves, ont tous des conséquences similaires: humiliation, renvoi au statut d’objet et sentiment d’illégitimité à occuper l’espace public.

De la peur oui, mais surtout beaucoup de colère

«Je me suis sentie comme une merde incapable de réagir à leurs propos.» Ce témoignage déposé via l’application illustre l’impact psychologique des violences sexistes. Selon les données de l’application, la peur arrive après le sentiment d’impuissance, le dégoût et surtout la colère face à l’humiliation, au mépris et à la sidération créée par l’agression. Depuis la création d’EyesUp, ces récits poignants confirment l’importance de permettre aux victimes de s’exprimer. Chaque signalement est un acte de résistance, un moyen de reprendre le pouvoir face à une violence qui veut déshumaniser les femmes et les membres de la communauté LGBTIQ+.

Violences contre les femmes: besoin d'aide?

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

Certaines femmes sont encore plus vulnérables face à ces violences, notamment en raison d’autres discriminations qu’elles subissent. Le rapport s’appuie également sur le travail des Foulards Violets et met ainsi en lumière les violences croisées sexistes et islamophobes. À l’aube de l’entrée en vigueur de l’interdiction de se dissimuler le visage en janvier 2025, les femmes musulmanes, déjà marginalisées, risquent d’être encore plus stigmatisées et exposées. Les inégalités structurelles se nourrissent d’un mépris étatique qui doit être corrigé.

Des signaux inquiétants à l’échelle mondiale

Alors que la Suisse débat encore des «viols courts», le reste du monde envoie des signaux tout aussi préoccupants. L’élection d’un agresseur sexuel (orange) à la tête d’une superpuissance mondiale et la montée en puissance des mouvements masculinistes en occident témoignent d’un retour en force d’une rhétorique patriarcale menaçant les droits des femmes. Ces discours, revendiquant des slogans tels que «ton corps, mon choix» cherchent à renforcer le contrôle masculin sur les femmes, leurs corps et leurs libertés. Ce qu’on décrit souvent comme un retour de bâton face aux avancées féministes a des conséquences dramatiques, non seulement pour les cibles directes, mais aussi pour l’ensemble de la société, parce qu’il a pour but de maintenir les femmes dans une position de subordination systémique.

Face à cette réalité, les mesures nécessaires pour de véritables avancées sont connues: éducation à l’égalité dès le plus jeune âge, investissements massifs pour lutter contre les violences sexistes et politiques favorisant l’égalité réelle, qu’il s’agisse de l'égalité des salaires ou de congés parentaux. La voie est claire: justice sociale, mobilisation collective et transformations structurelles. 

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