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La chronique de Céline Amaudruz
La Suisse est trop passive face aux violences contre les femmes

À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, la conseillère nationale UDC Céline Amaudruz discute de l'état des violences de genre en Suisse. Pour la députée genevoise, le système de protection suisse est trop passif.
Publié: 07.03.2025 à 17:29 heures
Céline Amaudruz, conseillère nationale UDC

La journée internationale des droits des femmes remonte aux luttes socialistes menées au début du XXe siècle en vue d’obtenir le droit de vote. Plusieurs événements sont susceptibles d’expliquer pourquoi le 8 mars a été retenu, peut-être est-ce dû aux manifestations organisées à Berlin à cette date en 1914 dans un but d’émancipation politique. Toujours est-il qu’aujourd’hui, c’est l’occasion de faire le point sur les avancées obtenues au fil du temps, mais aussi de voir ce qui reste à faire. Parmi les chantiers en cours, il me semble que la question des violences de genre devrait être en pole position.

Dans notre pays, au cours des deux premiers mois de l’année 2025, huit femmes déjà ont perdu la vie dans un contexte qui correspond à la définition qu’on peut retenir du féminicide, à savoir un homicide volontaire dont le mobile est lié au sexe de la victime. Cette macabre comptabilité affole d’autant plus que sur l’ensemble de l’an passé, dix-neuf cas ont été recensés, ce qui tend à mettre en évidence un phénomène en forte augmentation. Cette dérive devrait appeler des mesures énergiques, mais la procrastination semble être de mise dans ce domaine.

Une question qui peine à avancer

En novembre 2009 déjà, la question de l’usage du bracelet électronique afin de protéger les victimes de violences de genre était posée au Parlement. L’usage de ces moyens de surveillance ayant montré d’excellents résultats en Espagne notamment, le projet visait à introduire la chose en Suisse. On aurait pu imaginer que les choses ne traîneraient pas vu l’importance du sujet et des conséquences dramatiques que l’immobilisme entrainait pour les victimes.

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Les résultats espagnols étaient clairs, le bracelet électronique, la surveillance active des agresseurs sauvaient des vies
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Hélas, le rythme sous la coupole obéit à des impératifs que rien ne saurait accélérer. Les résultats espagnols étaient clairs, le bracelet électronique, la surveillance active des agresseurs sauvaient des vies. Mais ce qui fonctionne là-bas est-il réellement utilisable sous nos latitudes. On a lancé des études qui ont pris des années. Ensuite, le résultat des études a été étudié tandis que le décompte des victimes continuait à tourner. Finalement, il est apparu que la Suisse pouvait reprendre le bracelet électronique dans sa législation, mais dans sa version passive.

La passivité plutôt que l'activité

Car on peut se servir du dispositif de deux façons. Commençons par celle qui a été retenue chez nous. Un agresseur est placé sous surveillance électronique, il ne doit pas s’approcher de la victime. Mais ses allées et venues ne sont pas suivies en temps réel. Les données ne sont utiles qu’après coup, en clair lorsqu’il est trop tard, pour servir d’éléments de preuve en cours d’enquête.

Dans le cas inverse, lorsque la surveillance est active, le porteur du bracelet est suivi en permanence, ce qui permet d’avertir la victime avant qu’elle ne soit agressée. Mais c’est trop intrusif, il faut aussi penser au confort de l’auteur, sa vie privée doit primer sur la sécurité.

Le modèle espagnol est pourtant prometteur

Interpellé sur la question en 2019, le Conseil fédéral relevait que «le modèle espagnol rencontre certaines limites. Toutefois, aucun décès n'est à signaler. 95% des personnes à protéger ont indiqué se sentir plus en sécurité et mieux protégées», relevant avec raison que «le principal inconvénient de la surveillance électronique passive réside dans le fait qu'elle ne permet pas une intervention immédiate du service compétent».

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Lorsque la peine d’un violeur est réduite pour cause de brièveté de l’acte, on se dit qu’il reste beaucoup à faire
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A contrario, ce même Conseil fédéral admettait que «les résultats en matière de surveillance active avec un système GPS sont positifs. Il ressort d'une étude que les personnes surveillées n'ont presque jamais tenté de contacter la personne à protéger et qu'elles respectent mieux leurs obligations. Le modèle espagnol montre également des effets prometteurs». 

Dans ces conditions, pourquoi attendre?

Mais rien n’a été fait. On sait qu’on arrive trop tard avec la surveillance passive, mais cela ne constitue pas une raison suffisante pour passer en mode actif! Début mars 2022, face à la passivité ambiante, je déposais une initiative parlementaire réclamant l’introduction dans la législation fédérale du principe d'une surveillance active électronique systématique dans le cadre des violences faites aux femmes. Cela fait trois ans déjà, le dossier suit son cours tandis que des femmes meurent.

Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Les revendications sont nombreuses, souvent légitimes au vu des discriminations qui demeurent malgré certaines avancées significatives. Je ne serai pas dans la rue ce jour-là, mais continuerai mon engagement en faveur d’une véritable sécurité pour les femmes. Lorsque la peine d’un violeur est réduite pour cause de brièveté de l’acte, on se dit qu’il reste beaucoup à faire.

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