La phrase est bien connue: la chance sourit toujours aux audacieux. Or avec le sommet pour la paix organisé au Burgenstock, au-dessus du lac des Quatre Cantons, les 15 et 16 juin prochains, La Suisse fait preuve d’une audace valeureuse. Oui, mettre la paix en Ukraine à l’agenda et tenter de forcer la porte entre les protagonistes de ce conflit est indispensable. Et oui, cette rencontre coincée dans le calendrier international juste après le sommet du G7 dans les Pouilles (Italie), peut faire une première différence.
Le risque est bien sûr que le boycott de la Russie enlève toute crédibilité à un processus engagé sans elle, alors que la guerre en Ukraine est l’œuvre de Vladimir Poutine. Et alors? Voyons plutôt l’autre réalité: en organisant cette conférence, et en y accueillant le plus de délégations possibles dans notre décor alpin idyllique, la Suisse offre aux alliés de Kiev l’occasion d’une main tendue à laquelle Moscou se retrouvera contraint de répondre.
Mieux: c’est aussi aux pays du «sud global» que ce sommet s’adresse. A tous ceux qui accusent avec facilité, et contre toute évidence, les Occidentaux d’être belliqueux et biaisés, la preuve sera faite. Le camp de la guerre sera, comme il l’est depuis le 24 février 2022, celui que la Russie a choisi contre le droit international. Et contre nous tous.
Pas dans une position idéale
La Suisse n’est pas dans une position idéale pour décrocher un succès au Burgenstock. Moscou ne digère pas les sanctions européennes, reprises par le Conseil fédéral. C’est vrai. Et alors? Personne ne compte, ni à Berne, ni à Washington, sur un miracle alpin, au bout de quelques heures de discussion entre leaders mondiaux. C’est un signe qui est attendu.
Le début d’un processus qui doit mener à l’ouverture de négociations, à un mois d’un autre sommet décisif: celui de l’OTAN à Washington du 9 au 11 juillet. Les 32 pays de l’Alliance atlantique, qui fêteront son 75e anniversaire, rediscuteront alors d’une arme géopolitique massive: l’éventuelle adhésion de l’Ukraine contre un gel territorial des combats et une division du pays comme ce fut le cas pour l’Allemagne après la seconde guerre mondiale. Officiellement, le sujet n’est pas à l’agenda. Mais il est dans les têtes. Le début de l’été, en clair, est propice à l’ouverture de négociations. D’une façon ou d’une autre.
Le cauchemar yougoslave
Le cauchemar, au regard de l’histoire passée des pourparlers de paix, serait que le sommet du Burgenstock entame un processus interminable de mensonges et de faux pas, comme cela fut le cas à Genève entre factions de l’ex-Yougoslavie, à la fin des années 90. Sarajevo était alors pilonnée par les Serbes, et les diplomates s’épuisaient dans les salons de l’hôtel Intercontinental, paralysés par le cynisme des chefs de guerre qui, depuis, ont presque tous fini au Tribunal de La Haye.
Justement. La diplomatie suisse connait ce passé. Les Européens et les Américains aussi. Mais reparler d'une paix équitable maintenant reste indispensable. Et la Russie, enfermée dans sa spirale d’autoritarisme, de violence et de nationalisme exacerbé, doit, si elle demeure un grand pays, finir par l’accepter.