Le Premier ministre Gabriel Attal pour la majorité présidentielle sortante (centre-droite), Jordan Bardella le président du Rassemblement national (RN, extrême droite) et le coordinateur de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard, représentant le bloc de gauche, se sont affrontés ce mardi à 20H45 lors d'un grand rendez-vous télévisé, dans la dernière ligne droite d'une campagne éclair et sous tension.
C'est a priori Jordan Bardella qui avait le plus à perdre durant cette soirée en «prime time». Après son succès aux européennes, le RN domine les sondages de premier tour, à 36% des intentions de vote selon l'Ifop, et peut caresser l'ambition d'une accession au pouvoir, qui serait historique. Il devance la coalition de gauche Nouveau Front populaire (29,5%) et le camp présidentiel (20,5%).
Rien, jusqu'ici, n'a semblé casser sa dynamique au poste de Premier ministre: ni le flou de son camp sur l'éventuelle abrogation de la réforme des retraites, ni son refus affiché d'être nommé à Matignon s'il n'obtient pas de majorité absolue à l'issue du second tour le 7 juillet – un «refus d'obstacle», l'avait taclé Gabriel Attal.
Le camp présidentiel, critiqué de toutes parts
Dans le camp présidentiel, Emmanuel Macron, critiqué de toutes parts pour avoir dissous l'Assemblée nationale après l'échec de ses troupes aux dernières européennes, multiplie les interventions en dépit des mises en garde de ses alliés et de la chute de sa popularité. Son camp apparaît comme le plus affaibli des trois blocs en lice même en cas d'alliance avec les Républicains (droite) opposés au RN (7 à 10%).
Les programmes des «extrêmes» mènent «à la guerre civile», a lancé le chef de l'Etat dans un podcast diffusé lundi. L'extrême droite «renvoie les gens ou à une religion ou à une origine», «divise» et «pousse à la guerre civile» et La France Insoumise propose «une forme de communautarisme», «c'est aussi la guerre civile derrière», a-t-il lâché, poursuivant une stratégie de dramatisation du scrutin.
«Il nous a fait ça dans toutes les campagnes», a répondu Marine Le Pen, affectant la sérénité. «C'est la stratégie de la peur», a renchéri son allié Eric Ciotti (droite) tandis que Jean-Luc Mélenchon, le leader de LFI, l'accusait d'être «toujours là pour mettre le feu».
«Les gens ont déjà choisi, c'est déjà cristallisé»
Le débat sur TF1 peut-il changer les équilibres entre les trois blocs? «Quel débat?», grince un cadre macroniste. «Les gens ont déjà choisi, c'est déjà cristallisé. Le débat ne va pas faire évoluer les choses. Peut-être que ça peut jouer sur les abstentionnistes» et «nous être profitable», nuance-t-il tout de même.
Face au RN, quelque 200 personnalités socialistes, écologistes et macronistes ont appelé dans le quotidien Le Monde la droite, le centre et la gauche à «afficher clairement dès maintenant» un accord de désistement en vue du second tour.
Dans le magazine Challenges, l'ex-ministre socialiste et ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn, retiré de la vie politique depuis l'affaire du Sofitel de New York, a de son côté appelé à «éliminer le candidat d'extrême droite» au second tour, quitte à voter LFI «en se bouchant le nez».
Jean-Luc Mélenchon, le grand absent
Jordan Bardella et Gabriel Attal ont réclamé la présence sur le plateau de Jean-Luc Mélenchon plutôt que Manuel Bompard. Ils estiment que l'ancien candidat à la présidentielle est le véritable prétendant pour Matignon au sein de l'alliance du Nouveau Front populaire, appuyant volontairement sur une ligne de fracture à gauche.
Car les autres forces politiques de la coalition de gauche réclament toutes un candidat de «consensus», et la mise au ban de l'Insoumis qu'ils jugent trop «clivant». Jean-Luc Mélenchon «n'est pas le leader du Nouveau Front populaire et il ne sera pas Premier ministre», a ainsi lancé lundi la patronne des Ecologistes Marine Tondelier à l'AFP. «Le prochain Premier ministre sera insoumis», a répliqué Jean-Luc Mélenchon sur France 2, mentionnant ses lieutenants – Manuel Bompard et Mathilde Panot en tête – comme potentiels candidats au poste, sans s'exclure non plus.
Le Conseil d'Etat a rejeté la demande du parti Les Républicains d'y prendre part. Demeuré hostile à l'alliance scellée par son président Eric Ciotti avec le RN, le parti de droite estimait «hautement préjudiciable» son absence mardi soir à une heure de grande écoute.
L'issue du scrutin, entre le spectre du premier gouvernement d'extrême droite de l'histoire du pays et une Assemblée nationale dominée par trois pôles irréconciliables pour un an minimum inquiète en France comme à l'étranger à un mois des Jeux olympiques de Paris.