La chronique de Mauro Poggia
Céline Vara, des critiques qui ne volent pas haut

Dans sa nouvelle chronique, le conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia revient sur le voyage polémique de Céline Vara. Il se refuse à hurler avec les loups et préfère le subtil réconfort d’une réflexion solitaire et mesurée.
Publié: 07.05.2025 à 13:26 heures
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Dernière mise à jour: 07.05.2025 à 13:39 heures
Mauro Poggia, conseiller aux Etats MCG / GE

Céline Vara est donc partie au sultanat d’Oman. La belle affaire. Elle n’a pas pris le train, ni la montgolfière, comme Phileas Fogg. Voilà que cette fluette jeune femme nouvellement élue au Conseil d’Etat, et qui devra de surcroît s’occuper de mobilité, a eu l’outrecuidance de prendre place, avec sa petite famille, dans un monstre métallique et polluant, dévoreur de planète, que tout écologiste qui se respecte doit conspuer.

Quand on est écolo, on reste chez soi, ou au pire, on rayonne à bicyclette avec un sac à dos, à travers la luzerne environnante.

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La mesure du bilan carbone d’un écolo se mesure, non pas à l’aune du film de sa vie, mais de la photographie de ses instants
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Peu importe que ce soit un voyage prévu de très longue date, pour lequel deux fillettes se réjouissaient tant, avides de découvrir une faune marine exceptionnelle. Peu importe depuis combien d’années cette famille n’avait pas fait un voyage lointain. Peu importe encore si une telle occasion ne se reproduira pas avant bien longtemps, sachant ce que la fonction de conseillère d’État impliquera de sacrifices pour sa famille tout entière. Quand on est au parti des Vert.e.s, les contrées lointaines se découvrent durant une année sabbatique, ou à travers les livres d’images.

Prêcher la vertu et succomber au vice

Tous les dévoreurs de tapas, le temps d’un week-end à Barcelone, par un vol low-cost, s’en sont donnés à cœur joie. Qu’il fait bon de voir la culpabilité de notre conscience enfin soulagée par la conviction que les porteurs de morale sont finalement nos faillibles semblables!

La mesure du bilan carbone d’un écolo se mesure, non pas à l’aune du film de sa vie, mais de la photographie de ses instants. Juste retour des choses me direz-vous. On ne peut pas prêcher la vertu et succomber au vice.

Et pourtant. A-t-on entendu de la bouche de Céline Vara, battante écologiste, un discours dogmatique jetant l’aviation au rebut? N’a-t-elle pas davantage plaidé pour des choix responsables ? L’hypocrite, ce ne serait donc pas elle, mais tous ces folliculaires d’opérette, ces lansquenets de la bienpensance, qui, sous le couvert de dénoncer un discours moralisateur, ont sonné la curée.

Hurler avec les loups

Comme beaucoup d’entre nous, je suis souvent las et agacé par les injonctions et mesures administratives multiples et variées qui nous sont assénées pour nous contraindre, sous la menace de sanctions, à modifier sans délai notre mode de vie et notre environnement immédiat, portées par des écolos de façade, qui considèrent que leur combat doit aller jusqu’à leur tenue vestimentaire.

Des porteurs de vertu qui, tels ces maires genevois et leurs alliés de circonstance, préfèrent voyager 37 heures en train tout en laissant vides les sièges qui leur sont destinés dans un vol spécialement affrété pour l’occasion, plutôt que d’affronter le qu’en dira-t-on.

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Si l’on peut trouver quelque confort à voyager au sein de la meute, il faut y préférer le subtil réconfort d’une réflexion solitaire et mesurée
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Cet agacement ne me conduit toutefois pas à qualifier Céline Vara d’hypocrite, du seul fait qu’elle ait pris place en famille dans un long courrier, qui, avec ou sans elle, se serait envolé pour Oman. Non seulement Céline Vara, tout engagée qu’elle soit, ne fait pas partie de ces sermonneurs dogmatiques, et son action politique en atteste, mais sous prétexte de dénoncer des donneurs de leçons, je n’ai pas à les singer.

Hurler avec les loups n’est pas ma tasse de thé, et si l’on peut trouver quelque confort à voyager au sein de la meute, il faut y préférer le subtil réconfort d’une réflexion solitaire et mesurée. Comme le disait Molière, «contre la médisance il n’est point de rempart».

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