Poursuivant une guerre de l'information, le Kremlin a accusé l'Ukraine d'avoir refusé une trêve et des négociations vendredi. La Russie s'était en fait dite prête à des négociations à condition que les Ukrainiens déposent les armes, ce que le président Volodymyr Zelensky, dans plusieurs videos filmées depuis le centre de Kiev, a exclu.
Au troisième jour de l'offensive lancée par le président russe Vladimir Poutine, au moins 198 civils ukrainiens, dont trois enfants, ont été tués et 1115 civils blessés, selon le ministre ukrainien de la Santé, Viktor Liachko.
«Notre armée contrôle Kiev et les villes clés autour de la capitale», a assuré Volodymyr Zelensky sur Facebook, affirmant avoir «cassé le plan» de Moscou. Il a appelé la population à prendre les armes et juré de rester à Kiev.
Washington, qui accuse Moscou de vouloir prendre le contrôle de Kiev pour «décapiter le gouvernement» ukrainien et y installer un pouvoir qui lui soit favorable, a annoncé samedi l'envoi d'une nouvelle aide militaire à l'Ukraine, d'un montant de 350 millions de dollars.
De leur côté, les Pays-Bas ont annoncé livrer «dès que possible» 200 missiles antiaériens Stinger à l'Ukraine, la République tchèque a dit envoyer «dans les heures qui viennent» des armes pour une valeur de 7,6 millions d'euros, et la Belgique a affirmé qu'elle fournirait à Kiev 2000 mitrailleuses et 3800 tonnes de fuel.
«La guerre est revenue en Europe et elle durera»
«Armes et équipements» sont en route de la part des alliés de l'Ukraine, a déclaré Volodymyr Zelensky, après un appel avec son homologue français Emmanuel Macron, qui a averti samedi matin à Paris: «La guerre est revenue en Europe» et elle durera.»
Dans Kiev, ville-fantôme désertée par ses habitants, des combats opposant les forces russes et ukrainiennes ont lieu sur l'avenue de la Victoire, une des artères principales de la capitale.
Couvre-feu à Kiev
«Toute personne présente dans la rue entre 17h00 et 08h00 (16h00 et 07h00 en Suisse) sera traitée en ennemie», a annoncé le maire de Kiev, Vitali Klitschko. Des soldats ukrainiens en patrouille ont assuré que les forces russes étaient en position de tir à quelques kilomètres de là.
Sous un ciel bleu, la carcasse d'un camion militaire pulvérisé par un missile fumait encore au milieu des débris, tandis que des détonations étaient entendues au loin. Un immeuble résidentiel d'une trentaine d'étages a été frappé de plein fouet samedi matin par un missile qui a fait des dégâts importants, sans que les autorités ne fassent état de victimes dans l'immédiat.
Le métro de Kiev est à l'arrêt et sert désormais d'abri antiaérien à la population, a annoncé Vitali Klitschko, sur Telegram.
Batailles dans les rues
La nuit de vendredi à samedi a été «difficile», selon le maire. Des «unités de sabotage» de Moscou se trouvent dans la ville, mais pas encore des unités régulières de l'armée russe, a-t-il dit. L'armée ukrainienne a dit avoir détruit une colonne de cinq véhicules militaires, dont un char, sur l'avenue de la Victoire à Kiev. Dans la nuit, les autorités ont fait état d'une attaque russe contre une centrale électrique du quartier de Troieshchyna, au nord-est de Kiev.
Des unités russes ont été identifiées à Borodianki (à 70 km au nord-ouest de Kiev) à Butcha, dans la banlieue nord-ouest de la capitale, et à Vychgorod, dans sa banlieue nord, a indiqué sur Facebook l'armée ukrainienne. Les forces russes «continuent leur attaque pour bloquer Kiev depuis le nord-est (du pays), mais elles ont été arrêtées par les forces armées ukrainiennes», a-t-elle encore affirmé.
Jusqu'à présent, le ministère russe de la Défense n'a pas évoqué d'offensive sur Kiev, faisant état uniquement de tirs de missiles de croisière sur des infrastructures militaires, d'avancées dans l'Est - où l'armée appuie les séparatistes des territoires de Donetsk et Lougansk - et dans le Sud ukrainien, où les forces russes sont entrées jeudi depuis la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014.
Centres d'accueil de réfugiés en Pologne
A travers le pays, des dizaines de militaires ukrainiens ont perdu la vie dans les combats, selon l'armée ukrainienne qui affirme aussi infliger de lourdes pertes à l'armée russe. Moscou ne donne aucune information quant à son bilan.
Sur la route entre Kramatorsk et Dnipro, deux villes de l'est de l'Ukraine, des journalistes ont constaté la présence de très nombreux convois militaires ukrainiens. Des check-points ont été instaurés aux entrées et sorties de chaque grande ville de cette zone.
La Pologne affirme que 100'000 Ukrainiens ont franchi la frontière polonaise depuis jeudi. Neuf centres d'accueil ont été mis en place. Ils sont plus de 116'000 à avoir fui au total vers les pays voisins - comme la Hongrie, la Moldavie, la Slovaquie et la Roumanie -, un nombre «en augmentation», a tweeté samedi le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR).
Vendredi, la Russie a bloqué au Conseil de sécurité de l'ONU une résolution déplorant son «agression contre l'Ukraine» et réclamant le retrait immédiat de ses troupes. Le texte était soutenu par 11 des 15 pays y siégeant.
Vladimir Poutine paraît résolu à poursuivre son offensive, jusqu'à déloger du pouvoir à Kiev ceux qu'il qualifie de «drogués» et «néonazis». Il a aussi appelé l'armée ukrainienne à prendre le pouvoir. Selon Moscou, il s'agit d'une «opération militaire spéciale» pour le «maintien de la paix» afin de «démilitariser» et «dénazifier» un pays accusé d'un prétendu génocide des populations russophones de l'Est.
Guerre des mots en Russie
Le régulateur russe des médias a ainsi ordonné samedi aux médias nationaux de supprimer de leurs contenus toute référence à des civils tués par l'armée russe en Ukraine ainsi que les termes «d'invasion», «d'offensive» ou de «déclaration de guerre».
Volodymyr Zelensky, dans une vidéo, a exhorté pour sa part les Russes en langue russe, à exiger la fin de la guerre. Le président ukrainien a également appelé samedi Berlin et Budapest à approuver l'exclusion de la Russie du système interbancaire SWIFT, une sanction considérée comme l'«arme nucléaire économique» et examinée par l'Union européenne (UE).
L'Otan, dont les dirigeants se sont retrouvés vendredi en visioconférence, a répété ne pas envoyer de troupes en Ukraine, tout en autorisant le déploiement de troupes supplémentaires en Europe, notamment dans les pays de l'Est.
Des sanctions plus dures
Volodymyr Zelensky a reçu samedi le soutien du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, qui a dénoncé à Berlin «l'égoïsme en béton» de certains pays occidentaux comme l'Allemagne, et réclamé que ceux-ci acceptent «des sanctions vraiment écrasantes» contre la Russie.
Le camp occidental se concentre sur le durcissement des sanctions contre la Russie après avoir restreint son accès aux marchés financiers et aux technologies. Les Occidentaux avaient déjà franchi un palier vendredi en imposant, fait exceptionnel, des sanctions à Vladimir Poutine lui-même et à son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov.
Moscou a de son côté annoncé la fermeture de son espace aérien aux avions venant de Bulgarie, Pologne ou de République tchèque en représailles d'une mesure similaire prise par ces pays.
(ATS)