Editorial
La défiance et l'insécurité planent sur la France

Radicalisation du débat politique, meurtre à coup de poignard à Angers, incendies de forêts sans précédents... La défiance et l'insécurité planent sur la France. Alors que le pays a besoin de compromis et de confiance.
Publié: 18.07.2022 à 10:12 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2022 à 10:25 heures
Sous des températures caniculaires, les feux de forêts se sont multipliés ces derniers jours en Gironde et sur la cote Atlantique. Plus de 10'000 hectares ont été dévastés et 14 000 personnes évacuées.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Les analogies ont des limites. Mettre dans le même sac les feux de forêts qui se sont multipliés ces jours-ci en France sur la côte Atlantique, les polémiques à répétition à l’Assemblée nationale et le meurtre de trois jeunes hommes sous les coups de couteau survenu à Angers (Maine-et-Loire) dans la nuit du 15 juillet n’a guère de sens sur le plan factuel. Et pourtant: tous démontrent combien le climat incendiaire qui frappe le pays cet été, au sens propre comme au sens figuré.

Défiance et accusation

La défiance et l’accusation y règnent en maître sur le plan politique. La chape de plomb de la canicule oblige de nouveau à s’interroger sur la réalité des changements climatiques en cours, à la veille d’un hiver qui sera marqué par de probables coupures des approvisionnements en gaz russe. Le tout, sur fond d’insécurité et d’incivilités, à l’image du drame survenu à Angers, sur les bords de la Loire.

Prenons l’exemple de cette tragédie. Au départ? Une dispute ordinaire, au cœur de la nuit, entre des jeunes filles importunées et un trentenaire éméché résolu à attirer leur attention. Puis, quelques heures plus tard, le portrait d’un drame très symbolique, soldé par une attaque sans merci au couteau. Le meurtrier présumé? Un Soudanais de 32 ans titulaire d’une carte de séjour en tant que réfugié politique, était connu des services de police. Ses victimes? Trois adolescents qui avaient pris la défense des filles importunées, dont deux frères rugbymen originaires du territoire d’outre mer de Wallis et Futuna, dans le Pacifique. Pas étonnant que les réseaux sociaux se soient aussitôt enflammés.

La quiétude brisée de la «douce France»

Tout y est. Les difficultés d’intégration des réfugiés issus de pays instables et violents. Le rapport entre la métropole et ses lointains confettis. La quiétude brisée de la «douce France» qu’est la région angevine. Le choc culturel entre des hommes isolés, issus de pays où la culture masculine est impérieuse, et les jeunes femmes qui refusent de leur céder et repoussent leurs avances alcoolisées. Le carburant parfait pour les refrains contre l’immigration incontrôlée et l’accueil de réfugiés en provenance de pays musulmans.

Continuons, à cinq cents kilomètres d’Angers, avec le climat politique qui règne ces temps-ci sur l’Assemblée nationale où le premier projet de loi du second quinquennat Macron, consacré au pouvoir d’achat, doit être examiné ces jours-ci. Impossible, pour l’heure, d’y déceler le moindre esprit de compromis. Plus préoccupant: la commémoration ce week-end de la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, moment clé de la déportation des juifs de France durant la seconde guerre mondiale, a donné lieu à des volées d’insultes sur Internet entre les partisans de la France Insoumise (gauche radicale) et ceux de la majorité.

Motif? L’accusation, brandie dans un tweet par la présidente du groupe de députés insoumis, de la soi-disant indulgence d’Emmanuel Macron envers le Maréchal Pétain et la collaboration avec l’occupant nazi. Ceci au moment même où le chef de l’Etat français reconnaissait à nouveau à Pithiviers (Loiret) la responsabilité du pays tout entier dans l’horreur de la déportation, comme l’avait fait avant lui Jacques Chirac en 1995. Fossé républicain ou imprudence d’une opposition immature? Dans tous les cas, choisir la «Shoah» et l’histoire comme terrain d’affrontement politique en 2022 ne présage rien de bon. Cela dit, au contraire, le niveau de défiance ambiant.

Colère contre les incivilités

Terminons par les incendies qui ravagent les forêts du littoral atlantique, du côté de la Gironde. Le plus saillant, à écouter les élus de ces territoires, est leur colère contre les incivilités qui ont peut-être entraîné ses feux – circulation de voitures dans des espaces protégés, activités récréatives mal contrôlées – et contre la mauvaise gestion de l’espace boisé par l’administration. Là aussi, le face-à-face domine, ponctué par les interrogations sur le parc vieillissant de Canadair, les avions-citernes, et sur les possibilités d’en acquérir de nouveau alors que les finances publiques entrent dans le rouge vif. D’un côté les élus, en colère à la fois contre les pouvoirs publics et contre leurs administrés.

De l’autre, des pompiers débordés, inquiets de voir que les conséquences du réchauffement climatiques n’entraînent toujours pas de changement dans les comportements. Comme si une partie de la population, quand vient le temps des vacances, refusait d’entendre les évidences. Ce qui n’est, il est vrai, sans doute pas le propre de la seule France.

Un été de tous les dangers

Mettre ces trois événements côte à côte alimente une inquiétude: si l’été n’est pas un moment d’apaisement politique et social, mais qu’il en rajoute au contraire dans la surchauffe française, alors, comment espérer une rentrée capable d’accoucher de solutions, de compromis et de négociations rendues indispensables par la nouvelle donne parlementaire?

Cet été français de défiance et d’insécurité ne fait que commencer. Mais il apparaît, déjà, comme celui de tous les dangers.

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