C’est le sujet qui fait parler. À moins d’avoir passé votre dernier mois dans une grotte (on ne vous en tiendra pas rigueur), vous saurez que, le 26 septembre prochain, le peuple suisse est appelé à se prononcer sur le mariage pour toutes et tous dans notre pays.
D’un côté, les partisanes et partisans se bataillent pour avoir le dernier drapeau arc-en-ciel à accrocher à leur balcon. De l’autre, les opposantes et opposants se soucient d’une disparition potentielle de la «figure paternelle» et du respect des femmes, qui deviendraient des mères porteuses – qui plus est des «esclaves», a confié l’ex-politique Oskar Freysinger à mes collègues du 19h30 de la RTS. Femmes qui ne se sont d’ailleurs jamais exprimées publiquement.
Le double tabou
Vous vous souvenez de ma première chronique? Je vous parlais de mon médecin, de son infatigable Pyostacine 500 et des personnes en situation d’handicap «tout aussi homosexuelles, transgenres, noires, blanches, racistes et connes que les autres». Aujourd’hui, intéressons-nous alors à ces «invalides» qui, aidés par la singularité, ont découvert leur appartenance à une autre minorité, celle homosexuelle.
Pour se faire, je suis parti à la rencontre d’une personne qui se reconnaît dans cette définition de l’homosexualité et présente un type de handicap. Nous l’appellerons Nathan*. Pour ce jeune homme de 22 ans, la découverte de son homosexualité a été plutôt soudaine: «J’avais 20 ans quand j’ai commencé à me rendre sur Tinder. J’ai d’abord eu peur d’être rejeté à cause de ma situation de handicap. Mais ça a été. Par contre, même si je m’en doutais depuis toujours, je me suis aperçu que les profils féminins ne m’intéressaient pas.»
La perle rare
Atteint d’une tétraplégie, Nathan observe que séduire est difficile. Il estime aussi que, dans la communauté homosexuelle masculine, le paraître est très important. «Les abdos, le sexe à outrance, c’est pas trop moi tout ça. Avec un tableau comme le mien, les relations superficielles, ça n’existe pas.» Pour Mehdi Künzle, le président de l’association vaudoise de défense des droits LGBTIQ + VoGay: «Malheureusement, avec ou sans handicap, cette problématique du paraître se présente régulièrement. C’est valable pour les personnes en surpoids, de couleur…» Nathan est donc catégorique: «Avec ma difficulté, plus que n’importe qui, j’ai dû trouver la perle rare.»
Si le Lausannois parle au passé, c’est qu’il a récemment trouvé l’amour. «Sur Grindr [application de rencontres homosexuelles, ndlr.], se réjouit-il, avec un large sourire. Une perle rare trouvée sans trop de difficulté, étonnamment.» Le plus difficile pour Nathan ce fût plutôt de conjuguer ce qu’il qualifie comme des «codes de l’amour» avec son handicap. En revanche, il est déçu de ne pas avoir pu trouver une association spécialisée dans ce double tabou, afin de répondre aux problématiques rencontrées par lui et son partenaire.
Contacté par téléphone, Mehdi Künzle explique que depuis 2017 le groupe Alliage, en partenariat avec l’association VoGay et l’institution Eben-Hézer, existe pour répondre aux questions des personnes LGBTIQ + en situation de handicap. «Malheureusement, en raison de la pandémie et des directives sanitaires en institution, le groupe a dû stopper temporairement ses activités», regrette le président de l’association vaudoise. Il espère toutefois que des solutions seront trouvées avant l’hiver et assure que la permanence téléphonique et les autres groupes de parole restent ouverts aux personnes doublement concernées.
Mariage pour toutes et tous
Nathan estime être désormais épanoui dans sa vie amoureuse. «Même si nous avons droit, comme tout le monde, à des conflits. Des fois, ils concernent directement mon handicap et mes capacités, mais mon copain m’accepte comme ça.» Lorsque je lui demande pourquoi c’est important pour lui de témoigner dans l’anonymat, il me répond: «mon handicap est très visible. Je n’ai pas le choix de le montrer. Mon homosexualité, par contre, n’est pas inscrite sur mon front et je veux garder ce privilège de pouvoir l’annoncer quand j’ai envie».
Au terme de notre discussion, le soleil embrasse le visage rond et rieur de Nathan. Après que son auxiliaire de vie l’a aidé à boire son thé froid, le Lausannois informe: «Le mariage, en raison de mon handicap, n’est déjà pas très simple d’accès, car les gens sont remplis de préjugés sur la vie amoureuse des personnes en situation de handicap. Mais ce n’est pas impossible. Alors, j’espère sincèrement que le mariage pour tous sera accepté. C’est un double pas vers l’égalité pour moi.» Le message est passé.
– Malick Reinhard
*Prénom d’emprunt.